Célian Ramis

En mathématiques, comment résoudre l’équation de l’égalité ?

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Les mathématiciennes étaient mises à l'honneur à la MIR le 11 mars, dans le cadre de l'exposition "Remember Maryam Mirzakhani" et de la conférence sur la place des femmes dans les mathématiques.
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Les filles, elles sont nulles en math. Elles n’ont pas l’esprit scientifique. C’est plutôt un truc de garçon. Evidemment, ce sont des idées reçues et des stéréotypes issus d’une construction sociale agissant à travers l’éducation genrée dès le plus jeune âge, qui influe ensuite sur l’orientation scolaire, les choix universitaires et enfin sur les carrières professionnelles.

À la Maison Internationale de Rennes, 18 tableaux ornent la galerie du 10 au 17 mars dans l’exposition Remember Maryam Mirzakhani, orchestrée par le Committee for Women in Mathematics (Comité pour les Femmes en Mathématiques) en 2018 autour de celle qui reste aujourd’hui encore la seule femme à avoir obtenu la médaille Fields en 2014, lors du Congrès International des Mathématiciens.

Actuellement, dans le monde, circule 20 copies de cette exposition dont les droits sont donnés gratuitement par le CWM en fonction de la cohérence du projet examiné. Le 15 octobre 2019, l’université Rennes 1 la dévoilait pour la première fois à Rennes à l’occasion de l’inauguration de son amphithéâtre Maryam Mirzakhani.

À chaque fois, il est exigé de bien respecter le format et l’ordre des affiches, établies selon le parcours de cette femme, née en Iran en 1977 et qui grandit à Téhéran. Au lycée, elle étudie dans un établissement dédié aux filles exceptionnellement douées et très vite, elle remporte la médaille d’or lors des Olympiades Mathématiques Internationales, en 1994 et en 1995.

Tous les posters renvoient à une thématique de sa vie. Que ce soit à travers des photos de famille, des photos de sa fille Anahitah qui pensait, voyant sa mère faire des dessins sur des feuilles, que celle-ci était une artiste peintre, d’elle en train de travailler. Mais aussi à travers des mots, de concepts et de citations. Jusqu’à la compilation d’articles de journaux abordant sa mort en 2017, à la suite d’un cancer du sein.

Elle est un formidable exemple de réussite, dépassant les frontières des assignations genrées. Mais aussi une exception. Malgré elle. Elle est la première et unique mathématicienne à avoir obtenu la médaille Fields à ce jour. Une médaille remise tous les 4 ans, à 4 lauréat-e-s âgé-e-s de moins de 40 ans.

« Sur 55 ou 56 titulaires, il n’y a eu qu’une seule femme depuis que la médaille a été créée, en 1936 je crois. Maryam a eu un destin tragique puisqu’elle est décédée à 40 ans. Elle n’a pas pu donner son exposé dans ce cadre-là car elle était déjà atteinte du cancer du sein. Mais elle voulait dédier sa distinction à toutes les femmes qui viendraient après elle. »
précise Marie-François Roy, présidente du CWM.

UN MONDE DE MECS…

Le 11 mars, après le vernissage de l’exposition, le laboratoire de mathématiques de Rennes 1 proposait de poursuivre les réflexions autour d’une conférence sur la place des femmes dans les mathématiques, animée par Nicoletta Tchou, chargée de mission Parité et lutte contre les discriminations et maitresse de conférences en mathématiques.

Le monde des mathématiques est reconnu comme majoritairement masculin. Les femmes représentent 30%, dans le monde, à la base des mathématiques, c’est-à-dire dans les écoles de formation. Dans les revues et dans les lauréat-e-s des prix, elles ne sont plus que 10% et ce pourcentage n’a pas évolué depuis 50 ans, ce qui n’est pas le cas dans d’autres disciplines scientifiques, comme la chimie par exemple.

« Depuis 1996, jusqu’à 2016, la part des filles en série S est passée de 42% à 47%. La pente est faible mais quand même, on voit une augmentation du nombre de filles en S. On voit en revanche, dans le suivi post bac, que les études médicales sont plus choisies par les filles qui avaient des profils scientifiques au lycée que les sciences dures ou l’ingénierie. En fait, dès qu’il y a de l’humain dans l’intitulé, il y a globalement plus de filles. », souligne Nicole Guenneuguès, chargée de mission égalité filles-garçons au sein du rectorat.

De son côté, Christophe Ritzenthaler, responsable de la commission Parité de l’Institut de recherche mathématique de Rennes, fournit des chiffres nationaux et locaux. En France, on comptabilise 21% de femmes dans le secteur des mathématiques dans les universités. Un chiffre stable depuis 1996. Elles sont 27% à être maitresses de conférences et autour de 10% au niveau supérieur. Dans les mathématiques dites « pures », on compte 31 femmes pour 467 hommes.

« Et ce n’est pas plus réjouissant à Rennes. En fait, on perd à chaque étage. Plus on progresse dans les échelons, plus on perd les femmes. Parmi les doctorant-e-s et post-doctorant-e-s, il y a environ 30% de femmes et 10% au niveau supérieur. », précise-t-il. 

Avec la commission, il s’est replongé dans des études concernant le recrutement. Il en partage une avec la salle. 127 CV, en biologie, sont fournis à un comité de recrutement composé de manière paritaire. Parmi les CV, certains sont identiques, sauf qu’un exemplaire est au nom d’une femme et qu’un autre exemplaire est au nom d’un homme. Résultat : plus de postes sont proposés aux hommes, « avec des meilleurs salaires ! »

DES LEVIERS À ACTIONNER

Les discriminations ne s’effectuent pas toujours de manière consciente. Le sexisme commence dès le plus jeune âge à travers l’éducation genrée. On ne parle pas de la même manière aux filles qu’aux garçons, on n’attend pas d’elles et d’eux les mêmes comportements et compétences, on privilégie les qualités d’écoute et d’empathie pour les filles et des qualités d’actions pour les garçons.

« Un des premiers leviers, c’est celui de la formation des personnels. Au-delà des mathématiques. Femmes et hommes enseignant-e-s ont aussi des représentations stéréotypées. Ça se voit avec les mêmes copies, le regard, les encouragements et les commentaires ne sont pas les mêmes. Quand on attend quelque chose de nous, on a tendance à aller vers cet attendu. Pour les garçons, c’est plus de savoir compter. Pour les filles, de savoir parler. »
explique Nicole Guenneuguès.

Au sein de l’académie, différentes actions sont mises en place, comme par exemple une journée de formation à destination des professeur-e-s de mathématiques pour lutter contre la menace du stéréotype, une journée Filles et Maths composée de conférences animées par des mathématiciennes, de speed meetings et d’un théâtre forum sur les stéréotypes, ou encore un partenariat avec Orange sur la base de marrainages, afin de travailler sur la confiance en soi et le poids du modèle.

Un projet interdisciplinaire, dont nous fait part Marie-Françoise Roy, a permis d’interroger 32 000 scientifiques (50% de femmes et 50% d’hommes) sur leurs conditions, vécus et ressentis afin d’établir un diagnostic assez précis et représentatif de la situation et de construire une base de données des initiatives à travers le monde.

Sur le site du projet (gender-gap-in-sciences.org), on retrouve donc l’enquête globale qui témoigne qu’environ un quart des femmes ont eu une expérience personnelle de harcèlement sexuel durant leurs études ou au travail, et que les écarts de salaire sont significatifs entre les hommes et les femmes, la parentalité ayant un impact très différent sur les vies des hommes et des femmes.

On trouve également l’étude des modes de publication qui analyse des millions de publication, de 1970 à aujourd’hui dans les domaines de l’astronomie, les mathématiques, la chimie ou encore la physique théorique. Résultat : moins de 10% d’autrices dans les revues renommées en 1970 / 20% d’autrices dans les revues renommées en 2020. Sauf en mathématiques, où elles restent à moins de 10%.

Enfin, l’enquête délivre des recommandations aux parent-e-s et enseignant-e-s, aux organisations locales (départements scientifiques des universités, centres de rencontres, groupes de recherche dans l’industrie) ainsi qu’aux unions scientifiques.

A titre d’exemple, parent-e-s et enseignant-e-s peuvent encourager à des activités non mixtes adaptées pour stimuler la confiance des filles en elles-mêmes et leurs capacités à s’exprimer, ou encore utiliser des livres et des médias promouvant l’égalité femmes-hommes et mettant en évidence les contributions des femmes dans les sciences.

Les organisations locales peuvent créer une atmosphère de travail respectueuse et de qualité, définir des bonnes pratiques pour prévenir, signaler et résoudre les cas de harcèlement sexuel et de discrimination au travail, ou encore prendre en compte l’impact de la parentalité sur les carrières des femmes.

Les unions scientifiques peuvent travailler collectivement au changement de culture et de normes pour réduire les différents aspects des inégalités entre femmes et hommes, et peuvent encourager la diversification des prix scientifiques mais aussi encourager la présence de femmes dans les comités éditoriaux, etc.

« Il y a beaucoup d’initiatives pour que la situation évolue. Mais c’est extrêmement lent. Car c’est le reflet d’autres problèmes dans la société. Le problème ne va pas être facile à résoudre car on rencontre des blocages profonds. Il y a des actions à faire à tous les niveaux, à tous les étages. »
commente la présidente du Committee for Women in Mathematics.

DES AVANCÉES ET DES RÉSISTANCES…

En effet, on sait que le sexisme est systémique, comme le racisme, les LGBTIphobies, le validisme, etc. On doit donc travailler sur la déconstruction des stéréotypes auprès des adultes et sur la construction d’un modèle et de valeurs égalitaires. Dès le plus jeune âge, une nouvelle pédagogie doit être pensée et appliquée. Et le travail est en cours. Malheureusement, on sait que toutes les villes, tous les territoires, ne s’accordent pas sur les mêmes enjeux, à la même vitesse, ce qui creuse également les inégalités dans le sujet de l’égalité.

Toutefois, il est évident que les initiatives sont à encourager. Christophe Ritzenthaler intervenait le 11 mars sur quelques exemples d’axes mis en place : « La commission a été créée en 2018 et nous avons donné 3 axes. Un par année. Le premier, c’est de regarder le recrutement. Le deuxième, le vivre ensemble. Et le troisième concerne les questions d’enseignement. »

En France, il est interdit de créer des postes spécifiques, pour les femmes. « Mais on peut sensibiliser nos collègues, transmettre les statistiques, échanger. Dans le comité de recrutement, on a mis en place un couple de veilleurs chargé de vérifier que l’on n’a pas fait d’oubli dans le recrutement. », signale-t-il. 

Même chose du côté des séminaires où il a fallu également discuter de la faible présence des femmes. En un an, leur présence a quasi doublé dans les événements organisés :

« Il suffit que les collègues se rendent un peu compte. Et c’est pareil pour les financements de colloques et de séminaires. On met maintenant des conditions. »

Il y a donc un travail à réaliser pour permettre la prise de conscience de tout ce qui se joue au niveau des inconscients, des impensés. Il y a aussi un travail de sensibilisation et d’échanges. Le comité a donc également fait appel au théâtre forum, outil ludique et interactif qui met en scène les situations de discrimination et demande la participation des volontaires, dans le public, pour proposer des manières de dénouer le problème.

Et puis, il y a les résistances. Dans les couloirs du labo, un affichage permanent valorise les mathématiciennes en Europe. « Par deux fois, les panneaux ont été vandalisés. », conclut-il. C’est souvent là que ça coince. Dans la phase de valorisation. Parce que nombreuses sont les personnes à ne pas comprendre pourquoi on met l’accent sur les femmes et non sur les femmes et les hommes. 

Le sexisme est systémique. Il se niche dans le quotidien et dans ce qui semble être du détail. En mathématiques, comme en littérature, on retient les noms des hommes qui ont marqué l’histoire. Parce qu’on étudie uniquement les auteurs et les mathématiciens et quasiment jamais les autrices et les mathématiciennes. Pourtant, nombreuses sont leurs contributions à l’histoire, et par conséquent à ce qui donne la société dans laquelle nous évoluons actuellement.

