Célian Ramis

Mythos 2015 : Adeline Rosenstein, passionnée et militante

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Thabor, Rennes
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Les 8 et 9 avril, le théâtre de la Parcheminerie accueillait le spectacle-documentaire Décris-ravage d’Adeline Rosenstein. Une artiste qui propose une lecture percutante de l’Histoire de la question de la Palestine.
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Les 8 et 9 avril, le théâtre de la Parcheminerie accueillait, dans le cadre du festival Mythos, le spectacle-documentaire Décris-ravage d’Adeline Rosenstein. Une artiste qui propose ici une lecture originale de l’Histoire de la question de la Palestine.

Avec Décris-ravage, la comédienne Adeline Rosenstein n’aura pas fait l’unanimité. Mais aura suscité la curiosité des festivaliers et réussi le tour de force de soulever de nombreuses questions, à commencer par celle de l’Histoire au théâtre. Comment aborder des faits historiques sur scène, par le biais de l’art ? Sa proposition est originale, conceptuelle parfois, et surprenante, voire déroutante pour qui ne s’y attend pas. Elle parle de spectacle-documentaire, « pas sur le conflit (israélo-palestinien, ndlr) lui-même mais sur la question de la Palestine. », explique-t-elle jeudi midi au micro de Canal b.

Depuis 2009, elle a réuni des témoignages d’occidentaux ayant vécu en Palestine ou en Israël à différentes périodes, autour desquels elle ajoute des extraits de pièces de théâtre historiques en arabe (les extraits ont été traduits en français), traitant des mêmes événements. Privilégier la parole des artistes originaires des pays arabes concernés plutôt que d’orienter le discours et l’Histoire vers la pensée occidentale, c’est le parti-pris de la suissesse Adeline Rosenstein.

L’artiste va alors bricoler une pièce en fonction des éléments récoltés depuis plusieurs années, en 4 épisodes, intelligemment abordés en conférence théâtrale et partiellement illustrés par 4 comédiens (3 femmes et 1 homme) présents sur scène tout au long de la représentation.

Mimes, mises en situation, représentation fictive de la carte géographique de l’Empire Ottoman, mouchoirs trempés dans l’eau violemment projetés contre des planches en bois disposées au fond de la scène… Adeline Rosenstein se lance le périlleux défi de ne rien donner à montrer visuellement, ni photos, ni vidéos, ni cartes physiques, ni documents d’archives. Ce qui lui vaudra peut-être de perdre certains spectateurs, ennuyés de cette conceptualisation étonnante qui appelle à entrer directement dans le propos, et uniquement dans le propos.

Tout repose sur les textes, sur les interprétations des comédiens, sur les intonations, tantôt magistrales et objectives, tantôt cyniques et piquantes. La violence est omniprésente, de la conquête de l’Égypte par Bonaparte à la militarisation des Palestiniens, en passant par la guerre de Crimée et le génocide arménien. Mais de par ses choix artistiques et scéniques, la comédienne ne fige ni la pensée, ni l’interprétation des spectateurs, qui découvrent ou redécouvrent, la source internationale de la question de la Palestine, un tout petit territoire « à partager en 2 peuples mais finalement il y avait un peuple qui n’était plus là. Et ça, on l’a refoulé de nos consciences » - extrait d’un entretien d’un colon arrivant en Terre Sainte.

DES QUESTIONS PLEIN LA TÊTE

Décris-ravage décortique le nœud du conflit « gros de plus de cent ans », le déroule du début XIXe au début XXe, avec un regard militant sur l’Histoire et les histoires vécues dans cette partie du monde, sans toutefois enfermer le public dans un discours moralisateur, et sans porter de jugements maladroits sur les diverses communautés ou religions présentes sur ces territoires. On ressent l’ébullition intellectuelle à laquelle se confronte l’artiste qui attache de l’importance à explorer de nombreux chemins pour en découvrir sans cesse davantage et qui n’hésite pas à remplacer les points d’exclamation par des points d’interrogation, pour emprunter encore d’autres routes non explorées par les Occidentaux (ou qui n’en ont pas encore révéler les crevasses).

Adeline Rosenstein, révoltée depuis longtemps, par la nature de ce conflit, se présente passionnée face au public de la Parcheminerie et presque apaisée, comme délivrée du poids de l’information qu’elle partage, les yeux brillants, pendant les 2 heures de représentation. Entourée de ses comédiens, elle pose la question de l’interprétation individuelle, la responsabilité de chacun à ne pas poser de questions, à agir sans savoir, du poids des Nations ironiquement bienveillantes et désireuses de « fédérer les peuples » en les écrasant, les colonisant, les expulsant, les armant…

Des thèmes violents, dérangeants parfois même, mais qui ont le mérite d’être mis à plat dans ce théâtre de l’Histoire que toute l’équipe porte avec ferveur. S’il est difficile à certains moments de focaliser son attention sur chaque propos ou chaque point développé, Adeline Rosenstein réussit à nous maintenir sur le fil des histoires qu’elle dévoile et à susciter l’intérêt et la curiosité pour le sujet comme pour la forme proposée, qui n'était que le premier volet d'une histoire encore en mouvement.

"Les Anglais prennent la Palestine. Les Français reçoivent un pourcentage sur le pétrole en Irak. STOP, la suite au prochain épisode."
conclut Adeline Rosenstein, dans ce premier Décris-ravage.

Célian Ramis

Violence animale dans l'art de la contorsion

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Théâtre du Vieux Saint-Etienne
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Le duo nous livre une performance corporelle et musicale en parfaite harmonie. De là se dégage une série d’émotions viscérales entre la violence à l’état brut, l’animalité et la brutalité.
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Dans le cadre du Temps Fort des Arts du cirque, organisé par Ay-Roop, les deux artistes britanniques Iona Kewley et Joseph Quimbly ont livré une performance originale de contorsion accompagnée d’arrangements musicaux progressifs, les 25 et 26 mars au Théâtre du Vieux Saint-Etienne, de Rennes.

Géraldine Werner, co-directrice de la structure “Ay-Roop” a repéré le duo dans le cadre du dispositif Circus Next, dispositif européen de soutien et de repérage dans les Arts du Cirque. Le duo nous livre une performance corporelle et musicale en parfaite harmonie. De là se dégage une série d’émotions viscérales entre la violence à l’état brut, l’animalité et la brutalité, dans un lieu particulièrement bien choisi, le Théâtre de Vieux Saint-Etienne. Un cadre permettant de révéler le duo : la danseuse Iona Kewney se saisit de tout l’espace offert pour l’occuper pleinement, à l’image de l’intensité de l’écho du style électronique progressif utilisé par le musicien Joseph Quimby.