Célian Ramis

Girl power ou comment passer de la femme futile à la femme fatale

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Du mouvement féministe punk aux tee-shirts prônant le Girl Power en grosses lettres, en passant par les Spice Girls, les Totally Spies et Beyonce, le slogan symbolisant l’émancipation des femmes est-il une mascarade pilotée par le capitalisme ?
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Du mouvement féministe punk aux tee-shirts prônant le Girl Power en grosses lettres, en passant par les Spice Girls, les Totally Spies et Beyonce, le slogan symbolisant l’émancipation des femmes est-il une mascarade pilotée par le capitalisme ? Dans le cadre des Mardis de l’égalité, à l’université Rennes 2, Camille Zimmermann, doctorante en Etudes culturelles au laboratoire LIS (Littérature, Imaginaire, Société) à l’université de Lorraine, décortiquait le 10 mars dernier la question en analysant l’histoire du Girl Power à travers la culture populaire. 

Sur l’écran, deux photos. Celle du haut montre Britney Spears qui joue la gladiatrice en petite tenue (à l’occasion d’une pub pour Pepsi, réunissant Pink, Beyoncé et Britney Spears contre Enrique Iglesias) et prône le Girl power. Celle du bas montre Brienne de Torth, vêtue de son armure, accompagnée du message : « Bitch please ».

« Est-ce que l’une ou l’autre a raison ? Les deux ont-elles raison de revendiquer le girl power ? La réponse est complexe. En tout cas, ce que l’on voit, c’est que les deux s’en sentent capables. », commente Camille Zimmermann, avant de remonter le temps et nous emmener dans la période post 68 et post féministe.

Mai 68 marque un élan humaniste au sein duquel la société tente de se porter davantage vers les luttes sociales, dont celles concernant les droits des femmes. Mais comme le souligne la doctorante, « c’est une période étouffée dans l’œuf, l’élan humaniste s’essouffle, il y a le choc pétrolier de 73, la montée du chômage, la mise en place des politiques de rigueur aux Etats-Unis et en Europe, et arrivent alors les valeurs néolibérales et donc individualistes. »

En parallèle, on assiste au développement de l’idéologie post féministe. Celle que Susan Faludi théorise comme le « backlash », c’est-à-dire le retour de bâton. En résumé, on remercie les féministes pour leurs combats et on dit qu’il est temps de passer à autre chose, car ça y est l’égalité est là.

On encourage les femmes à être plus ambitieuses et moins discrètes, et en même temps, on signale quand même que les luttes militantes ont un peu donné lieu à des générations de femmes désormais perdues dans leur identité de genre. Et on fait passer celles qui poursuivent leurs engagements pour des hystériques. C’est là nier toutes les problématiques sexistes restantes.

Le mouvement punk vient transgresser les normes et les interdits et s’affiche comme anticonsumériste et anticapitaliste. Le Do It Yourself ne s’applique pas seulement aux vêtements ou aux objets mais aussi à la musique, dans la manière de produire et de diffuser les disques.

« Certes, le mouvement punk est toujours dans la rupture mais il devient, après des débuts prometteurs, machiste comme les autres milieux. Les femmes ne profitent pas de l’entraide prônée entre les musiciens, pour apprendre à faire de la guitare, brancher son ampli, etc. Les femmes punkEs subissent beaucoup de harcèlement et souvent de présomption d’incompétence également. »
précise Camille Zimmermann.

La réaction arrive dans les années 90 avec le mouvement des Riot Grrrl dont on dit que Kathleen Hannah est la figure de proue (lire notre focus sur le sexisme dans les musiques actuelles, YEGG#87 – Janvier 2020). Le mouvement se crée « un studio à soi », comme aime le dire la doctorante qui fait là référence à Virginia Woolf. Les musiciennes instaurent un espace d’entraide et de paroles, c’est au même moment que naissent les ladyfest. 

Elles répondent à trois problématiques : l’hégémonie masculine dans le milieu du punk, l’hypocrisie de l’idéologie post féministe et l’austérité qu’elles sentent parfois dans la pensée féministe. Elles montent sur scène en sous-vêtements pour des raisons politiques, elles parlent de masturbation, du tabou des règles et créent le Girl Power qui apparaît pour la première fois en Une du deuxième numéro de Bikini Kill fanzine.

Très rapidement, les médias les pulvérisent. Notamment, la presse musicale qui les décrédibilise en écrivant qu’elles ne savent pas ce qu’elles font. Dans les concerts, elles sont interrompues par les hommes qui imitent le cri du loup ou qui gueulent « A poil », hypersexualisant leurs corps et les réduisant au statut d’objs.

Pour autant, le Girl Power n’est pas jeté à la poubelle. Sur la scène musicale et la scène médiatique, arrivent les Spice Girls. Cinq femmes castées selon un plan marketing. Un groupe 100% féminin fabriqué de toute pièce qui revendique le Girl Power, tout en effaçant le côté musiciennes des punkEs et en tablant uniquement sur leurs physiques et leurs apparences.

Dans leurs chansons, elles exigent le respect dans leurs relations amoureuses. Point. Le capitalisme a pris l’idée du Girl Power en y ajoutant l’idéologie post féministe. On l’appose désormais à la production culturelle à destination de la jeunesse et on fabrique des success story en romantisant la manière dont une jeune fille partie de rien est devenue une star.

C’est l’ascension vers la gloire et la notoriété qui est mise en valeur, non les compétences et le talent. C’est là un formidable marché qui s’ouvre au capitalisme qui s’engouffre dans la brèche pour exploiter de nouvelles opportunités de ce « marché de filles ». On crée le marketing genre et la taxe rose.

« Les petites filles peuvent jouer aux voitures ! Mais pas celles de leurs frères… Non, il faut qu’elles soient roses et avec fleurs. », souligne Camille Zimmermann.

Le nouveau Girl power est dépolitisé et sa « transgression » est contrôlée, de manière à servir les intérêts du marché. Mais on note tout de même au fil du temps une amélioration de la figure de l’héroïne. On s’éloigne petit à petit du modèle de la jeune fille docile, obéissante, qui attend le prince Charmant. A présent, elle n’est plus dans la passivité, elle se bat et sauve des vies.

On le voit dans Buffy contre les vampires, dans Charmed, dans Xena, dans Sydney Foxet un peu plus tard dans le dessin animé les Totally Spies… Les fictions mettant en avant des filles et des femmes explosent dans les années 90. Et on constate que les filles font des objets roses des objets de fierté d’une identité de genre. Les accessoires et autres, roses, à froufrous, pailletés, etc. deviennent des symboles de réappropriation et des moyens d’asseoir leur supériorité sur les hommes. C’est ce qu’une chercheuse va nommer le syndrome du pinky frilly dress (robe rose à froufrous).

« Finalement, on passe d’un carcan à un autre. Les femmes ne sont plus dans l’attente mais elles sont dans des rôles de femmes fatales. Et le cahier des charges est très exigeant. Il faut être mince, avec des formes quand même pour être aguicheuse, entrer parfaitement dans les normes et les canons de beauté, dont les standards sont purement occidentaux. Quand il y a des femmes noires, souvent, elles ont un teint assez clair et elles ont les cheveux lisses. »
analyse Camille Zimmermann.

Elle montre alors comment la beauté est utilisée en tant que plus value de l’héroïne qui va pouvoir user de ses charmes auprès des hommes pour obtenir ce qu’elle veut. Lors des transformations, comme celle de Sailor Moon par exemple, on va insister sur leurs gestes gracieux et les changements opérés… qui se limitent souvent à de l’esthétique : elles ont après transformation, des bijoux, du vernis, des bottes à talons : « On remarque que ce ne sont quand même pas les vêtements les plus pratiques pour partir au combat en général… »

Mais le Girl power, dirigé par le capitalisme, donne l’idée que les femmes se réapproprient des critères de beauté, alors qu’en fait on revalide simplement les codes de la féminité déjà imposés. La capacité d’empuissancement est dont limitée par ce fameux cahier des charges qui standardise les femmes.

Côté réflexion, elles ne font pas non plus la démonstration de bien réfléchir à toutes les situations dans lesquelles elles s’engagent. C’est souvent le cas de Buffy par exemple qui fonce dans le tas et apprend ensuite à travers son observateur quels sont les tenants et aboutissants.

« On ne leur attribue pas l’esprit critique, alors que l’intellect est quand même un élément clé pour l’émancipation… », souligne la doctorante. 

Elles sont belles mais futiles, elles se comparent entre elles et n’adhèrent pas à la sororité. Elles ne disposent pas librement de leur corps, des savoirs et des pouvoirs (leurs pouvoirs sont souvent limités). Selon la règle du triple refus mis en perspective par Françoise Héritier, elles n’ont pas les moyens de s’émanciper réellement.

Aujourd’hui, on constate que le Girl power se répand également dans la communication institutionnelle. Les marques s’en emparent à tour de bras. Indesit sur la répartition des tâches, Nana sur la force physique des filles et les clichés, Barbie sur les femmes dans l’Histoire, etc.

Le point positif que note la conférencière, « c’est qu’ils ont enfin remis le message à l’endroit. Maintenant, les pubs disent ‘tu es aussi forte qu’un homme, ne laisse pas la société te dire le contraire’. »

On voit aussi des icônes pop comme Pink, Beyoncé ou Miley Cirus, plus engagées qu’avant. Et plus de célébrités osent annoncer qu’elles sont pansexuelles, bisexuelles, homosexuelles, et/ou transgenres.

En parallèle, on lâche un peu du lest sur l’hypersexualisation des héroïnes et sur le male gaze. On y va plus franchement sur les problématiques féministes comme la menace autour du droit à l’avortement, la culture du viol, les institutions patriarcales, etc. Les héroïnes réfléchissent davantage et on voit apparaître une nouvelle figure : celle de la leadeuse. Elle se bat, entraine avec elle et inspire.

La femme n’est plus unique, elle est enfin plurielle et on commence à intégrer la diversité de genre, d’orientation sexuelle, d’ethnie et de culture dans les productions culturelles. La sororité est montrée à l’écran, notamment à travers l’excellente scène de Sex Education(saison 2) réunissant plusieurs lycéennes dans un bus, en soutien à une des jeunes filles présentes, ayant subi quelques jours plus tôt une agression sexuelle. 

« Alors, sommes-nous encore dans la mascarade  du Girl Power ? Quelque part, oui. Le féminisme présenté n’est pas ultra militant, pas très approfondi. Il est souvent convenu. Surtout si le budget est gros. On reproche un manque d’approfondissement dans les postures, on parle souvent d’un féminisme pop, qui serait un féminisme blanc. Ce qui peut paraître surprenant puisqu’on a parlé de Beyoncé et de Chimamanda Ngozi Adichie, qu’on accuse de ne pas vouloir vraiment la fin des inégalités mais juste de vouloir prendre leur place auprès des hommes. », précise Camille Zimmermann.

Elle poursuit tout de même sur une nuance dans cette mascarade car on ne peut que constater que l’évolution est réelle. Le féminisme n’est plus un gros mot et l’image de la militante a changé.

Elle ajoute : 

« Je me méfie des injonctions à la perfection des femmes et encore plus des injonctions à la perfections des féministes. »

On peut aussi voir les accusations à l’encontre de Beyoncé et de Chimamanda Ngozi Adichie comme des attaques sexistes et racistes, visant à les décrédibiliser aux yeux des femmes blanches et de limiter l’impact émancipateur que leurs messages pourraient avoir sur les femmes noires.

Peut-on toutefois établir que le Girl Power est une mascarade ? Est-il synonyme de féminisme ? Ou simplement un gros fourre-tout ? Pour Camille Zimmermann, il est un outil de mesure sociétal avant tout. Il indique quel est le féminisme à la mode, le féminisme qu’on peut se permettre, le féminisme qui ne prend pas le risque de faire perdre des auditeurs ou des téléspectateurs :

« Il sert à savoir quelles sont les causes féministes validées par le grand public qui vont devenir économiquement viables. On remarque que les queer commencent à être accepté-e-s mais les femmes voilées, pas du tout. Ou quand on met un personnage voilé, il est extrêmement stéréotypé. »

En conclusion, Camille Zimmermann explique : « L’expression Girl power n’est pas un slogan de militantisme. C’est un outil de mesure tout simplement. Il montre où est la moyenne entre le conservateur et le progressisme. »

Après sa conférence, elle est accompagnée de Laure Fonvieille, metteuse en scène, costumière et co-présidente d’HF Bretagne, et de Manuela Spinelli, co-fondatrice et ancienne présidente d’Osez le féminisme 35, et co-fondatrice et secrétaire de l’association Parents & Féministes, à Rennes, pour une table-ronde.