La performance gestuelle de Iona Kewney, femme à la fois féminine, musculaire avec un corps enfantin et sans tabou, est un coup de poing, un combat que la contorsionniste livre contre elle-même et que l’on prend en pleine face.

Son corps qui se déforme, se transforme, s’agite, n’est pas accompagné de parole, juste des respirations hâletantes, râles et cris évoquant une forme de communication animale. Le spectateur assiste de manière très brute à cette violence, et se voit mis en difficulté par effet de transposition sur son proper corps. Une situation qui peut s’avérer stressante sans toutefois parler d’agression.

Les gestes déshumanisés, presque animaux, sont en parfaite harmonie avec le caractère progressif de la musique électronique type scandinave de Joseph Quimbly, au clavier. Cette harmonie et progression permet au spectateur une compréhension des émotions dégagées : le spectacle semble une approche primaire du combat de la vie, de son intensité, de sa difficulté et bien sûr de sa rapidité.

L’aspect animal apporté par la danseuse se fait également de par l’utilisation des élements (terre, eau, branche d’arbre) entremelés aux déformations et mouvements de son corps. Ce spectacle provoque le spectateur, l’amenant également à une recherche, une interrogation sur le sens de leur utilisation autour des contorsions.

Le public est alors absorbé par la magie de la prestation et cherche à comprendre cette progression des contorsions afin de partager les émotions avec Iona Kewley.

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Mythos 2015 : Les femmes (minoritaires) prennent la parole !

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Rennes
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Cette année, les femmes se font discrètes dans la programmation. Toutefois, l’engagement des artistes présentes, et leur volonté de prendre la parole et raconter, n’en est pas amoindri. Gagnez vos places ici !
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Du 7 au 12 avril, le festival des arts de la parole Mythos reprend ses quartiers dans la capitale bretonne et sa métropole. Dix places vous sont offertes ici pour assister à des spectacles créés par des artistes féminines engagées et expressives.

Cette année, les femmes se font discrètes dans la programmation de Mythos. Toutefois, l’engagement des artistes présentes n’en est pas amoindri, et elles démontrent leur volonté de prendre la parole et de raconter, que ce soit dans « Please, continue (Hamlet) » de Yan Duyvendak & Roger Bernat, dans « Le grand frisson » de la compagnie des Femmes à barbe ou encore dans « Les résidents » d’Emmanuelle Hiron.

PLACES À GAGNER

• Décris-Ravage, d’Adeline Rosenstein : 4 places

Adeline Rosenstein attise déjà toutes les curiosités avec son théâtre documentaire, « Décris-Ravage », qui mêle témoignages d’artistes occidentaux ayant vécu en Israël ou en Palestine à des pièces de théâtre historiques traitant des mêmes événements. C’est avec originalité, espièglerie et humour qu’Adeline Rosenstein s’empare du sujet du conflit israélo-palestinien pour poser le débat, sans jamais éviter les questions inconfortables, les tensions.

2 places à gagner pour la représentation du mercredi 8 avril, 18h, au théâtre de la Parcheminerie, Rennes
2 places à gagner pour la représentation du jeudi 9 avril, 20h30, au théâtre de la Parcheminerie, Rennes.

• Voyage extra-ordinaire, de La grosse situation : 2 places

Le trio de La grosse situation propose une déambulation imaginaire à l’occasion d’une représentation unique de « Voyage extra-ordinaire ». Alice Fahrenkrug, Bénédicte Chevallereau et Cécile Delhommeau sont définies comme comédiennes, auteures, metteures en scène, escaladeuses, botanistes, raconteuses d’histoire, chanteuses d’occasion, bricoleuses du quotidien et exploratrices chevronnées. Rien que ça. Ou tout ça pour emmener un groupe de volontaires dans un voyage vers l’imprévu.

2 places à gagner pour la représentation du jeudi 9 avril, 21h, au Campement Dromesko, St-Jacques-de-la-Lande.

• Sianna (+ Set&Match) : 2 places

Déjà repérée lors de Bars en Trans en décembre dernier, Sianna est une révélation sur la scène rap. Ses inspirations sont variées : du r’n’b au rap français en passant par la soul et le blues afro-américain, la jeune artistes livre ses rimes avec énergie et dynamisme. Habituée à partager la scène avec d’autres artistes urbains, la rappeuse se présentera seule devant le public de Mythos et promet une explosion d’émotions.

Ce soir-là, elle partagera non pas la scène mais l’affiche avec le groupe r’n’b Set&Match, au ton décalé et raffiné.

2 places à gagner pour le concert du vendredi 10 avril, 20h30, à l’Antipode MJC, Rennes.

• Yael Naïm (+ récit de Nicolas Rey & Mathieu Saïkaly) : 2 places

La réputation de Yael Naïm n’est plus à faire. D’Israël à Paris, ses chansons voyagent au fil des langues et des pays et l’artiste est de celles qui chantent avec insolence et cruauté, de celles qui savent que l’art n’a pas grand chose à voir avec la politesse. Avec son compagnon, David Donatien, qui signe les arrangements, ils instaurent une ambiance particulière et entrainent le public dans une sorte de doux rêve dont il est difficile de s’extirper mais agréable de s’y glisser.

Avant le concert, découvrez « Et vivre était sublime », une histoire née de la rencontre entre deux hommes et deux univers, l’écrivain Nicolas Rey et le musicien Mathieu Saïkaly.

2 places à gagner pour la soirée récit-concert du vendredi 10 avril, 20h30 (récit) et 22h30 (concert), dans le parc du Thabor, Rennes.

Pour gagner vos places, soyez les premiers à nous contacter à l’adresse redaction@yeggmag.fr, en précisant la représentation qui vous intéresse (avec date et heure).

Merci de nous préciser votre nom, prénom, adresse et mail.

Célian Ramis

Les poissons conspirent et Sabine Revillet tricote des bouquins

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ADEC, Rennes
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Sabine Revillet débarque de Paris avec ses valises remplies d’histoires énigmatiques. En résidence à l’ADEC - Maison du Théâtre Amateur, l’auteure et comédienne effectue ses premiers pas dans l’univers romanesque.
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De janvier à avril 2015, le quartier de Bourg-L’Évêque n’a qu’à bien se tenir : Sabine Revillet débarque de Paris avec ses valises remplies d’histoires énigmatiques. En résidence à l’École de l’Ille et à l’ADEC - Maison du Théâtre Amateur, l’auteure et comédienne habituée à fouler les planches, effectue ses premiers pas dans l’univers romanesque. Elle propose un projet pour le moins original : coécrire, avec les petits comme les plus grands, un roman intitulé La conspiration des poissons.

« La conspiration des poissons est un bon livre. Pire : « excellent », « génial », « le livre de l'année »... Pourquoi pas le livre du siècle pendant qu'on y est ? Du Proust dans un bocal, du Balzac à l'eau du robinet, du Molière en écailles... » Sur les planches du théâtre de l’ADEC ce vendredi 30 janvier, Yvan Dromer, directeur du lieu, déclame face au public la critique que l’auteur Olivier Arrighi a rédigé sur le nouveau roman de Sabine Revillet, un ouvrage qui n’a jusque-là pas été publié, ni même écrit. Et pourtant, les critiques affluent depuis des mois !

Sabine Revillet sourit. En cette soirée de lancement de sa résidence, elle lève le voile sur le mystère qui enveloppe la sortie de son roman : « Il y a un an, j’ai lancé un appel à textes à des auteurs que je connais. Je leur ai demandé d’envoyer un commentaire d’un texte fictif à partir du seul titre, La conspiration des poissons, et d’une couverture. » Les articles qu’elle reçoit au fil des mois (près de cinquante), elle les consigne sur le blog http://conspipoissons.canalblog.com/. Gardé secret, ce site n’était à l’origine destiné qu’à elle seule. Mais au fil de l’eau, le projet prend de l’ampleur.

D’ici quelques mois, La conspiration des poissons deviendra une histoire de tricot. À partir des textes récoltés (elle aimerait en retenir une centaine), Sabine souhaite travailler à l’envers pour broder un canevas romanesque : « Ce qui me plaît le plus dans cette affaire, c’est le principe de réunir des gens, auteurs ou non, qui vont contribuer au même projet sans se connaître. J’aimerais les faire se rencontrer un jour. Pourquoi ne pas imaginer d’ici quelques temps… une fausse sortie du livre ! »

QUAND LA CRÉATION LITTÉRAIRE DEVIENT L'AFFAIRE DE TOUT

Sur la scène du théâtre de l’ADEC, Yvan Dromer met un point final à la critique d’Olivier Arrighi : « La littérature est un art comme les autres où « le regardeur fait l’œuvre ». Plus précisément : c’est le lecteur qui fait le livre. Pour preuve : il n’y aurait pas de livres sans lecteurs et plus il y a de lecteurs, plus il y a de livres. » Il ne croit pas si bien dire : durant sa résidence dans le quartier de Bourg-L’Évêque, Sabine propose aux habitants, petits et grands, de coécrire avec elle La conspiration des poissons. « Pour l’instant, il s’agit d’un texte à construire. On fait un peu les choses à l’envers mais en bout de course, tout le monde en aura écrit un petit bout ! » précise-t-elle.

En parallèle du blog, des « livres blancs » circuleront dans le quartier jusqu’au mois d’avril. Quatre d’entre eux sont empruntables à la bibliothèque municipale de Bourg-L’Évêque, un cinquième a élu domicile à l’ADEC. Chaque participant doit suivre le mode d’emploi à la lettre. Reposant sur le jeu du « cadavre exquis », le principe est simple : chaque écrivain en herbe doit se servir du dernier mot du texte rédigé sur la page précédente afin de débuter son propre article. Un thème à respecter, celui de l’eau. Sabine rappelle que « sur le papier, on a le droit d’être ce que l’on veut. Dans le fond, il est parfois plus facile d’écrire que de dire... » Cette initiative unique en son genre n’est d’ailleurs pas sans rappeler les procédés de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle), un groupe international de littéraires et de mathématiciens qui considèrent que les contraintes formelles sont un puissant stimulant pour l’imagination.

« Ce projet est particulier. Il ne s’agit pas d’une résidence d’écriture classique, comme nous avons déjà pu le faire par le passé à l’ADEC. Nous sommes essentiellement dans un travail de médiation, de présence de l’auteure sur place et d’interaction avec les habitants. Ce qui est important pour nous, c’est le rayonnement et l’ancrage que ce projet va avoir au sein du quartier et de l’école de l’Ille », précise Yvan. L’essentiel de l’activité de Sabine se déclinera en différents volets de médiation. Dès son arrivée à Rennes mercredi 28 janvier, l’auteure a d’ailleurs animé un atelier d’écriture à l’Antre-2 Café, un café coopératif et associatif situé dans l’ancienne école Papu.

L'ÉTRANGE DÉCOUVERTE D'UN MANUSCRIT RONGÉ PAR LES RATS

« Il y a quelques temps, un ami m’a envoyé une lettre accompagnée d’un roman à moitié rongé par les rats et dont l’eau de mer a effacé une partie du récit. Ce livre a pour titre La conspiration des poissons...»
indique Sabine Revillet, sur le ton de la confidence.

L’auteure explique au public la façon dont elle compte mener une enquête littéraire avec deux classes de CM1 de l’École de l’Ille : tel un jeu de piste, ils essayeront de reconstituer ensemble cette mystérieuse histoire. En parallèle du projet mené avec les adultes, neuf livres blancs circuleront dans l’établissement, laissant l’opportunité aux élèves de percer, sur le papier, le secret de cette conspiration et de « cet auteur inconnu, certainement voyageur au long cours, qui a abandonné son roman sur une île… » 

Cette initiative, portée par le SMAE (Service de Médiation Actions Éducatives des Bibliothèques de Rennes), est avant tout adaptée aux enfants allophones, primo-arrivants à Rennes et qui apprennent cette année la langue française au sein des deux classes de CM1 sélectionnées. La résidente interviendra également sur des temps périscolaires en lien avec les ateliers théâtre à l’ADEC. « Afin de sensibiliser les enfants à la pratique théâtrale, les deux classes sont venues cette semaine à l’ADEC pour une journée « découverte ». Ils ont gouté au plateau, aux mots, à la lecture. On les a mis au parfum ! » plaisantent Yvan Dromer et Christophe Loviny, qui pilote le projet au sein du SMAE.

Marie-Anne Morel, responsable au SMAE, revient quant à elle sur l’historique du projet :

« Avec l’ADEC, nous avons développé depuis plusieurs années un partenariat sur le long cours. Nous avons rencontré Sabine l’an passé dans le cadre de l’initiative Par 4 chemins. »

L’auteure avait, à cette occasion, rédigé une pièce teintée d’humour La queue du lézard pour une troupe de théâtre amateur de Fougères, Théâtre à Falgard.