Aucune des deux militantes n’utilise le terme Girl power et leurs associations non plus. « On parle plutôt de sororité. Ce qui est différent du Girl power car avec la sororité, on n’est pas dans un côté capitaliste. Au contraire. », signale Laure Fonvieille, à propos d’HF Bretagne. 

« Dans le théâtre contemporain, il y a des offres culturelles très intéressantes. Il n’y a pas besoin d’être Beyoncé. En fait, on aborde beaucoup la question du matrimoine. On a un héritage culturel, composé du patrimoine, ce qui nous vient des pères, et du matrimoine, ce qui nous vient des mères. C’est un axe par lequel on milite. Il n’y a pas que Frida Kahlo »
précise-t-elle. 

Manuela Spinelli, avec l’association Parents & Féministes, essaye également de proposer une offre culturelle plus large mais met l’accent principalement sur l’analyse et la déconstruction des stéréotypes genrés et la valorisation d’une offre à contre courant : « On met en avant ce qui nous paraît relever d’une conscience féministe plus honnête dans les livres, les séries, les magazines… »

Evidemment, le travail est colossal. Parce que dès la naissance de l’enfant, voire même déjà lors de la grossesse si on connaît le sexe du futur enfant, on l’envisage différemment selon si c’est une fille ou un garçon. On ne s’adresse pas à l’enfant de la même manière, on n’allaite pas forcément de la même manière, on ne répond pas aux pleurs de la même manière, etc. Tout leur univers dès leur arrivée parmi nous est genré.

Les parcours ensuite sont bien connus. Il y a les assignations de genre, la division des tâches et des rôles, l’encouragement des garçons, la disparition des filles. Et dans les arts et la culture, on le sait bien grâce aux diagnostics, suivis et analyses d’HF que les femmes sont très présentes dans les écoles et puis, plus on monte dans l’échelle sociale des reconnaissances et financements, plus les femmes sont mises sur la touche.

« Les femmes ont moins de sous pour créer, elles sont donc aussi moins distribuées. On nous dit souvent qu’on ne programme pas un sexe mais un talent. Mais le talent, c’est avant tout du travail, de la visibilité et des moyens. Le problème est systémique. Les dessins animés qui sont moins genrés, peut-être qu’ils ont moins de moyens et moins de visibilité. », commente Laure Fonvieille. 

C’est systémique. Elle le redit car sur les plateaux de théâtre par exemple, mais ce n’est pas la seule discipline dans ce cas-là, il n’y a que très rarement des actrices et acteurs gros-se-s, noir-e-s, arabes, etc : « Aïssa Maïga l’a dit lors de la cérémonie des César, il faut que ça change ! »

Elle est rejointe par Manuela Spinelli :

« Oui, on valide le point de vue des dominants. Moi, ce qui me fait le plus peur, c’est l’homogénéité des corps. Cette norme ferme et nette de laquelle on n’arrive pas à se libérer. On rentre toujours dans le domaine d’un corps fait pour être regardé. Il manque des corps sujets, qui agissent, qui pensent, qui se connaissent. Parce que la privation de la connaissance de son propre corps, c’est un élément clé de la soumission des femmes. »

Après cette conférence, ça tourne et ça tourne dans nos têtes. Nous qui avons grandi avec les Spice GirlsBuffy contre les vampires,Charmed et qui maintenant écoutons Beyoncé après avoir dévoré les deux saisons de Sex Educationen très peu de temps. Sommes-nous tombé-e-s dans le panneau du capitalisme ? Parce qu’on l’a prôné nous aussi cet esprit Girl power, sans réellement le connaître et chercher à le comprendre. 

Et puis on réfléchit et on se dit que ce ne sont pas là nos seules références en matière de féminismes. On a lu des livres, des BD et des essais, on a regardé films, séries et documentaires sur les différentes problématiques d’hier et aujourd’hui, on a rencontré et on rencontre toujours des tonnes de femmes, militantes ou non, et on a écouté et écoute toujours leurs visions et leurs analyses de la société actuelle.

Peut-être qu’en effet le Girl power n’est qu’un outil de mesure. On y voit tout de même une certaine source d’inspiration, qui ne doit pas se limiter à cette simple offre culturelle. La curiosité doit nous mener à explorer toutes les richesses que les individus ont à nous apporter.

Célian Ramis

La sororité, contre la précarité menstruelle

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Deux palettes de 110 kilos de serviettes périodiques (soit 32 000 serviettes), des boites de tampons, des coupes menstruelles ainsi que des serviettes lavables ont été distribuées gratuitement lundi 9 mars.
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Deux palettes de 110 kilos de serviettes périodiques (soit 32 000 serviettes), des boites de tampons, des coupes menstruelles ainsi que des serviettes lavables ont été distribuées gratuitement lundi 9 mars à l’espace social commun Kennedy à Rennes grâce à l’action « Les règles, on s’en tamponne », à l’initiative de Camille Troubat.

Il y a un vrai besoin à aider les personnes ayant leurs règles. Chaque début de cycle menstruel nécessite l’achat de protections hygiéniques qui - au-delà de leur impact environnemental catastrophique et des risques pour la santé (choc toxique mais aussi produits chimiques et pesticides dans la composition des tampons, etc.) - représentent un budget non négligeable.

« Dans la précarité menstruelle, on prend en compte l’achat des protections périodiques mais aussi les médicaments si besoin, pour calmer les douleurs, en sachant par exemple que le Spasfon n’est remboursé qu’à hauteur de 16%. On compte aussi les culottes à racheter, les draps, etc. Certaines n’ont même pas de quoi s’acheter de quoi se protéger pendant les règles. Entre ça et les douleurs, elles sont parfois immobilisées entre 1 et 3 jours. », explique Camille Troubat.

Elle est infirmière étudiante puéricultrice et, dans le cadre de ses études, a effectué un stage au sein de la protection maternelle et infantile, sur le quartier Villejean-Kennedy à Rennes. Sensibilisée à la problématique de la précarité menstruelle, elle a souhaité mener une action de santé publique à destination des femmes du CADA (Centre d’accueil des demandeurs d’asile).

Pour répondre au mieux aux besoins de celles-ci, Camille Troubat a établit un questionnaire et, avec des collègues, aidé les femmes qui ne parlaient pas ou peu la langue française à y répondre. En parallèle, l’association Bulles Solidaires a fait don de trois cartons de protections périodiques.

L’action fonctionne, elle décide de réitérer l’événement et de l’élargir. Elle obtient une aide financière du département, à hauteur de 500 euros, des dons solidaires, une palette de 110 kilos de serviettes jetables de la part de la banque alimentaire de Pacé (contient 16 000 serviettes) et réunit à l’espace social commun de Kennedy, deux sages femmes, des infirmières, une puéricultrice de PMI et des travailleuses sociales du CCAS et l’association M.A.Y Menstruations Are Yours.

Dans la salle, sont étalés sur les tables des paquets de serviettes jetables, des paquets de tampons avec ou sans applicateur, une coupe menstruelle, un carton rempli de tampon en vrac et des informations. Sur le choc toxique, sur les règles en général, sur la gratuité des protections périodiques pour toutes votée par le Parlement écossais, etc.

« Il y a eu beaucoup d’échanges, de conseils, d’infos données sur la cup, sur le stérilet, sur comment mettre un tampon, sur le tabou lié aux règles, sur les idées reçues, etc. Il y a même eu des conseils de livres pour les mamans qui n’osent pas parler de ça avec leurs filles. Dans la matinée, une cinquantaine de personnes sont venues, dont beaucoup d’étudiantes. Et cet après-midi, c’est environ une centaine de personnes. », souligne Camille Troubat.

L’événement est un succès. Elle décide même d’installer une table dehors, devant l’entrée de l’espace social commun Kennedy, afin de toucher également celles et ceux qui n’oseraient pas rentrer ou ne seraient pas au courant de l’action.

« Vous les vendez combien ? », demande une femme en passant sur la dalle. On lui explique alors que la distribution est gratuite : « Vous avez déjà entendu parler de précarité menstruelle ? » Non, répond-elle. La discussion s’enclenche et la jeune femme est invitée à aller à l’intérieur, où elle aura plus de choix et pourra également avoir toutes les informations nécessaires.

Les personnes curieuses et intéressées s’amassent dans l’espace de distribution. « C’est pour quoi cette action ? », s’interroge une autre femme. Elle est reconnaissante de cette initiative : « Quand on est toute seule, bon, ça va encore. Mais là, je viens de récupérer ma fille. Ça fait qu’on est deux à devoir avoir ça. Et là, c’est plus la même histoire… »

Les hommes aussi viennent récupérer des cartons ou des boites, pour leurs femmes et filles. Principalement des serviettes. « Vous savez si elles portent avec ou sans les rabats sur les côtés ? Vous savez à peu près leur flux ? » Souvent, ils ne trainent pas. Ils disent « oui, oui, c’est ça qu’elle met » mais n’entrent pas dans les détails. Pas de gêne affichée mais pas non plus l’envie de déblatérer sur les menstruations des femmes de leurs entourages. 

C’est là aussi que réside l’importance de ce type d’action. Que tout le monde soit concerné par les menstruations, par le coût infligé par une politique qui cautionne la marchandisation d’un produit de première nécessité, on le rappelle.

Si l’université Rennes 2 a installé un distributeur gratuit de protections périodiques biologiques, organisé des distributions gratuites également sur ses campus, tout comme l’a fait l’université Rennes 1, il est important de se mobiliser massivement pour lutter contre la précarité menstruelle.

L’initiative de Camille Troubat démontre que les besoins sont réels et importants, les femmes, les étudiant-e-s et les migrant-e-s étant déjà souvent les plus précaires, mais aussi que la solidarité et la sororité existent bel et bien. Encore une fois, ce sont les déterminations, les engagements et la sororité des militantes féministes qui permettent de faire évoluer les choses, et non nos dirigeant-e-s politiques.

Célian Ramis

L'émotion vive, au coeur du duo Géraldine Nakache et Leïla Bekhti

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Après "Tout ce qui brille" et "Nous York", le duo Géraldine Nakache et Leïla Bekhti se reforme à l’écran dans "J’irai où tu iras", présenté le 20 septembre dernier en avant-première au CGR de La Mezière.
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Après Tout ce qui brille et Nous York, le duo Géraldine Nakache et Leïla Bekhti se reforme à l’écran dans J’irai où tu iras. Le premier film complètement en solo, au scénario comme à la réalisation, de Géraldine Nakache était présenté vendredi 20 septembre en avant-première au CGR de La Mezière.

Vali est chanteuse dans les mariages, Mina est art thérapeute dans une clinique. Entre les deux sœurs, la communication est rompue depuis longtemps. Pourtant, contraintes par leur père, elles vont devoir se côtoyer le temps d’un week-end particulier, puisque Mina va accompagner Vali à la dernière étape des auditions pour être choriste de Céline Dion.

Dans J’irai où tu iras, on retrouve tous les thèmes chers au cinéma de Géraldine Nakache : les relations, la famille, les non dits, la quête de soi et bien évidemment la chanson francophone. Et pour traiter de ces sujets, c’est la comédie qu’elle choisit : « Ce n’est pas possible de faire autre chose. La comédie, c’est un bouclier que j’ai aussi dans la vie. C’est inhérent à ma personnalité. »

Malgré le postulat de départ qui nous laisse imaginer un humour parodique, la réalisatrice – qui affirme être réellement fan de Céline Dion - accentue la portée dramatique de son propos. Plus épuré au niveau des personnages que dans Tout ce qui brille et Nous York, basés sur des bandes d’ami-e-s, le film se concentre sur un nombre plus restreint de personnalités que Géraldine Nakache peut davantage amplifier et complexifier, rendant centraux les silences et les non-dits. 