Cette année, une nouvelle étape a été franchie avec la mise en place des « Résidences d'Artistes à l'École », un projet soutenu par la DRAC Bretagne et La Ville de Rennes. « Selon les traces que l’on aura, on présentera une restitution finale mais ce n’est pas ce qui nous importe le plus pour l’instant. L’essentiel du projet repose sur tout ce qui va se dérouler pendant quatre mois. Aujourd’hui, un point nous paraît fondamental : nous souhaitons laisser un maximum de libertés à Sabine afin qu’elle prenne le plus naturellement possible sa place d’artiste au sein de l’école et du quartier. Elle sera comme un poisson dans l’eau… mais hors de son bocal ! » conclut Marie-Anne amusée.

 

Dates clés de la résidence :
Samedi 28 février à 15h00 : Rencontre & lectures à la bibliothèque municipale de Bourg-L’Évêque.
Jeudi 26 mars de 19h30 à 22h00 : Atelier libre au théâtre de l’ADEC.
Vendredi 27 mars à 19h00 : Apéro-lecture sur La conspiration des poissons à la bibliothèque de l’ADEC.
Samedi 28 mars à 10h30 : Lecture à voix haute à la bibliothèque municipale de Bourg-L’Évêque.

Célian Ramis

Puzzle Compagnie, l'insoumission de la création

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Cercle Paul Bert Nord-Ouest Le Noroit, Rennes
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Un mardi par mois, à 18h30, au Cercle Paul Bert Nord-Ouest Le Noroît, les comédiens de la Puzzle Compagnie se livrent à des improvisations en vue d'un nouveau spectacle.
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La Puzzle Compagnie s'empare de la tragédie Roméo et Juliette pour son Chantier Public. Un mardi par mois, à 18h30, au Cercle Paul Bert Nord-Ouest Le Noroît, les comédiens se livrent à des improvisations en vue d'un nouveau spectacle. Le 3e rendez-vous est donné mardi 16 décembre.

En débat, dans les coulisses ce mardi 18 novembre : Juliette est-elle féministe ? « Elle refuse le mariage arrangé pour épouser un autre. Mais est-ce par là qu'on s'épanouit ? », se questionne Marjorie Blériot, membre de la Puzzle Compagnie.

La discussion n'est pas surprenante pour la compagnie qui intervient fréquemment sur les thèmes de l'égalité et la discrimination.

« Nous essayons de tordre le cou aux clichés. Les femmes ne sont pas que des petites minettes éplorées qui servent la soupe aux hommes », s'exclame Charlotte Baheu, référente artiste.

Depuis octobre, la compagnie travaille sur un nouveau projet, le Chantier Public, fondé sur Roméo et Juliette. Six rendez-vous sont programmés, un mardi par mois. Les comédiens y font des expérimentations, devant les spectateurs. « Nous attendons du public des retours qui nous enrichissent, ouvrent des débats ou en résolvent », précise Marjorie Blériot. Dès sa création, il y a bientôt dix ans, la compagnie s’est spécialisée en improvisation.

« Nous défendons cette pratique comme une discipline à part entière. L'improvisateur fait tout à la fois : comédien, metteur en scène, scénographe et auteur »
Charlotte Baheu, comédienne.

Dans la salle, les rires fusent de tous côtés. Si la séance mensuelle a pour thème la révolte par le refus et la transgression de l’ordre, les improvisateurs misent tout sur la cocasserie des situations. « Nous espérons que le public voit l'évolution d'un spectacle qui se construit sous ses yeux », confie Marjorie Blériot. Le prochain chantier est programmé mardi 16 décembre, au Cercle Paul Bert.

Avant chaque représentation, les comédiens s’entraînent au travers d’exercices. Ils en font une restitution le soir sans pour autant jouer les mêmes scènes. « L'improvisation souffre de la répétition. C'est la magie de l'éphémère », affirme Charlotte Baheu. Selon la réaction de leurs partenaires et du public, les comédiens modifient leurs choix.

« Il faut être suffisamment à l’écoute et dans le respect de l'autre pour que l'improvisation fonctionne, précise la jeune femme. Mais nous sautons sans filet, comme des voltigeurs. » Ni barrières, ni obstacles pour la Puzzle Compagnie dont les membres aiment à dire que les improvisateurs sont des insoumis.

Célian Ramis

Hors lits, en toute intimité avec ses voisins

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Rennes
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De la laverie à la grange d'une maison qui sera bientôt démolie, Hors lits invite à la performance insolite et intrigante. YEGG vous guide.
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Et si vous alliez voir un spectacle chez votre voisin dont vous avez toujours rêvé de voir l'aménagement intérieur ? C'est à peu de choses près ce que propose le concept Hors Lit. Des artistes effectuent une série de performances chez des particuliers qui acceptent, le temps d'une soirée, de prêter leur intérieur. YEGG a testé pour vous.

Par une froide soirée de novembre, une bande d'inconnus se réchauffent en tapant du pied à l'arrêt de bus Saint Yves sur la ligne 5. Le rendez-vous a été donné là, mais aucun des spectateurs ne sait exactement où nous allons nous rendre. Florence, manteau jaune assorti au bleu de ses yeux, est l'instigatrice de cette 6ème édition rennaise. Elle prend la parole pour annoncer le départ. Suivez le guide.

Hors Lit n'est pas né à Rennes mais à Montpellier, en 2005. Créé par quelques artistes qui ont ensuite bougé et ensemé dans toute la France. Toulouse, Paris etc... jusqu'à arriver à Rennes. Cela faisait deux ans que le concept n'avait pas eu lieu dans la capitale bretonne.

La 6ème édition vient donc combler un vide de deux années. Sur le site internet, Hors lit est défini comme s'inscrivant : « dans une démarche sensible de réécriture de l’intime en ouvrant des espaces alternatifs entre artistes, habitants et spectateurs. »

ARRÊT « LAVERIE »

Le premier arrêt se fait dans la laverie du quartier. Dans un angle de rue, elle apparaît comme un havre de chaleur au spectateur ankylosé par le froid. Nous entrons. Une jeune femme nous attend assise sur une table, jouant avec une balle en mousse. Elle indique au public où se placer puis démarre sa performance. Elle investit le lieu pour y danser et y chanter avec énergie.

Délurée, elle passe des claquettes à une chanson de Boby Lapointe avec pour seule transition une visite dans les machines. À quatre pattes sur les machines à laver, elle réalise le rêve de tout utilisateur de lavomatique : transformer l'attente ennuyante en un moment défoulant et créatif. Un jeune homme se retrouve au milieu des spectateurs alors qu'il venait juste laver son linge.

« Bon, je vais peut-être pouvoir récupérer mes affaires maintenant ! »
lance-t-il, amusé, lorsque la performance se termine.

Stupeur des spectateurs qui pensaient que la machine lancée était prévue dans le spectacle. Les rires fusent. Première étape réussie.

Tel un troupeau en transhumance, nous repartons vers le second lieu, toujours guidé par le berger Florence et une femme qui tient sur sa tête une pancarte « Hors Lit ». Les rues sont vides à cette heure-ci mais quelle image renvoyons-nous aux quelques passants égarés ?

ARRÊT « MAISON DE LOTISSEMENT »

Arrivés au second lieu, nous pénétrons cette fois-ci dans une maison de lotissement qui ne dénote pas de ses voisines. Après avoir monté une volée de marches, nous voici dans un salon inconnu, d'une blancheur impeccable. Pas de trace des maîtres de maison. Comme dans la laverie, une danseuse nous attend, muette. Sa performance est bien assortie au décor sobre de cet intérieur : très froide, sans musique et un peu plombante. Certains manquent de piquer du nez.

La technique est impeccable mais pourquoi une chorégraphie aussi triste dans un concept empli de bonne humeur ? Nous repartons tous sur la pointe des pieds, en ayant presque eu l'impression de déranger.

Les langues se délient sur le chemin qui nous mène au troisième lieu. Nous prenons plus le temps pour causer avec nos camarades d'un soir. Venus en couple ou entre amis – les plus jeunes spectateurs sont proches de la quarantaine - ils commentent les performances ou tentent de se repérer dans le quartier. Le but des performances Hors Lit c'est aussi la découverte ou la redécouverte d'un lieu de Rennes.

ARRÊT « MAISON DU QUARTIER »

La troisième étape se fait de nouveau dans une habitation du quartier. À l'entrée, la maîtresse de maison nous accueille, tout sourire. L'intérieur est nettement plus chaleureux que le précédent. Assis sur des canapés, des chaises, des tabourets, ou sur des coussins au sol, comme lors d'un dîner entre amis, nous assistons à la projection d'un film sur la vie d'une paludière.

Sans fausse empathie et avec un sens artistique certain, le réalisateur nous plonge dans les marais salants et dans l'existence hors du temps de cette femme. Le film plaît, le lieu aussi, c'est presque à regret que certains quittent la maison vers la dernière étape de notre soirée.

Le quatrième et dernier lieu est celui qui a justifié le choix du quartier du sud gare pour cette sixième édition de Hors Lit : c'est la maison de la première danseuse, celle de la laverie. Nous apprenons qu'elle s'appelle Lucie. Florence prend la parole pour expliquer :

« L'affiche que vous voyez là c'est celle qui annonce le projet immobilier qui va conduire à détruire la maison de Lucie. Ils vont raser sa maison pour construire des immeubles. C'est elle qui m'a sollicité car elle voulait rendre un dernier hommage à son lieu de vie. »

Le Hors Lit millésime 2014 a presque un aspect politique. Au vu de l'emplacement de la maison, à deux pas du pont de Nantes, avec une superficie de terrain importante, il n'est pas étonnant que l'endroit ait attiré la convoitise de promoteurs.

ARRÊT « GRANGE »

Astrid Radigue, du groupe Furie, nous attend sagement derrière son clavier sous la grange. Une odeur de vin chaud s'échappe d'une marmite et, à son invitation, nous nous précipitons pour en prendre une tasse avant que le concert ne débute.

Avec simplicité et humour, Astrid mène le public dans son univers pop. Les notes s'égrènent et résonnent sous le toit de la vieille grange, tandis que les deux lions de cirque en carton fixent le public de leurs yeux de braise. À peine le temps de quelques chansons et c'est déjà fini. Cela fait presque trois heures que nous déambulons de lieu en lieu.

Le périple s'arrête autour de la marmite de vin chaud accompagnée de quelques toasts, sous la grange. Convivialité restera le maître mot de cette soirée hors du temps. Il est maintenant temps de regagner nos lits.  

Célian Ramis

Névroses sexuelles : le théâtre contre les diktats de la société

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La Paillette, Rennes
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Plongée dans la sexualité débridée de Dora, une jeune femme en pleine découverte de son corps, sous le regard désapprobateur de son entourage.
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Du 15 au 18 octobre, la compagnie LKT Production a foulé les planches de la Paillette avec la pièce Les névroses sexuelles de nos parents. Une plongée dans la sexualité débridée de Dora, sous le regard désapprobateur de son entourage.

La décision est prise : le corps médical met fin au traitement de Dora. La jeune femme, qui souffre d’un trouble mental, sort alors de sa léthargie. Elle se découvre un intérêt pour son corps et les relations sexuelles. Sans pudeur, Dora admet qu’elle aime faire l’amour, ou plutôt « baiser ». C’est alors que l’Homme délicat, un représentant en parfum, d’âge mur, l’initie à une sexualité violente et brutale. Avec pour conséquence une grossesse, un avortement et une stérilisation forcée. Une comédie tragique où l’éveil de la jeune femme se heurte à une normalité dictée et destructrice.

Ici, le texte du dramaturge suisse Lukas Barfüss a été conceptualisé et mis en scène par les nantais de la compagnie LTK Production, Marilyn Leray et Marc Tsypkine. « Au début, j’ai choisi cette pièce parce que j’ai ri », déclare Marilyn Leray. Certaines scènes sont cocasses.

Dans un des tableaux, Dora, son corps nu caché sous un drap, prend une pose provocante sur le lit. Un clin d’œil au Mépris de Jean-Luc Godard et à Brigitte Bardot. Le médecin, lui, fait un exposé comique sur la sexualité : ne pas faire l’amour en plein air, dans les endroits connus parce que « ça attire les gens », dans la rue, dans les musées… Mais surtout, ne pas le faire avec des enfants ou avec des hommes mariés.

LES SPECTATEURS SOLLICITÉS

Derrière ces quelques tableaux, se cachent pourtant des interdits et un contrôle permanents envers Dora. « Au final, je pense que cette pièce n’est pas si drôle », admet Marilyn Leray. Si le texte de Lukas Barfüss est en apparence léger, il permet en réalité de questionner la norme. Dès le premier tableau, Dora est au milieu de la scène, au cœur d’une société qui la surveille. Différence, acceptation, conformisme et liberté… La pièce aborde ces thèmes sans pour autant y apporter ni solution, ni morale mais suscite des questions et encourage le spectateur à réagir et s’interroger.