« On n’est jamais tout noir ou tout blanc. Ce sont les gris qui sont intéressants. », souligne Leïla Bekhti, sa complice de longue date. Dans le long-métrage, l’entente est bancale, toujours sur le fil du rasoir. La relation étant brouillée par les incompréhensions. Les deux sœurs n’arrivent plus à se parler, n’arrivent plus à se comprendre. Elles se jaugent, se tournent autour, se taclent. Elles dérivent, emportées par des courants contraires.

Comme dans l’excellent Larguées d’Héloïse Lang, le film se base sur des personnalités opposées pour faire éclater la problématique centrale. Le jeu est dangereux car il est facile de basculer dans les chamailleries de gamines et de tomber dans un registre effarant de lourdeurs. Et pourtant, Géraldine Nakache maintient jusqu’au bout, malgré quelques drôles revirements de situation, la tension et les rancœurs entre les sœurs : 

« Le problème, c’est qu’elles se regardent trop l’une l’autre. Qu’elles commentent trop la vie de l’autre. Finalement, elles sont exactement au même endroit. Mais évidemment, il n’y a pas que du jugement, sinon ça ne pourrait pas marcher. »

Leïla Bekhti non plus ne défend pas son personnage, sans pour autant la juger : « Dans mon métier, je vis des vies de gens que je ne serais peut-être jamais. Le cinéma m’éduque, comme mes parents m’ont éduquée et que je me suis éduquée. Mes personnages, comme Mina, je ne sais si je les comprends mais en tout cas, je ne les juge pas. J’ai envie de les aimer pour certaines choses et de moins les aimer pour d’autres. Pour Mina, la seule chose, c’est que je n’ai pas voulu lui donner de circonstances atténuantes. Je n’aurais pas trouvé ça intelligent. »

Si l’histoire n’a rien de révolutionnaire, on apprécie tout de même la manière dont le duo la porte et l’investit avec cette émotion vive souvent sur le fil du rasoir, invitant à se joindre à elles, entre autre, Patrick Timsit dans le rôle du père un brin envahissant et surprotecteur, et Pascale Arbillot, en mère de substitution le temps de quelques heures et de quelques moments expressément voulus gênants et touchants.

Drôles et percutants, les dialogues apportent de la fraicheur et du rythme à cette histoire de famille qui pourrait être celle de milliers de gens. Géraldine Nakache nous surprend de par les subtilités du langage non verbal, qui dévoilent l’étendue de son talent d’actrice - même s’il n’est plus à démontrer, à l’instar d’une Leïla Bekhti à l’interprétation intense et toujours plus captivante de film en film.

« Les rôles de Mina et Vali sont aux antipodes de ce que l’on est dans la vie avec Géraldine. », précise Leïla Bekhti, qui incarne ici Mina, une jeune femme distante et rapidement irritée par le caractère de sa sœur, déterminée à être choriste derrière Céline Dion : « Le parallèle avec la chanteuse, il n’est pas gratuit dans le film. Il y a une similitude entre Vali qui donne tout lorsqu’elle chante dans les mariages et Céline qui donne tout en concert tous les soirs à Végas. »

Il y a la lumière qu’on nous offre et la lumière qu’on s’offre. Les moyens qu’on trouve pour se protéger. Les moyens pour communiquer. Les solitudes à combler. « Vali et Mina ne savent pas dire les choses mais elles peuvent s’entendre à un endroit, il faut juste le trouver. », commente Géraldine Nakache. 

La réalisatrice, dans ce nouveau film, donne une place prépondérante aux personnages féminins. Un élément que Leïla Bekhti n’a pas oublié de remarquer : « Quand j’ai lu le scénario, je me suis fait la réflexion qu’en général, quand il y a une histoire sur des femmes qui ne s’entendent pas, la cause est toujours liée à un homme. J’ai trouvé ça très judicieux que ce ne soit pas un homme qui les sépare. »

Si certains personnages secondaires peuvent être un peu caricaturaux pour les besoins de la comédie, Géraldine Nakache nous embarque dans une tranche de vie familiale rafraichissante, qui nous incite à creuser au-delà des apparences. Un bon moment.

Célian Ramis

Précarité menstruelle : la couleur de la réalité

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Mais qu’est-ce qui horrifie tant quand on parle des règles ? Il semblerait que le fait de savoir qu’une femme en face de nous est en train de saigner soit perturbant. Voire dégoûtant si elle ose le dire ouvertement. « J’ai mes règles », ça glace le sang.
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Les médias en parlent beaucoup en ce moment. Quasiment depuis un an. Le concept de précarité menstruelle vise à dénoncer la charge financière qui émane de l’achat de protections périodiques et qui incombe uniquement aux personnes ayant leurs règles. La revendication est claire : l’accès gratuit pour tou-te-s à ces produits de première nécessité, et non de confort.

Mais en pointant seulement l’aspect économique, on en oublierait presque que la précarité menstruelle dépasse largement le côté pécunier qui finalement est une conséquence du tabou engendré et entretenu par le patriarcat…

Au cours du transport des kits Virilité, l’accessoire « poche de sang » a certainement dû être bien secoué… Parce que les bonhommes, ils ont le cœur bien accroché pour faire la guerre, dépecer les animaux tués à la chasse, opérer des êtres vivants, jouer à des jeux vidéos bien belliqueux ou encore pour ne pas détourner le regard pendant un épisode de Game of Thrones. Mais paradoxalement, on leur attribue la grande capacité à tourner de l’œil à la vue du sang, que ce soit pour une prise de sang ou un accouchement. Pas étonnant donc qu’ils aient un petit haut-le-cœur dès qu’on mentionne que tous les mois, nous les femmes, on saigne, phénomène créé par la non fécondation de l’ovule qui s’évacue avec une partie de notre endomètre via notre vagin, pour finir absorbé par un tampon ou une éponge, récupéré par une coupe menstruelle ou une serviette hygiénique ou encore évacué aux toilettes ou dans le bain ?! Peu importe, ça sort. C’est cyclique. Point barre. 

Mais qu’est-ce qui horrifie tant – les hommes et les femmes - quand on parle des règles ? Il semblerait que le fait de savoir qu’une femme saigne au moment même où elle se tient debout juste en face de nous à la machine à café et discute de manière tout à fait normale soit perturbant. Voire dégoûtant si elle ose le dire ouvertement. « J’ai mes règles », ça glace le sang. Cette image implicite d’un ovule non fécondé qui vient s’écraser par filets et caillots de sang dans la culotte, ça répugne… 

ZUT À LA FIN !

Ras-la-culotte de tous ces mythes oppressants autour des menstruations ! Ras-la-serviette de voir les visages se crisper quand le mot « règles » vient à être prononcé ! Ras-le-tampon de la vieille réflexion disant de se mettre aux abris pour ne pas essuyer le courroux de la harpie menstruée ! La coupe est pleine, évidemment.

Peut-être que cette soi-disant bande d’hystériques mal lunées l’est à cause des fortes douleurs ressenties avant, pendant et après ce fameux moment du cycle ou à cause des milliers d’euros dépensés pour s’acheter des produits hygiéniques imbibés pour la plupart de pesticides et de composés chimiques…

Ou tout simplement parce qu’elle a été éduquée dans la peur de la tâche et de l’odeur du sang et qu’elle a intégré depuis l’adolescence que « règles » équivaut à « impure ». Le cycle des femmes inquiète et dégoute. Nous, forcément on voit rouge et on milite pour que tout le monde se sente concerné, pas directement par nos vagins ensanglantés mais par tous les à côté.

Actuellement, nombreuses sont les publicités qui nous sollicitent au fil de la journée, sur les réseaux sociaux principalement, pour nous filer LA solution pour vivre paisiblement nos règles et sauter de joie à la première coulée… Chouette des nouvelles culottes de règles méga absorbantes ! Aussi écolos soient-elles, ça interpelle. Vivre sereinement nos règles n’est pas qu’une histoire de culotte tâchée ou pas tâchée, de vulve au sec ou à la fraiche ! Non, c’est bien plus complexe et complet que ça.

#ERROR

On touche ici à un système global de connaissance du corps des femmes et son fonctionnement cyclique. Souvent, on le connaît peu, on le connaît mal. En France, en 2016, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) a révélé qu’une fille de 15 ans sur quatre ignore qu’elle possède un clitoris et 83% ne connaissent pas son unique fonction érogène.

On l’appelle « minou », « chatte », « zezette », « abricot », « moule », etc. On les nomme « ragnagnas », « trucs » ou carrément « les anglais débarquent ». On pense qu’au moment des règles, les femmes ratent la mayonnaise (en Argentine, c’est la crème fouettée, au japon, les sushis et en Italie, l’ensemble des plats) et sont énervées sans raison aucune pendant leur durée entière.

Si la majorité de la population a tendance à minimiser, il serait une erreur de penser que l’utilisation des termes exacts est à négliger. Pire, à penser que cela constitue un danger ! Car apprendre aux enfants que les petites filles ont entre les jambes à l’extérieur un pubis, un clitoris et une vulve et à l’intérieur, un vagin et un utérus, c’est déjà briser le tabou visant à laisser croire que là où les garçons ont un pénis bien apparent, elles n’ont « rien ».

Les premières menstruations déboulent dans la culotte, c’est la panique et l’incompréhension. Ce passage que tout le monde imagine comme un symbole de l’évolution de fille à femme peut être un véritable séisme pour qui n’y est pas préparé-e et un moment de solitude si aucun espace de parole libre et d’écoute bienveillante n’a été créé que ce soit au sein de la famille, de l’entourage et/ou de l’école.

On passe de l’innocence enfantine à la femme potentiellement active sexuellement. Sans information anatomique. On passe du « rien » à la possibilité d’avoir un enfant, et cela même sans comprendre comment notre cycle fonctionne. Et quand à cela on ajoute des complications type fortes douleurs au moment des règles pour lesquelles on nous explique qu’avoir mal, c’est normal, on apprend à souffrir en silence, à serrer la mâchoire et à redoubler d’effort pour faire taire la douleur.

Peut-être sera-t-on diagnostiquées plus tard d’une endométriose, du syndrome des ovaires polykystiques, du Syndrome PréMenstruel et même de trouble dysphorique prémenstruel. Heureusement, les combats féministes permettent de faire avancer la cause et des personnalités issues des milieux artistiques – actrices, chanteuses, etc. – témoignent de leurs vécus et des parcours chaotiques qu’elles ont enduré de nombreuses années durant afin de faire reconnaître les maladies et les conséquences physiques et psychologiques que cela inclut.

Aussi, de supers ouvrages existent pour en apprendre plus au sujet des règles comme Sang tabou de Camille Emmanuelle, Le grand mystère des règles de Jack Parker, Cycle féminin et contraceptions naturelles de Audrey Guillemaud et Kiffe ton cycle de Gaëlle Baldassari (les deux derniers étant écrit par des Rennaises – lire l’encadré).

Sans oublier le livre Les règles… Quelle aventure ! d’Elise Thiebaut et Mirion Malle à destination des préados et ados, filles et garçons. Cela participe à la découverte de soi et de l’autre, car comme le disent Elise Thiebaut et Mirion Malle à juste titre « rendre les règles invisibles, c’est rendre les femmes invisibles. »

SUR LE FIL DE L’EXPÉRIENCE

Lis Peronti est une artiste-chercheuse installée à Rennes depuis plusieurs années. Elle y a notamment fait un mémoire autour des menstruations et des performances durant lesquelles elle a laissé le sang de ses règles couler sur une robe blanche ou un pantalon (lire le focus « Menstruations : ne plus avoir honte de ses règles » - yeggmag.fr – août 2017).

Aujourd’hui, elle continue son travail de recherches et de restitution sous forme artistique, mêlant savoirs théoriques et vécus personnels, autour du sexe féminin. Quand on lui demande ce qu’est pour elle la précarité menstruelle, elle répond :

« Comme ça, je pense au prix des protections hygiéniques. J’en ai beaucoup acheté avant la cup. Mais en fait, c’est plus que ça. C’est le fait que les règles soient considérées comme dégueu, tabou, comme quelque chose à cacher. La précarité menstruelle n’est pas juste liée au prix des tampons et des serviettes mais aussi au manque d’informations qu’on a sur les règles si on ne fait pas la démarche d’aller chercher plus loin. »

Sa démarche au départ, elle le dit, n’était pas consciemment féministe. En commençant à travailler sur le sujet « de façon intuitive », elle a fait des choix pas forcément réfléchis mais qui l’ont mené à mieux comprendre le fonctionnement de son corps, de son cycle et aussi à mieux protéger sa santé. Plus tard, elle a fait des liens avec sa recherche académique :

« C’était une porte d’entrée vers toutes les études féministes et vers la connaissance de mon corps aussi. Par exemple, c’est au moment où j’ai commencé à faire une performance à chaque menstruation, performance qui était censée fonctionner selon mon cycle naturel, que j’ai arrêté la pilule pour retrouver le temps décidé par mon corps pour l’arrivée des règles, et aussi parce que j’avais entendu que la pilule provoquait des maladies. À ce moment-là, j’ai commencé à me rendre compte de quand est-ce que les règles arrivaient. Le fait de les laisser couler sur un tissu ou sur la terre m’a permis de me rendre compte de la quantité de sang versée, qui était d’ailleurs beaucoup moins importante que ce que je croyais. »

Aujourd’hui, elle connaît mieux son cycle et s’étonne d’autant plus de tous les tabous liés aux règles : « On a d’autres pertes au cours du cycle et ça ne choque personne. » Pour elle, en tout cas, le mémoire et les performances l’ont amenée à de nombreuses lectures et réflexions sur le sujet mais aussi à apprécier la beauté de la couleur du sang menstruel et de son mouvement lorsqu’il se dissout dans l’eau. Voilà pourquoi elle a choisi la coupe menstruelle, bien avant le scandale autour de la composition des tampons et des serviettes.

À ce propos, elle nous livre son opinion : « Les fabricants ont toujours su que c’était de la merde à l’intérieur mais on en parle aujourd’hui parce qu’il y a un nouveau marché à prendre. On en voit partout maintenant des culottes menstruelles, des tampons bios, des serviettes lavables, etc. C’est bien mais ce n’est pas nouveau. »

Ce que Lis Peronti retient particulièrement de tout cet apprentissage menstruel, c’est que « travailler sur les règles m’a aussi fait prendre l’habitude d’échanger sur ses sujets avec différentes personnes, que ça soit des bio ou techno femmes ou desbio ou techno hommes(termes utilisés par Beatriz Preciado dans Testo Junkie. Sexe, drogue et biopolitique). Et connaître le vécu ou l’opinion des autres est la chose la plus enrichissante dans cette recherche artistique. »

Et même sans démarche artistique, on la rejoint : échanger et partager les vécus et opinions, en prenant soin d’écouter en premier lieu les personnes concernées, est enrichissant et nécessaire à la déconstruction du tabou et des stéréotypes autant autour des règles que du genre. 

SOURCE DE SOUFFRANCES

Car ce tabou autour des règles peut être une source de violence à l’encontre de celles à qui on ne permet pas l’expression de leurs souffrances et à qui on dit que la douleur est uniquement dans leur tête. Mais aussi à l’encontre de celles qui n’osent pas l’exprimer et qui demandent, en chuchotant à l’oreille de leurs copines, si elles n’ont pas un tampon et qui le cachent ensuite dans le revers de leur manche ou encore de celles qui intègrent malgré elles un sentiment de honte et de peur.

Le silence et la méconnaissance qui règnent autour de cette thématique sont également à la base de la lenteur du diagnostic de l’endométriose, qui touche entre 1 femme sur 7 et 1 femme sur 10. Il faut en moyenne 7 ans pour diagnostiquer l’endométriose. Pourquoi ? Parce que le corps médical est mal informé, mal formé. Parce qu’une femme expliquant que tous les mois elle est handicapée par son cycle (transit perturbé, gênes urinaires, gênes ou douleurs lors des rapports sexuels, fortes douleurs utérines, incapacité à marcher au moment des règles, etc.) ne sera pas réellement écoutée et prise en charge, encore aujourd’hui, en 2019.

L’alliance des charges symboliques, émotionnelles et physiques qui s’ajoutent et s’imbriquent provoque une première forme de précarité, dans le sens de fragilité, contre laquelle les femmes luttent, bien conscientes qu’au premier signe de « faiblesse », elles seront renvoyées à la thèse essentialiste, c’est-à-dire à leur prétendue nature et fonction première : celle d’enfanter et de s’occuper du foyer.

Aujourd’hui, et cela est d’autant plus vrai avec le développement de l’image (fausse) de la Wonder Woman, une femme doit pouvoir affronter sans ciller et sans transpirer une double, voire une triple journée. La charge mentale s’accumule et pourtant, elle reste toujours suspectée de ne pas pouvoir y parvenir. De ne pas être assez forte, de ne pas pouvoir garder son sang froid et de ne pas avoir les épaules assez solides.

Alors, en plus des taches domestiques et de son travail, elle doit aussi penser à la contraception et aux protections hygiéniques, sans oublier les multiples remèdes de grand-mère ou les médicaments à prendre en cas de douleurs.

LES INÉGALITÉS SE CREUSENT

« Le tabou des règles est l’un des stéréotypes sexistes qui affecte la quasi-totalité des filles et des femmes dans le monde. », signale l’ONG internationale CARE. Si la majorité des femmes éprouvent de la honte concernant leurs règles, il existe aussi une partie de la population féminine touchée par l’isolement social, voire l’exil menstruel.

Au Népal, notamment, avec la pratique du chhapaudi, un rituel pourtant interdit visant à exiler les femmes du domicile familial pendant leurs règles, une brutalité à laquelle elles sont confrontées en raison de leurs menstruations encore pensées comme signe d’impureté et source de malheurs.

Selon les pays, les croyances diffèrent : dans certains coins d’Amérique du Sud, on pensera que côtoyer des femmes réglées peut provoquer des maladies, tandis qu’ailleurs, on pensera que le sang qui souille la terre la rend stérile. Elles seront alors tenues à l’écart de leur maison mais aussi de leur travail si celui-ci par exemple consiste à la culture et aux récoltes dans les champs. Dans la religion juive également, l’exil menstruel peut être appliqué, un rituel sera alors à suivre pour réintégrer le foyer. Afin de se laver et de redevenir pure.

Au-delà de la précarité sociale imposée par cette exclusion et de l’humiliation engendrée par celle-ci – et des morts fréquentes des exilées asphyxiées par les fumées du feu qu’elles ont allumé pour se réchauffer, mordues par des serpents, agressées, etc. – leur quotidien est affecté depuis très longtemps.

Ce n’est que depuis le 2 janvier que des femmes ont pu se rendre dans le temple d’Ayyappa à Sabarimala (dans la région du Kerala en Inde), après que la Cour suprême indienne ait levé l’interdiction, pour les femmes menstruées, d’accéder aux lieux sacrés hindous. Malgré tout, elles n’ont pas pu franchir les marches du temple, obligées d’emprunter l’entrée du personnel pour se protéger des réactions hostiles de certains croyants. 

ISOLEMENT ET DÉSCOLARISATION

Malheureusement, en Inde, la population féminine est habituée dès le plus jeune âge à être rejetée à cause des règles, comme le montre le documentaire Les règles de notre liberté (en anglais Period. End of sentence) diffusé en France, en février 2019, sur Netflix.

Dans le village de Kathikhera, située en zone rurale, avoir ses menstruations est véritablement synonyme de précarité. Ce qui apparaît dans les silences filmés par la réalisatrice Rayka Zehtabchi lorsque le mot « règles » est prononcé. Les femmes du village n’ont pas accès aux protections hygiéniques, trop chères, qu’elles ne connaissent que de « réputation », comme une légende urbaine.

Elles, elles se tapissent le fond des sous-vêtements avec du papier journal ou des tissus usagés. Comme le font en France les femmes SDF, les détenues n’ayant pas l’argent nécessaire pour cantiner ou encore les personnes les plus précaires, étudiantes comprises dans le lot.

Selon l’ONG Care, elles sont environ 500 millions de filles et de femmes dans le monde à ne pas avoir accès aux protections hygiéniques. Autre problématique mondiale qui en découle : la déscolarisation des jeunes filles. En Afrique, 1 fille sur 10 manque l’école lors de ses menstruations.

En Inde, 23 millions de filles arrêtent l’école à cause de leurs règles. Soit par manque d’accès aux produits d’hygiène, soit parce que les toilettes ne sont pas séparées dans les établissements. Dans tous les cas, la honte l’emporte. 

Les femmes de tous les pays ne vivent pas à la même échelle le même degré d’exclusion face aux stéréotypes et au tabou des règles. Si on revient à notre propre plan national, on ne peut pas parler de déscolarisation des jeunes filles mais certaines ont des absences répétées au fil de leur cursus justifiées par le début de leur cycle, que ce soit à cause des complications physiques – nausées, douleurs, diarrhées, fatigue… - ou en raison de l’hygiène.

Mais aussi de cette fameuse peur qui rend les adolescentes « indisposées » pendant les cours de natation. On voit aussi dans l’Hexagone une certaine réticence à réfléchir à la mise en place du congé menstruel, comme cela s’applique dans d’autres pays, comme l’Italie ou le Japon. Parce qu’on craint des abus, nous répond-on régulièrement.

En clair, des abus de la part des femmes qui profiteraient de l’occasion pour prendre des jours de congé alors qu’elles n’ont pas leurs règles ou qu’elles n’ont aucune difficulté avec celles-ci. Certainement un abus justifié par une soudaine envie de faire les boutiques... C’est croire en la frivolité des femmes et en un manque de cadre législatif qui viendrait entourer la loi.

C’est surtout ne pas considérer que les règles puissent entrainer de vraies difficultés et constituer un handicap dans le quotidien d’une partie des femmes dont on profit e qu’elles ont intégré le risque de précarité dans laquelle cela les mettrait si elles se permettaient des absences répétées au travail, aussi justifiées soient-elles.

LA SITUATION DES FEMMES EN GRANDE PRÉCARITÉ

Parler des règles, montrer un vêtement tâché par les menstruations, ça choque. Là où une porte s’ouvre en direction de la prise de conscience, c’est sur l’accès aux protections hygiéniques pour les plus démuni-e-s. Et elle ne s’opère pas en un claquement de doigts.

Il a fallu le concours de plusieurs actions, notamment associatives et médiatiques, et un film grand public Les invisibles de Louis-Julien Petit (lire notre critique dans YEGG#77 – Février 2019) pour que l’on commence à ouvrir les yeux sur une réalité jusqu’ici très peu prise en compte.

Une réalité que relate le sondage IFOP publié le 19 mars dernier et réalisé pour Dons solidaires : 8% des Françaises, soit 1,7 million de femmes, ne disposent pas suffisamment de protections hygiéniques et 39% des femmes bénéficiaires d’associations sont concernées.

Conséquence : 1 femme sur 3 (sur ce pourcentage) « ne change pas suffisamment de protection ou à recours à l’utilisation de protections de fortune. », souligne le communiqué. Là encore, on recroise la précarité sociale puisque, selon le sondage toujours, 17% des femmes en grande précarité renoncent à sortir à l’extérieur durant la période des règles et se retrouvent parfois en incapacité de se rendre à un entretien d’embauche ou un rendez-vous professionnel, par manque de protections hygiéniques. Un fait que l’on sait dangereux pour la santé et propice au Syndrome du Choc Toxique. 

Trop souvent, on oublie les exclues du débat dont font parties les détenues et les femmes SDF. Elles ont rarement voix au chapitre parce que par confort, on oublie celles qui n’en disposent pas et parce qu’elles pâtissent d’une image stéréotypée due à leur condition. Et pourtant, elles aussi ont leurs règles, et elles aussi ont le droit à la dignité.

Le 19 mars, L’Obs et Rue89 révèlent la précarité sanitaire que subissent les femmes incarcérées qui selon les établissements disposent de protections périodiques de mauvaise qualité souvent à des prix trop élevés, particulièrement pour celles qui ne cantinent pas.