La scénographie sollicite également l’imagination du spectateur. L’espace, épuré et minimaliste, permet à chacun de développer des images. Alors que le public entre dans la salle et que les lumières sont allumées, les comédiens sont déjà sur scène.

« Petit à petit, le spectateur entre dans l’histoire sans passer par un noir et des paroles très théâtrales. Nous le mettons aussi dans une position inconfortable afin qu’il se sente concerné »
précise Marilyn Leray.

Le public est mobilisé jusqu’à la scène finale où, sur de grands panneaux translucides, un train s’avance à toute allure vers Dora. « Le train se dirige vers Dora mais aussi vers les spectateurs. Il y a une certaine violence », explique Marc Tsypkine.

La représentation de la nudité témoigne aussi d’une volonté de saisir le public. Plusieurs comédiens se dénudent sur scène :

« C’est une façon de lutter contre une certaine bienséance et frilosité. Nous sommes dans une époque où les gens deviennent de plus en plus pudiques sur les corps au théâtre mais de moins en moins pudiques par rapport à leurs apparitions à la télévision ».
Marilyn Leray, metteure en scène de la compagnie LTK Production.

En parallèle, le duo travaille sur la mise en espace de Zone, un roman de Mathias Énard, prévue pour janvier 2016. 500 pages pour une unique phrase. Un nouveau défi pour ces anticonformistes épris d’écritures contemporaines.

Célian Ramis

François Morel et Carole Lardoux, l’exigence de l’écriture avant tout

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Carré Sévigné
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François Morel, auteur, metteur en scène, comédien et chroniqueur, et Carole Lardoux, directrice artistique du Carré Sévigné, à Cesson-Sévigné, se prêtent au jeu de l'interview croisée.
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Mardi 30 septembre, François Morel, artiste associé du Carré Sévigné, était de passage en pays breton, à l’occasion de la présentation de saison de la structure, à Cesson-Sévigné (et en a profité pour jouer son spectacle Hyacinthe et Rose). L’ex Deschiens et Carole Lardoux, directrice artistique du Carré, se sont prêtés à une interview croisée pour YEGG.

YEGG : François Morel est l’artiste associé du Carré Sévigné pour cette saison 2014/2015. Pourquoi ce choix, Carole Lardoux ?

Carole Lardoux : C’était une évidence. Je suis le travail de François Morel depuis de longues années, en tant que comédien, metteur en scène, auteur, chroniqueur sur France Inter. Au Carré Sévigné, on porte une attention particulière aux mots et à ceux qui les manient avec élégance, que ce soit dans l’humour, la poésie, le piquant…

Autre chose qui était importante aussi, je trouve que François Morel noue avec le public une relation vraie et juste avec le public. Tout comme Michèle Guigon et Emma la clown (artistes associées respectivement lors des saisons 2012/2013 et 2013/2014, ndlr). Dès la première proposition que j’ai faite à François, il a immédiatement dit oui.

YEGG : Un oui immédiat dès la première proposition… Qu’est-ce qui a motivé votre accord François Morel ?

François Morel : Je connais Carole Lardoux depuis longtemps, avant le Carré Sévigné, et j’aime son travail. Exigeant et populaire à la fois. C’est tout ce qui m’anime. Je ne veux pas jouer pour une seule chapelle. Dans cette période difficile, anxiogène, on sert à donner de l’espoir, de l’envie, de l’énergie. Cette proposition, c’était une reconnaissance de mon parcours artistique, du vrai rapport avec le public. On dit que je fais plein de choses différentes, pour moi je ne fais pas plein de choses différentes. En tout cas, ce que je veux et que j’aime c’est le rire surtout.

YEGG : Justement, on dit que vous faites plein de choses. Carole Lardoux en a cité quelques unes : comédien, auteur, metteur en scène, chanteur. Mais vous écrivez également des chansons pour les autres. Et parmi les personnes pour qui vous avez écrit, on ne trouve que des femmes. Un hasard ?

François Morel : Que des femmes, c’est vrai. Je crois que c’est parce que ça me fait écrire des choses différentes. Que je peux me mettre à la place d’une femme. Finalement, ce sont des choses que je n’aurais jamais osé chanter moi-même puisqu’elles sont pensées pour les femmes. Mais quand je les chante, elles deviennent masculines. Ou alors je dirais qu’elles sont assez féminines même quand c’est moi qui les interprète.

En fait, j’ai écrit pour Norah Krief. Quand elle a vu mon spectacle Les habits du dimanche, elle a trouvé, et elle n’avait pas tort, qu’il y avait un côté récital. Elle m’a donc demandé de lui écrire des chansons, je me suis pris au jeu et elle était contente. Ça m’a donné envie. J’ai aussi écrit pour Juliette, qui sera dans la soirée Cabaret en mai avec moi au Carré Sévigné. On s’adore, on rit beaucoup, on a des références communes. Puis on a fait un duo. Je lui ai donc fait plusieurs chansons. Elle aime bien parce qu’elle dit que je suis pas cher et que je fais des chansons idiotes ! (Rires)

Et puis Juliette Gréco aussi, ma légion d’honneur ! Quand elle préparait un disque, elle nous demandait d’écrire des chansons avec Antoine Sahler, qui est avec moi sur scène. On s’amusait de choses lourdes et profondes. Elle appréciait mais elle ne voulait pas les chanter. (Rires) Un jour, à Toulouse, on avait un rdv à 18h et il fallait être à l’apéro à 19h30. On a eu 1h30 pour écrire une chanson avec de l’humour et de la légèreté. Elle a accepté.

YEGG : Vous en avez parlé, Juliette croisera les planches avec vous lors du Cabaret. Elle viendra seule également au cours de la saison. Carole Lardoux, est-ce une coïncidence ?

Carole Lardoux : Juliette, non, ce n’est pas un hasard. Je la connais depuis 1996, c’est une grande de la chanson française. Elle était prévue dans la saison et puis François Morel m’a annoncé qu’il voulait qu’elle soit associée au Cabaret. Ça ne m’a pas surprise. Ce qui nous lie, c’est la question de l’exigence de l’écriture. La musique est le prolongement de sa poésie. Sans oublier qu’elle a beaucoup d’humour ! Elle est très drôle.

François Morel : Ah oui, elle a une chanson bretonne très drôle. Écrite en Bretagne !

Carole Lardoux : Depuis que je fais ce métier et depuis 7 ans que je suis au Carré Sévigné, je commence à programmer des artistes qui ne sont pas sans rapport les uns avec les autres. Et plus j’avance, plus il y a de rapport. Ça doit être la maturité…

YEGG : Le fameux âge de la maturité… C’est donc ça pour le Carré cette saison, c’est l’âge de la maturité ?