« De nombreuses détenues utilisaient des tissus, des draps ou encore des serviettes de bain qu’elles mettaient dans leurs culottes », témoigne une ancienne détenue tandis que d’autres fabriquent des coupes menstruelles artisanales : « Elles utilisent une bouteille en plastique qu’elles découpent afin de n’en garder que la partie supérieure. Pour éviter de s’arracher les parois internes, la cup de fortune doit être lissée contre un mur. »

Le système débrouille côtoie alors le facteur risque sanitaire. Et s’applique également aux femmes SDF. Corinne Masiero, comédienne dans Les invisibles notamment, a vécu elle aussi dans la rue et dit au média Brut :

« Tout est dix fois plus problématique quand t’es une gonzesse, dix fois plus. Un truc tout con : quand t’as tes règles et que t’as pas de quoi t’acheter des trucs, alors tu vas chouraver des serviettes, des machins et tout. Mais des fois t’as pas eu le temps ou t’as pas pu, comment tu fais ? Tu te mets des journaux, des machins… on en parle jamais de ça. Pourquoi ces trucs là, c’est pas remboursé par la Sécu par exemple ? » 

AGIR POUR LES AIDER

Lors de notre reportage au Salon bien-être solidaire fin novembre à Vitré, organisé par l’association brétillienne Bulles Solidaires, Anaëlle Giraurdeau, alors stagiaire au sein de la structure, expliquait que l’impact de la sensibilisation des passantes à ce propos était important lors des collectes effectuées à l’entrée des supermarchés.

La majorité de la société ne réalise pas qu’être une femme dormant à la rue signifie également ne pas avoir de quoi s’acheter des protections hygiéniques. D’où la mobilisation de Bulles Solidaires, créée en septembre 2017 par Laure-Anna Galeandro-Diamant afin de récolter des échantillons et produits d’hygiène corporelle (non entamés et non périmés) pour tou-te-s lors de collectes, via le bouche à oreille, le démarcharge des pharmacies, instituts de beauté et hôtels ou encore grâce aux points de collecte disposés dans certains magasins du centre ville, à l’Ecole des Hautes Etudes de la Santé Publique de Rennes, ou encore dans des commerces vitréens.

Ces produits sont ensuite redistribués aux occupant-e-s des établissements avec lesquels l’association travaille comme le Secours populaire, le foyer Saint Benoit de Labbre à Rennes, Le Puzzle, etc. Mais aussi à l’occasion des maraudes organisées dans la ville. Collecter serviettes, tampons et coupes menstruelles est alors essentiel pour les femmes en grande précarité car à l’heure actuelle, les associations venant en aide aux personnes sans abris sont principalement spécifiques à la question du logement et à celle de l’alimentation.

Bulles Solidaires réalise donc une mission particulière sur un terrain presque vierge à ce niveau-là, à l’échelle locale, et n’en oublie pas les besoins des femmes. Sur le plan national, Règles élémentaires est la première association depuis 2015 à collecter des produits d’hygiène intime à destination des femmes sans abris et mal logées. Initiée par Tara Heuzé-Sarmini, la structure a réussi à organiser plus de 150 collectes en France et à redistribuer plus de 200 000 tampons et serviettes à plus de 20 000 femmes bénéficiaires.

La dynamique crée des émules. Le 16 mai prochain, une soirée autour de la précarité menstruelle est organisée à Askoria, à Rennes, par Aux règles citoyen-ne-s, un collectif de travailleurs-euses sociaux en formation dans l’école.

« Les femmes en situation de précarité sont les premières victimes. Elles sont déjà vulnérables et en plus, elles doivent se cacher à cause des tâches et c’est très difficile d’aller demander une protection hygiénique à quelqu’un dans la rue, c’est tellement tabou dans notre société actuelle… »
signale les membres du collectif.

En creusant le sujet, ielles ont l’idée d’une collecte mais rapidement se pose la question de la forme : « Une collecte c’est bien mais si en plus on peut sensibiliser autour de ça, c’est mieux ! On a donc fixé le prix de la soirée à une boite de tampons ou de serviettes qui seront ensuite données à Bulles Solidaires. »

Si le collectif souhaite provoquer des rencontres, des échanges et des débats entre professionnel-le-s du secteur social, futur-e-s professionnel-le-s, associations féministes (ou pas), il tient à ce que le grand public, hommes comme femmes donc, soit convié, intéressé et concerné. Ainsi, le débat sera précédé de la diffusion du film Les invisiblespour faire le pont avec la précarité menstruelle, un sujet large qui touche un grand nombre de femmes.

RENDRE LES PROTECTIONS HYGIÉNIQUES ACCESSIBLES

Et parmi les plus impactées, on trouve également la population étudiante dont les revenus sont souvent faibles voire inexistants. Pour une boite de tampons ou de serviettes, il faut compter entre 3 et 8 euros. Pendant une période de règles, les femmes peuvent utiliser les deux sortes de protection, pour ne pas dormir avec un tampon ou une coupe menstruelle, et ainsi réduire le risque d’infection.

Aussi, il faudra certainement prévoir l’achat de boites d’anti-inflammatoires ou autres médicaments, l’investissement dans une bouillote, etc. Et rien dans la liste ne peut être répertorié comme produit de confort. C’est pourquoi en janvier, l’université de Lille, sur les conseils de Sandrine Rousseau, fondatrice de l’association Parler, ancienne élue EELV et actuellement professeure d’économie à la fac, a décidé au début de l’année 2019 de distribuer gratuitement 30 000 kits de protections hygiéniques, contenant tampons, serviettes et coupes menstruelles réutilisables.

Une idée qui a été inspirée par le modèle écossais. En effet, le pays qui avait déjà investi pour lutter contre la « period poverty » auprès des femmes en grande précarité réitère son action auprès des étudiantes à présent, en levant 5,7 millions d’euros afin de fournir aux 395 000 élèves d’Ecosse des protections hygiéniques gratuites. Dans les écoles, collèges et universités sont, depuis la rentrée scolaire, accessibles tampons, serviettes, serviettes lavables et coupes menstruelles.

La réforme crée des émules là encore puisque début mars, la newsletter pour adolescentes « Les petites Glo » - la petite sœur des « Glorieuses » – lançait le mouvement #StopPrécaritéMenstruelle afin de demander la gratuité des protections hygiéniques dans tous les établissements scolaires français. 

Johanna Courtel est étudiante à l’université Rennes 2. Début avril, son projet de protections périodiques en accès libre – co-piloté avec une autre étudiante – figurait parmi les 10 lauréats qui seront financés par le budget participatif de la faculté.

« Il existait déjà un projet de l’Armée de Dumbledore, une organisation politique de Rennes 2, pour installer 3 distributeurs de protections hygiéniques. C’est bien mais c’était limité. Là, l’idée est d’installer des meubles avec des tampons, des serviettes, des cups, en libre accès. Et que les produits soient le moins toxiques possible. On veut privilégier le bio et la qualité, des produits respectueux pour nous et pour la nature. », explique-t-elle, précisant qu’elle ne connaît pas encore la date de mise en fonction des installations et du premier ravitaillement.

« Peut-être que beaucoup vont hésiter à en prendre au début mais l’objectif est vraiment que les personnes s’habituent à ce que ce soit gratuit. À ce que ce soit normal que ce soit gratuit,poursuit-elle. En tant que femmes, depuis qu’on a nos règles, on sait que c’est la galère. Dès la naissance, on sait qu’on va être précaires. En plus de ça, on doit payer plus de choses avec un moindre salaire… Etudiante, je me suis déjà retrouvée à la fin du mois avec du sopalin dans la culotte car j’ai préféré m’acheter à manger qu’acheter des protections. » 

UNE BATAILLE À POURSUIVRE

Mais avant même d’être contrainte à tester le « dépannage menstruel » que de nombreuses femmes connaissent au cours de leur vie, Johanna Courtel avait déjà conscience de la problématique, notamment grâce à la campagne médiatisée du collectif Georgette Sand qui a ardemment lutté contre la taxe tampon et obtenu gain de cause en décembre 2015 lorsque l’Assemblée nationale a voté l’abaissement de la taxe de 20% à 5,5%, reclassant ainsi les protections hygiéniques injustement qualifiées de « produits de luxe » à la catégorie « produits de première nécessité ».

Bonne nouvelle donc ! Pas tant que ça en fait, indique le collectif Georgette Sand dans un article paru dans Ouest France : « Malheureusement, l’abaissement de la TVA n’a pas été répercuté sur les produits des grandes marques. Maintenant que nous avons pu constater que la baisse de la TVA n’est qu’un cadeau pour les marques qui leur permet d’augmenter leurs marges sans faire monter leurs prix, nous avons conscience que cette taxe n’est plus la question. Il faut prendre conscience que le sujet est une question de santé publique. Des décisions comme celle prise par la LMDE d’allouer une somme de son forfait étudiant au remboursement des protections hygiéniques est un progrès que nous saluons. »

Dans le fait que la parole se libère petit à petit et que les exemples d’actions concrètes se développent, l’étudiante rennaise y sent le vent tourner et saisit l’occasion du budget participatif pour apporter sa pierre à l’édifice. Pour elle, le vote des étudiant-e-s en faveur de son projet marque l’importance de répondre désormais à un besoin bien réel de lutte contre la précarité.

Tout comme sur le campus, on trouve une épicerie solidaire, on trouvera prochainement des protections périodiques en libre service : « C’était important aussi de ne pas mettre un moment spécifique durant lequel les gens viennent se servir. Parce qu’en faisant ça, je pense que plus de gens vont s’autoriser à en prendre alors que si ça se faisait devant tout le monde pendant une permanence, beaucoup de personnes n’oseraient pas. Et quand on a pas une bonne protection hygiénique ou qu’on a oublié d’en prendre d’autres, on n’est pas à l’aise, on est moins aptes à écouter, à se concentrer. On pourrait parfaitement ne pas être dans cet état si justement on savait que, même si on oublie d’en mettre dans son sac ou qu’on n’a pas les moyens d’en acheter, on va pouvoir en trouver sur place. Dans les toilettes par exemple, pour que ce soit un lieu plus intime. »

L’ESPACE PUBLIC, ENCORE ET TOUJOURS GENRÉ…

Les toilettes, c’est encore un autre sujet dans le sujet. Mais là, on ne parle plus de l’université mais de l’espace public. À Rennes, tandis que la municipalité installe des urinoirs en forme de kiwi, de pastèque et autres fruits pour que ces messieurs arrêtent de pisser où bon leur semble lors des soirées arrosées du jeudi au samedi, personne ne s’inquiète du devenir de nos abricots qui marinent dans la sauce airelles chaque jour de nos règles.

Et ça ne me passe pas inaperçu dans les médias, avec en tête de fil le site Alter1fo qui par deux fois interpelle sur la question. En janvier, d’abord, on peut lire l’article « Précarité menstruelle : Rennes manque une occasion de « régler » la question » dans lequel le rédacteur Politistution dévoile qu’un projet concernant l’augmentation du nombre de toilettes pour femmes n’a pas pu être mis au vote du budget participatif de la ville car entre autre « la ville de Rennes dispose déjà de sanitaires publiques et aucun emplacement n’a pu être trouvé pour en construire de nouvelles. »

Il revient dessus en mai se saisissant de l’actualité chaude des urinoirs mobiles pour souligner, à juste titre, qu’il s’agit là encore d’un privilège de mâles. Il conclut son article :

« Les toilettes publiques restent finalement révélateurs des inégalités entre les sexes et ne doivent pas accentuer l’hégémonie masculine dans la ville. »

De par cette phrase, il pointe une nouvelle problématique qui enfonce encore davantage les femmes dans la précarité menstruelle. Les villes pensées par et pour les hommes permettant uniquement aux femmes de se déplacer dans l’espace public mais pas de l’occuper comme les hommes le font.