Carole Lardoux : Je pense que oui. La maturité, dans les goûts, le style.

YEGG : François Morel, si vous connaissez Carole Lardoux depuis un moment, vous n’êtes pas sans savoir qu’elle est également membre du mouvement HF Bretagne…

Carole Lardoux : Ah non ça il ne le sait pas. (Rires)

François Morel : Ah non je ne le savais pas. C’est quoi alors le mouvement HF Bretagne ?

(Carole Lardoux lui explique.)

YEGG : Maintenant que vous savez tout, est-ce une thématique, celle de la parité et de l’égalité des sexes dans le domaine de la culture et celui des médias puisque vous y avez un pied également, à laquelle vous êtes sensibilisé et sensible ?

François Morel : Ah. Alors, je crois qu’il y a un tas de femmes formidables, d’artistes magnifiques, sur la scène culturelle. Après, et j’espère que ce que je vais dire ne va pas être mal interprété, je trouve ça un peu insultant de voir que l’on veut nommer des femmes pour nommer des femmes. Ce qui importe c’est avant tout de se soucier des compétences. Les quotas, c’est affreux. Mais peut-être qu’il faut passer par là pour qu’on s’y habitue…

YEGG : Pour terminer, François Morel, vous présentez au Carré Sévigné, en ouverture de saison, votre spectacle Hyacinthe et Rose. Qui sont ces deux personnages ?

François Morel : Un homme, une femme, la parité ! (Rires)

YEGG : L’égalité des sexes vous en remercie.

François Morel : C’est un grand-père et une grand-mère. Lui est coco. Elle est catho. En fait, ce spectacle est un livre. Martin Jarry, un jour, m’a montré plusieurs de ses peintures qui étaient des portraits de fleurs. Il m’a dit qu’il voulait en faire un livre avec les portraits et des textes. Et m’a demandé d’écrire les textes. Je suis alors parti d’un exercice oulipien, perécien. Je me suis donné la contrainte de rattacher un souvenir d’enfance à chaque fleur avec des vertus poétiques et comiques. C’est donc d’abord un livre, et c’est pourquoi je propose une lecture spectacle. Un spectacle qui passe par le prisme du récit et de l’écriture.

YEGG : Merci François Morel et Carole Lardoux.

François Morel et Carole Lardoux : Merci à vous.

Célian Ramis

Charlotte Brédy, metteure en scène passionnée de Feydeau

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Rennes
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Rencontre avec une inconditionnelle du dramaturge qui a rythmé toute sa vie professionnelle et qui lui inspire la mise en scène de deux pièces de Feydeau, à découvrir à Rennes.
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La compagnie de théâtre Felicita, créée par la comédienne et metteure en scène Charlotte Brédy, s'est implantée à Rennes depuis trois ans. Pour la première fois dans la capitale bretonne, elle présente deux pièces de Feydeau, Le Dindon et Les Fiancés de Loche, à partir du samedi 27 septembre. Rencontre avec une inconditionnelle du dramaturge qui a rythmé toute sa vie professionnelle.

Tous les chemins mènent à Georges Feydeau. Le parcours de celle qui a vécu entre la Bretagne et la région parisienne se résume à cette phrase. Car l'auteur français la suit depuis l'adolescence. « C'est une grande histoire d'amour », concède la jeune femme.

Le rythme et les intrigues loufoques de ses comédies bourgeoises lui ont tout de suite plu. Un véritable défi pour la mise en scène et le jeu théâtral.

« La comédie est beaucoup plus difficile à jouer que le drame, parce que le rire va être déclenché sur un mot ou un rictus. Il faut être parfait à la seconde près », raconte-t-elle d'expérience. Pour autant, elle ne se laisse pas démonter. La comédie, un « théâtre sans prise de tête » selon elle, est son domaine de prédilection. L'artiste de 28 ans a fait de l'improvisation « sur le tas » et des formations sur la Commedia Dell'Arte, genre hérité de la scène italienne qui privilégie la gestuelle et l'échange avec le public.

PASSION FAMILIALE

Le théâtre, c'est une histoire de famille. Ses grand-parents paternels étaient tout deux comédien-ne-s et chanteur-se-s d'opérette. « Je me déguisais en clown à la maison », se souvient-t-elle, amusée. À 10 ans, elle a le déclic. Le professeur de musique de son collège, à Saint-Brieuc, lui attribue un petit rôle dans la pièce qu'il met en scène. Sa réplique est brève, seulement quelques mots. Mais « quelque chose s'est passé », reconnaît-elle. « J'ai pris du plaisir pendant cinq secondes et j'ai su que je voulais faire du théâtre mon métier. » Et sa détermination a payé.

À la sortie du lycée, la jeune femme intègre les prestigieux cours Florent à Paris, où la concurrence est rude. Pourtant, ses études avortent au début de la troisième année. La raison ? La pièce de Georges Feydeau, Le Dindon. Charlotte avait choisi de présenter une scène pour l'examen d'entrée au Conservatoire. Problème : aucun de ses camarades masculins n'a voulu ne voulait jouer le personnage principal, le jugeant trop compliqué.

« À ce moment, j'ai remarqué qu'il y avait un fossé entre moi et les autres élèves. C'est ce dramaturge qui m'a fait quitter les cours Florent ! », sourit la passionnée de théâtre au caractère bien trempé, qui poursuit : « C'est l'élément déclencheur tout bête mais je ne le regrette pas du tout. »

Une fois partie, elle se lance dans l'écriture de one-woman-shows dans lesquels elle retrace avec légèreté ses déboires sentimentaux de l'époque. Charlotte s'en sert comme thérapie par le rire jusqu'en 2011. En parallèle, elle joue dans plusieurs compagnies théâtrales. En 2009, elle monte à Paris sa propre troupe, la compagnie Felicita - bonheur en italien. Son envie initiale est de jouer avec des professionnel-le-s mais Charlotte fait immédiatement marche arrière, faute de pouvoir les rémunérer. Désormais, elle ne travaille qu'avec des personnes amateures « de façon professionnelle », précise-t-elle. « C'est une ambiance différente et une autre manière de travailler. Les amateurs viennent sans compter », compare la metteuse en scène.