Encore moins quand elles ont leurs règles et qu’elles n’ont pas d’autres choix pour changer leurs protections que d’aller dans un bar ou rentrer chez elle, si leur domicile n’est pas trop éloigné. Alors des urinoirs en forme de fruits, c’est bien joli mais c’est quand même discriminatoire, même si on est équipé-e-s d’un pisse-debout, c’est ce que développe Virginie Enée, journaliste pour Ouest France, dans son billet d’humeur daté du 6 mai :

« Alors oui, une cabine de toilette mixte ne coûte certainement pas le même prix. Probablement que cela prend plus de place dans l’espace public et que c’est moins ludique qu’un urinoir déguisé en pastèque ou en kiwi. Mais justifier une inégalité par l’incivilité de certains, c’est ni plus ni moins qu’une discrimination. Réclamons des cabines de toilettes publiques dans une citrouille, type carrosse de Cendrillon. (Sinon nous aussi, on se soulagera sur ses roues.) »

LES TOILES D’ARAIGNÉE, C’EST SALE… 

De nombreux facteurs convergent, créant ainsi une précarité menstruelle qui pourrait s’apparenter à une toile d’araignée, tissée autour du tabou des règles pour coincer les femmes dans leur émancipation. Comme le souligne Lis Peronti, les règles ne sont qu’une partie du cycle, et non l’entièreté et surtout pas la fin comme on vise souvent à le penser. Bien au contraire même puisqu’en réalité l’arrivée des règles marque le début du cycle.

Elles ne sont pas donc pas synonymes de la fin, dans le sens de l’échec de la femme dans son soi-disant rôle premier et majeur de procréatrice, mais le début, le renouveau, l’instant de tous les possibles. La possibilité de choisir son mode de vie, son mode de contraception, son corps.

De plus en plus de comptes, comme Dans Ma culotte, SPM ta mère ou encore Mes règles et moi, se créent sur les réseaux sociaux, utilisant la toile non pour nous coller à une matière et se faire dévorer ensuite mais pour dénoncer la précarité menstruelle, briser le tabou et dévoiler la couleur de la réalité, parce que non ce qui coule dans nos culottes n’est pas bleu comme le montre la publicité, mais bel et bien rouge.

Montrer le sang - comme l’a fait la youtubeuse Shera Kirienski en posant en pantalon blanc tâché et comme l’a fait auparavant Lis Peronti - participe à ne plus cautionner les mythes et les mensonges qui entretiennent la précarité menstruelle dans sa globalité. Les initiatives fleurissent. Au Canada, par exemple, au musée de Kitchener, en Ontario, a dévoilé l’exposition Flow pour démystifier les règles et aider les femmes qui se sentent stigmatisées à cause de ça à s’émanciper.

Sinon, sans prendre l’avion plusieurs heures durant, on peut de chez nous, en toute intimité si on a honte (en espérant ensuite qu’on aura le courage d’en parler avec d’autres, au café, puis dans le bus, puis au milieu d’une foule ou mieux, à table) regarder le super documentaire d’Angèle Marrey, Justine Courtot et Myriam Attia, 28 jours, disponible sur YouTube.

Ou encore on peut participer à la campagne Ulule de financement participatif afin d’aider Leslye Granaud pour la réalisation et diffusion de son documentaire SPM ta mèrequi interroge hommes et femmes sur leur rapport aux menstruations. 

Mise en garde (qui arrive bien trop tard, tant pis) : après tout ça, vous ne penserez plus que les règles, c’est dégueu et vous prônerez le choix pour toutes les femmes d’en parler librement ou de garder ça pour elles. Car si cela ne doit pas virer à l’injonction au témoignage, il est urgent de se libérer des sentiments de honte et d’humiliation qui entourent toutes les personnes ayant leurs règles.

De garantir l’accès aux protections hygiéniques à toutes les personnes ayant leurs règles, sans conditions. D’apprendre à toutes les filles et à tous les garçons l’anatomie des un-e-s des autres et d’ouvrir la voix aux personnes désireuses de connaître davantage leur cycle que l’écoféminisme met en parallèle du cycle de la Nature. Mais ça, c’est un autre sujet. Et c’est pour bientôt.

 

 

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Les règles de la précarité
La précarité menstruelle : pas qu'une affaire de femmes
Aimer son cycle, c'est possible ?
Alerte : vulves et vagin pollué-e-s

Célian Ramis

Déceler les violences invisibles

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Rennes
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Les violences psychologiques font parties d’un processus insidieux s’installant dans la durée, compliqué à déceler et à dénoncer. Décryptage.
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 Le 25 novembre symbolise la lutte contre les violences faites aux femmes. C’est dans ce cadre là que l’École Nationale de la Magistrature (ENM) organisait le 28 novembre dernier le colloque « Violences psychologiques au sein de la famille et au travail, violences invisibles ? », à l’Hôtel Rennes Métropole.

Les violences psychologiques font parties d’un processus insidieux s’installant dans la durée, compliqué à déceler et à dénoncer. Lors du colloque, 3 femmes ont attiré notre attention. Me Géraldine Marion, avocat au Barreau de Rennes, Dr Marlène Abondo, psychiatre et médecin légiste au service de médecine légale (CHU de Rennes) et Dr Claire Guivarch, psychologue clinicienne dans le même service.

« La violence morale détruit tout autant que la violence physique. Surtout qu’elle ne s’arrête pas aux portes du harcèlement moral »
explique Géraldine Marion, avocate en Droit du travail.

Elle regrette qu’en 2014, en France, des personnes soient encore victimes de souffrance au travail alors que ce dernier « devrait être source d’épanouissement ». Selon elle, il manque à la Justice les moyens humains et de temps pour bien travailler : « Les juges sont en attente de formation, ils sont demandeurs mais les moyens ne suivent pas. » Une réalité qui la désole, surtout lorsqu’elle entend des juges parler de « maladresses managériales ». « Ça m’horripile, confie-t-elle, c’est terrible pour une cliente d’entendre cela ! C’est tellement compliqué de prouver que la situation vécue peut entrainer des effets sur la condition morale ou physique de la personne. »

Au service de médecine légale, la mission est autre et prend en compte l’auteur et la victime. Le Dr Abondo a une définition marquante : « La médecine de la violence. La Justice nous demande d’intervenir en tant qu’experts à la suite d’un dépôt de plainte. » Au quotidien, les professionnelles évaluent le retentissement psychologique « car il peut y avoir des réactions immédiates comme des réactions différées. Nous devons observer l’évolution des symptômes dans le temps », précise le Dr Guivarch.

Elles soulignent toutes les 2 la complexité de l’être humain, l’importance de la relation, de la personne dans son individualité et du contexte. Ainsi que la dangerosité des violences psychologiques qui peuvent être ouvertes (insultes, menaces, propos négatifs) ou couvertes.

« Les plus dangereuses. Elles relèvent souvent d’une communication paradoxale dans le langage. Très difficiles à déceler, elles entrainent la perte de confiance en soi et la confusion »
déclare Marlène Abondo.

Pour elle, la manipulation se pratique chez tout être humain. Elle n’est ni bonne, ni mauvaise. Mais elle amène à se soumettre librement. « Il y a un attachement affectif et alors il va être difficile d’identifier le négatif et de s’en extraire », ajoute Claire Guivarch.

Célian Ramis

Tiny Feet ou l’art de briser le silence avec (entre autre) les pieds

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Antipode, Rennes
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Celle dont on dit qu’elle a fait ses premières armes à Rennes est venue fin novembre présenter son premier album, Silent, à l’Antipode. Un hommage que rend Tiny Feet, alias Emilie Quinquis, à la capitale bretonne. Portrait.
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Celle dont on dit qu’elle a fait ses premières armes à Rennes est venue fin novembre présenter son premier album, Silent, à l’Antipode. Un hommage à la capitale bretonne qui a sur de nombreux points joué sur la création de cet opus. Rencontre avec Tiny Feet, alias Emilie Quinquis.

Ce soir-là, le 27 novembre, à l’Antipode, les sifflements de certains spectateurs se font entendre à peine les lumières baissées. Dès son arrivée, les cris d’encouragements se multiplient. Tiny Feet sourit dans la pénombre de la scène. Elle envoie les premières notes de l’album qu’elle présente lors de cet apéro-concert, son premier album, Silent, financé à l’aide du crowdfounding, soutenu par la Ville de Rennes, réalisé par le Do it yourself dont elle est maitre et produit par Yann Tiersen, son compagnon.

La jeune femme de 28 ans dissimule une partie de son visage sous sa mèche qui lui cache les yeux qu’elle prend soin de fermer les premières minutes du concert durant. Les pédales de boucles sont alignées devant ses pieds, l’ambiance est électrique, la musique tendue, sa voix chaude et rassurante, paradoxalement au climat que son one-woman-band impose.

La musicienne et membre unique de Tiny Feet s’appelle Emilie Quinquis et est originaire de Brest. Pour ses études, elle emménage dans la capitale bretonne et se lance dans les arts du spectacle, à Rennes 2, en théâtre, avant de rejoindre l’école du TNB.

« J’écrivais, je mettais en scène, j’ai eu des propositions pour être comédienne mais je ne m’y retrouvais pas. Je ne veux pas être l’instrument des gens ».

Ce qu’elle veut, c’est défendre son projet artistique : « Je suis incapable de mentir sur ce que je ressens ». Les boucles musicales vont hypnotiser ses nuits d’insomnie et l’amener à délaisser les textes pour s’orienter vers de l’accompagnement sonore.

À sa sortie d’école, elle réalise, seule, un monologue pour une comédienne avec vidéo et musique, « quelque chose d’assez abstrait, hypnotique, sur un mur en décomposition ». Elle pose en parallèle ses sons sur MySpace et de là est programmée dans un petit festival brestois. « Quinze jours avant, je n’avais toujours pas le contenu de mon concert. Je me suis enfermée à l’Aire Libre, se souvient-elle. C’est surement pour ça que l’image de la pochette de mon album est un avion écrasé. Comme je passais mon temps à côté de l’aéroport de St Jacques, c’est le bruit de l’avion que j’entendais. Et c’est là le tout début du disque. »

En 2012, elle joue à Bars en Trans, participe au tremplin Mozaïc et à une présélection pour Les Jeunes Charrues. Elle se rappelle, pour cet événement, attendre dans la loge voisine de celle dans laquelle elle nous reçoit à l’Antipode :

« Pour les Charrues, il y avait Mermonte à côté. Ils étaient 10, ils ont fait un cri de guerre et puis ils sont super balèzes ! J’étais toute petite à côté, je faisais tout de manière intuitive. »

Une manière intuitive de composer ses chansons qui la mène aujourd’hui à présenter son premier album, après avoir passé l’année 2013 à fignoler ses morceaux, entourée de Stéphane Bouvier et de Yann Tiersen, pour le mixage et reamping. Et qui la mène également à ne plus arriver sur la pointe des pieds. « Tiny Feet, c’est pour ça ! Je me prenais le choux avec le nom… Et puis c’est aussi parce que je fais tout avec mes petits pieds dans ma musique. Mes petits pieds maladroits ! », rigole-t-elle.

Pourtant sur scène, aucune note de maladresse de la part de ses petits pieds qui jonglent d’une pédale à l’autre, tandis que ses doigts tapotent sur l’écran, installé devant elle, quand ils ne manient pas l’archer sur la basse ou qu’ils ne grattent pas les cordes de la guitare. Les mélodies sont intenses, brutales. Comme le témoignage de son ressenti face à son environnement, son vécu.

Au fil du concert, les atmosphères varient, l’électro s’amplifie et Tiny Feet s’affranchit à présent de toute timidité pour nous transporter dans sa bulle de douceur angoissante. Le titre de son album prend sens. Silent. « Silence kills/ you know/ Silence kills », chante-t-elle, maniant les rythmes à sa guise et jouant sur les accélérations qui nous plongent dans un état de gravité et d’urgence.

« Silent, c’était pour sortir du silence. J’ai besoin de faire de la musique. Et avec ça, je suis sortie du silence, je me suis libérée d’un poids, ça m’a ouvert la voie »,
précise Tiny Feet en coulisses.

Elle confie, sans trop de surprise, que l’album comporte des douleurs qu’il a fallu dépasser pour s’ouvrir à la créativité. Son truc pour écrire et composer, c’est « les nœuds dans le ventre. Et ça vient de plein de choses, se sentir coupable, être en colère, avoir peur, être amoureux, perdre un être aimé… ».