LE THÉÂTRE, SOURCE DE LIBERTÉ

Il y a trois ans, Charlotte Brédy revient en Bretagne pour intégrer une troupe rennaise en tant que metteure en scène. « C'est très difficile d'en faire son métier à Paris, justifie-t-elle. Les salles de répétition coûtent une fortune et jouer revient cher. Moi je fais ce métier pour être libre, laisser mon imagination et ma créativité s'exprimer, pas pour être prise dans un système financier. »

Cependant, leur collaboration s'arrête rapidement. Motif : une autre pièce de Georges Feydeau. « Il n'y avait pas de comédiens suffisants pour monter Les Fiancés de Loche. Cela n'a pas abouti car nous n'étions pas sur la même longueur d'ondes. » Elle reprend ensuite la compagnie Felicita, qui déménage à Rennes.

FEYDEAU À DOMICILE

Depuis toutes ces années, son envie de mettre en scène ces deux pièces est toujours présente. Un projet de longue date qui se concrétise à partir du samedi 27 septembre sur les planches rennaises – salle Maurepas et salle Rabelais. Charlotte Brédy présente avec sa compagnie, Le Dindon et Les Fiancés de Loche.

« Tout se rejoint ! Ce ne sont que des boucles ! », s'enthousiasme-t-elle. Sept dates sont prévues pour chaque spectacle. Ce sont les premiers de Feydeau que la metteure en scène produit en Bretagne. En 2010, elle avait déjà dirigé à Paris, une œuvre du dramaturge, Léonie est en avance ou le mal joli, dans une mise en scène très contemporaine.

Les pièces seront également jouées dans un tout nouveau format proposé par la compagnie, le « théâtre à domicile ». La troupe est invitée à jouer une pièce chez un particulier qui convie lui-même ses invités. Cela donne « une ambiance plus chaleureuse car tout le public va se connaître », espère-t-elle. Pour tâter le terrain, un premier essai se fera chez Charlotte Brédy, à la Chapelle-aux-Filtzméens, au nord de Rennes, avant de se développer. Une initiative théâtrale à l’image de la jeune femme. Joyeuse et conviviale.

Célian Ramis

YEGG fait sa BIennale de l'égalité : Dans l'intimité du hammam (5/5)

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Lorient
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Un spectacle intense et émouvant « À mon âge je me cache encore pour fumer », présenté par la compagnie finistérienne Les Cormorans.
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La 4e Biennale de l’égalité femmes-hommes, organisée au Palais des congrès de Lorient, s’est achevée samedi 17 mai par le spectacle intense et émouvant « À mon âge je me cache encore pour fumer », présenté par la compagnie finistérienne Les Cormorans.

Une histoire de femmes, d’Algérie, d’Islam, de condition féminine dans les pays arabes mais aussi une histoire de solidarité, de force et de beauté. Un magnifique tableau présenté par la compagnie de théâtre Les Cormorans, originaire de Carantec dans la baie de Morlaix, et adapté de la pièce de l’auteure et comédienne féministe Rayhana, À mon âge je me cache encore pour fumer. Cette femme algérienne avait été violemment agressée en janvier 2010 à Paris, au moment des représentations de cette pièce, en raison du sujet traité.

En 2014, Gilles Kermarrec choisit de mettre en scène la première œuvre écrite en français de Rayhana, avec sa troupe de théâtre – constituée de femmes de 14 à 62 ans - avec qui il travaille depuis de nombreuses années. C’est devant une salle comble que la compagnie finistérienne a joué ce nouveau spectacle de qualité et assurément émouvant.

La pièce se déroule dans un hammam à Alger et présente le destin de neuf femmes oscillant entre rébellion, aspiration et soumission. Elles sont d’âge et de conditions diverses mais sont toute réunies dans cet espace protégé et intimiste initialement dédié à la toilette des femmes. Au cours du spectacle, elles échangent, toujours avec passion et ferveur, autour de leurs vies, de leur condition de femmes.

D’une situation banale au départ, la pièce de Rayhana nous emmène au cœur de l’intimité de ces neufs personnages profondément engagées et enlisées dans leur propre existence. Elles discutent, débattent, s’engueulent, se contredisent et se déchirent tandis que Fatima, la masseuse en chef, tente de les calmer et de les rappeler à l’ordre : « Vous êtes dans un hammam, vous êtes ici pour vous laver, on ne parle pas politique ici, apprenez à rester à votre place ».

Elles ont des parcours et des idéologies différents et éprouvent des difficultés à se comprendre et à cohabiter dans un espace fermé alors qu’elles aspirent toutes à une certaine liberté. L’une a subi une agression à l’acide et vient de divorcer, l’autre est mineure et enceinte – sans être mariée – une autre ne jure que par Dieu et a perdu son mari, assassiné parce que considéré terroriste, une autre encore attend de pouvoir épouser un homme pour fuir le hammam…

Briser les stéréotypes manichéens

Quand soudain arrive une occidentale, « une brunasse habillée comme une blondasse ». Elle vient rencontrer la patronne qui doit lui présenter une fille pour son fils quadra, célibataire, qui veut une vierge portant le voile « car les filles de France ont tout perdu, la religion, la tradition… »

Elle apporte une autre vision contrastée de la condition féminine qui vient se heurter à la différence des cultures. La pièce interroge, interpelle et intéresse car elle ne délivre aucune réponse brute et brise les stéréotypes en présentant et confrontant plusieurs points de vue. Ici, l’auteure, le metteur en scène et les comédiennes ne prennent aucun parti pris sinon celui de présenter un instant de vie durant lequel se croisent plusieurs destins et diverses facettes de la problématique énoncée. Ils dépeignent une condition féminine complexe et difficile à vivre à travers des portraits beaux et forts. Les dialogues sont poignants et renvoient à un quotidien cabossé dans lequel se mêlent espoirs, rêves, blessures, failles, rancunes, peurs et plaisirs. 

Pendant une heure, les spectatrices – peu d’hommes assistent à la représentation – sont suspendues aux lèvres des comédiennes qui envoient une haute dose d’électricité dans l’audience. La compagnie théâtrale use d’humour, de douceur mais aussi de sévérité, et de brutalité. Aucun sujet ni individu n’est épargné que ce soit dans les discussions ou dans l’émotion partagée. Sur scène, la tension est palpable.

Toutefois, elles diffusent et transmettent le message avec beaucoup de justesse et finesse, relevant le pari de peindre un tableau d’une grande beauté sur lequel figurent ces femmes liées par leur force et leurs valeurs aussi différentes soient-elles. La pièce passe de la comédie au drame avec beaucoup de subtilité à laquelle s’ajoute la force de la mise en scène de Gilles Kermarrec qui fait danser et chanter les comédiennes, accompagnées par un accordéoniste et une violoncelliste. Un instant d’une grande beauté qui nous pousse à la réflexion et à l’ouverture d’esprit.

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