Et les influences, elle les puise inconsciemment chez Suicide ou Portishead, mais elle se retrouve aussi régulièrement comparée à PJ Harvey et Cat Power. « C’est marrant, mon frère m’a offert une K7 quand j’avais 13 ou 14 ans avec ces deux artistes. Je n’ai pas tous leurs albums mais ce sont des artistes qui m’ont perturbées. Quand j’ai écouté ça, c’était une révolution pour moi. Ce sont des filles qui ont du chien ! Beaucoup de chansons françaises à l’époque faisaient très gentillettes. Ces deux femmes là qui arrivent mettent un coup de pied dans la fourmilière. Enfin un coup de pied dans ma fourmilière ! », plaisante Emilie Quinquis.

Et son coup de pied à elle, puisque toute est une histoire de pied, Tiny Feet le met sur scène. Avec son one-woman-band, « pas besoin de surjouer ». Si la jeune musicienne n’est « peut-être pas assez pop pour la France », elle tient fixement sur ses deux pieds pour les poser aux Etats-Unis, et prochainement peut-être en Argentine ou encore en Belgique, et certainement à Ouessant, l’île sur laquelle elle vit, « là où je me sens à la maison », quand elle n’est pas à Rennes, à Paris ou à Brest, sa ville d’origine à qui elle dédie une chanson éponyme et avec laquelle elle inspire le silence…

Célian Ramis

Puzzle Compagnie, l'insoumission de la création

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Cercle Paul Bert Nord-Ouest Le Noroit, Rennes
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Un mardi par mois, à 18h30, au Cercle Paul Bert Nord-Ouest Le Noroît, les comédiens de la Puzzle Compagnie se livrent à des improvisations en vue d'un nouveau spectacle.
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La Puzzle Compagnie s'empare de la tragédie Roméo et Juliette pour son Chantier Public. Un mardi par mois, à 18h30, au Cercle Paul Bert Nord-Ouest Le Noroît, les comédiens se livrent à des improvisations en vue d'un nouveau spectacle. Le 3e rendez-vous est donné mardi 16 décembre.

En débat, dans les coulisses ce mardi 18 novembre : Juliette est-elle féministe ? « Elle refuse le mariage arrangé pour épouser un autre. Mais est-ce par là qu'on s'épanouit ? », se questionne Marjorie Blériot, membre de la Puzzle Compagnie.

La discussion n'est pas surprenante pour la compagnie qui intervient fréquemment sur les thèmes de l'égalité et la discrimination.

« Nous essayons de tordre le cou aux clichés. Les femmes ne sont pas que des petites minettes éplorées qui servent la soupe aux hommes », s'exclame Charlotte Baheu, référente artiste.

Depuis octobre, la compagnie travaille sur un nouveau projet, le Chantier Public, fondé sur Roméo et Juliette. Six rendez-vous sont programmés, un mardi par mois. Les comédiens y font des expérimentations, devant les spectateurs. « Nous attendons du public des retours qui nous enrichissent, ouvrent des débats ou en résolvent », précise Marjorie Blériot. Dès sa création, il y a bientôt dix ans, la compagnie s’est spécialisée en improvisation.

« Nous défendons cette pratique comme une discipline à part entière. L'improvisateur fait tout à la fois : comédien, metteur en scène, scénographe et auteur »
Charlotte Baheu, comédienne.

Dans la salle, les rires fusent de tous côtés. Si la séance mensuelle a pour thème la révolte par le refus et la transgression de l’ordre, les improvisateurs misent tout sur la cocasserie des situations. « Nous espérons que le public voit l'évolution d'un spectacle qui se construit sous ses yeux », confie Marjorie Blériot. Le prochain chantier est programmé mardi 16 décembre, au Cercle Paul Bert.

Avant chaque représentation, les comédiens s’entraînent au travers d’exercices. Ils en font une restitution le soir sans pour autant jouer les mêmes scènes. « L'improvisation souffre de la répétition. C'est la magie de l'éphémère », affirme Charlotte Baheu. Selon la réaction de leurs partenaires et du public, les comédiens modifient leurs choix.

« Il faut être suffisamment à l’écoute et dans le respect de l'autre pour que l'improvisation fonctionne, précise la jeune femme. Mais nous sautons sans filet, comme des voltigeurs. » Ni barrières, ni obstacles pour la Puzzle Compagnie dont les membres aiment à dire que les improvisateurs sont des insoumis.

Célian Ramis

Femmes aux TransMusicales 2014 # 4 - Cinq minutes avec Sabina

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Le Liberté, Rennes
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Survoltée et carrément rock, l'originale Sabina, de passage à Rennes pour les TransMusicales, répond à nos questions.
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Sabina Sciubba, ex-leader des Brazilian Girls, a ouvert le bal des femmes aux TransMusicales 2014, mercredi 3 décembre à l’Ubu, avec sa formation solo, Sabina. Elle répond, entre sa promo et son train, aux questions de YEGG, clôturant ainsi notre couverture du festival, pour sa 36e édition.

YEGG : Vous avez joué plusieurs années avec Brazilian Girls, aujourd’hui vous vous lancez dans un projet sous votre prénom, que vous avez présenté mercredi à l’Ubu. Vous aviez cette volonté depuis longtemps ?

Sabina : Oui, assez. Nous avons fait une pause avec Brazilian Girls. J’ai donc voulu profiter de ce temps pour moi. J’avais pas mal de chansons qui trainaient. J’ai juste eu à les cueillir !

Brazilian Girls, c’est vous et trois musiciens. Sabina, c’est vous et trois musiciens. Forte volonté de vous entourer de trois hommes à chaque fois ou pure coïncidence ?

C’est le destin ! Quoique je fasse, je termine toujours avec trois hommes ! (Rires) Non, plus sérieusement, ça s’est fait comme ça. Parmi les trois musiciens actuels, il y en a un que je connais depuis très longtemps. Les deux autres, c’est assez récent. Mais, ce n’est pas fait exprès du tout, ce n’est pas pour reprendre la structure de Brazilian Girls.

D’origine italienne, vous avez vécu en Allemagne, en France et aux Etats-Unis, et vous puisez dans chacune des langues que vous parlez pour composer vos chansons. Sacrée gymnastique…

J’espère que sur scène, ça ne donne pas l’impression d’une gymnastique car c’est très naturel chez moi. Ça correspond bien à ce qui se passe dans ma vie. Avec mon mari et mes trois enfants, je parle trois langues différentes, alors j’ai vraiment l’habitude. Comme j’ai vécu aux Etats-Unis, en France, en Allemagne… (Rires)

Dans vos chansons, vous parlez beaucoup d’amour et sur scène mercredi soir, vous faisiez un parallèle entre l’amour et la révolution. Les deux sont indissociables selon vous ?

Oui, vraiment. La révolution impulse de changer les choses au mieux. Dans un sentiment de collectivité. C’est la chose que je recherche le plus ! J’aime pour de vrai la sensation de collectivité. La symphonie entre tout le monde. Et c’est ce qui se passe avec le public quand je suis sur scène. Entre les musiciens, entre les spectateurs, entre le groupe et le public…

Côté révolution, votre tenue aux couleurs de l’Europe et votre déclaration : « Je suis l’Europe et je brûle » ont fait sensation…

(Rires) Oui forcément. En fait, c’était l’Europe mais c’était surtout abstrait. La vérité, c’est qu’un jour j’étais dans le train, j’allais de Nice à Paris. Et on est passé par Marseille. Marseille ! Une très jolie ville avec toute sa culture et son patrimoine, et tout. Et là, entre deux immeubles, je vois toute une rangée de voitures en train de brûler. J’ai trouvé ça très symbolique. Il y a quelque chose qui arrive en Europe en ce moment. Une inflammation de l’Europe. On se sent en sécurité dans cette Europe mais on n’est pas en sécurité ! Tout peut arriver d’un moment à l’autre. Comme l’amour, ça peut arriver partout, tout le temps…

On doit s’en méfier ?

Ah non surtout pas, surtout pas ! (Rires)

Pour revenir sur votre performance à l’Ubu, le live sonnait plus rock que vos chansons enregistrées. C’est une volonté pour se démarquer de ce que l’on peut entendre à la maison ?

Oui c’est vrai, c’est bien plus rock. Pour dire la vérité, je n’ai aucun contrôle là dessus. Ça devient très rock, c’est comme ça. En fait, on part en couilles ! (Rires) C’est rock et ça chauffe. C’est une forme de pouvoir qu’a la guitare. À peine on effleure la corde que ça envoie direct. Ça donne envie de partir en couilles ! (Rires)

Bon à savoir. Merci Sabina.

Merci à vous, à bientôt.

Célian Ramis

Femmes aux TransMusicales 2014 #3

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Parc expo, Rennes
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Moins nombreuses le vendredi 5 décembre, les femmes ont néanmoins défendu avec force leur style et univers musical, dans le Hall 8 du Parc expo.
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Au synthé dans Grand Blanc ou au chant dans Metà Metà , c’est dans le Hall 8 ce vendredi 5 décembre que se sont faites entendre les femmes, hélas bien minoritaires au Parc expo.

 
21h45 – GRAND BLANC – FROIDEUR ADDICTIVE

 

 

 

À peine installés, ils instaurent déjà un climat de tension dans le Hall 8. Les musiciens de Grand Blanc imposent à vitesse éclair leur univers fortement inspiré par le rock new wave des années 80. En référence, on les classe sur les traces de Joy Division mais dans la langue de Bashung et de Ferré.

Des influences qui ravissent les festivaliers qui fourmillent dans la fosse, en direction de la scène, comme attirés par la lumière. Grand Blanc a ce pouvoir d’envoûter les esprits et d’envahir les corps pour les figer, curieux de l’expérience en cours. Dégré 0 commence, la voix de Camille, également aux claviers, brise les sonorités électro et entame une chanson qui résonne comme une ode à un mal-être profond avide de torpeur.

Et c’est pour conjurer le sort et éviter la léthargie que ce nouveau groupe français prend la scène jusqu’à la posséder en l’enrobant d’une atmosphère froide et angoissante. La formation musicale joue avec les rythmes entre calme déstabilisant et accélérations brutales en réussissant à surprendre le public qui attend l’explosion des notes et qui reste en attente de sensations fortes.

« On va vous jouer un morceau qui parle de notre adolescence, de notre nullité au football et de comment on essaye de se construire… Je parle de ça parce que je crois que Rennes joue ce soir non ? », lance le chanteur. Derrière le trait d’humour, la voix tremblotante laisse apparaître la sensibilité du chanteur. Un écorché vif dans la retenue.

Il alterne le chant avec Camille, dont la voix rappelle fatalement les années 80, épousant le style vestimentaire Madonna de cette époque – ou Olivia Newton John à la fin de Grease – et tous les deux apportent un sentiment d’urgence, de précipitation sans pourtant nous saisir les entrailles. Peut-être pas encore assez abouti, on ne doute pas que Grand Blanc saura évoluer dans les eaux troubles du rock français.

 

 

 
23h20 – METÀ METÀ – MOUVANCE JAZZY

 

 

 

 

Dès la première chanson, le hall se remplit de convivialité et de chaleur. Les lumières blanches, électrisantes de Grand Blanc ont laissé la place à des lumières rouges orangées. Guitare, basse et batterie révèlent immédiatement leur puissance et la chanteuse vient y mêler son énergie vocale pour un ensemble dynamique et rafraichissant.

Les compositions très instrumentales, portées par le saxophone, nous transportent directement dans une ambiance de club. Dans un lieu intimiste, confiné. Pour mieux en exploser les murs et les frontières puisque les brésiliens de Sao Paulo sont des génies du brassage musical et culturel. Les sonorités latinos rencontrent ainsi le chant et les rythmes du Candomblé, une religion afro-brésilienne.

La samba prend des airs psychédéliques, le jazz s’enivre et flirte avec l’afro-punk dans un mélange délirant et entrainant qui laisse présager une sorte d’urgence, de précipitation, mêlée  aux chants traditionnellement adressés aux divinités. Le côté folklorique invite à une danse conviviale et festive tandis que les inspirations de rock tendu lacèrent nos entrailles. 

Les musiciens dégagent une belle énergie et transmettent inéluctablement leur passion transpirante pour le live et cet univers imaginaire et neuf. Avec Metà Métà, pas question de rester passif. On est tout le temps pris dans le mouvement. Tourbillon de fraicheur sur la scène musicale brésilienne, il ravit les spectateurs venus puiser dans les découvertes de cette édition TransMusicales.

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