Célian Ramis

Trans 2019 : Les tripes à l'air avec Lous and The Yakuza

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Après Jeanne Added et Aloïse Sauvage, c'était au tour de Lous and The Yakuza de monter sur la scène de l'Aire Libre, à l'occasion des TransMusicales 2019.
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Chaque année, aux Trans, c’est un peu le suspens : qui sera l’artiste en création à l’Aire Libre ? La réponse attise la curiosité, principalement parce que c’est sur cette scène que se propulsent certaines carrières, à l’instar par exemple de Jeanne Added ou Aloïse Sauvage. Du 4 au 8 décembre, c’est Lous and The Yakuza qui était en résidence et en concert tous les soirs à St-Jacques-de-la-Lande. 

En première partie, le duo d’Alber Jupiter nous hypnotise et nous transcende. Entièrement instrumental – guitare / batterie – et psychédélique, les musiciens renno-nantais nous envoient loin, très loin dans les étoiles en quelques morceaux post-rock.

La voix de Marie-Pierra Kakoma nous ramène directement sur notre fauteuil. « Une vie de merde, c’est juste une vie de merde. », chante-t-elle. Ce qui paraît être une évidence banale, ou une banale évidence, prend une autre tournure avec la chanteuse, autrice, compositrice de Lous and The Yakuza.

Les sujets abordés sont lourds de sens et parfois graves. Elle les interprète avec calme et légèreté. Sans jamais leur enlever cette substance sérieuse et pesante. Simplement, elle déplace le point d’impact. Capte l’attention de par son air naturellement joyeux et sa manière d’angliciser bon nombre de termes quand elle s’adresse au public. Et bam, elle frappe.

« Je sens comme un courant d’air entre les jambes de ta mère… », entame-t-elle rapidement dans son set. La prostitution ne sera pas l’unique et seul tabou qu’elle lèvera pendant le spectacle. Elle parle aussi de violences sexuelles, relatant dans une autre chanson l’histoire d’un viol, à travers le point de vue de l’agressée et le point de vue de l’agresseur. 

Et aborde également le problème du racisme. Dans le texte, elle souligne « Pourquoi le noir n’est-il pas une couleur de l’arc-en-ciel », précisant que les noir-e-s doivent sans cesse « se défendre, se taire, se débattre, se battre jusqu’à la muerte. » Face au public, elle explique : « Cette chanson, « Solo », je l’ai écrite pour les gens de ma communauté, c’est-à-dire les noir-e-s. Parce que quand on est noir-e en Europe, on fait face à beaucoup de racisme et on se sent seul-e. »

Comme un fil conducteur, la solitude traverse quasiment tous les morceaux qu’elle présente et qui figureront prochainement - au printemps 2020 - sur son premier album. Depuis quelques mois, l’artiste belge a dévoilé à plusieurs reprises son parcours de vie, relatant une période durant laquelle elle a vécu dans la rue.

Elle s’en inspire pour sa musique, qui mêle pop, r’n’b et chanson française, mais ne raconte pas précisément son vécu. Elle puise dedans, et ce qu’elle nous restitue semble plutôt appartenir à des choses de l’ordre de l’observation et du ressenti.  

Accompagnée de deux musiciens et de deux choristes, elle délivre une voix au service de ses récits. Sur le fil du rasoir, comme si elle allait dérailler. Et finalement, elle ne rompt jamais. On sent sa puissance mais la chanteuse de Lous and The Yakuza n’entre pas dans la performance vocale. Elle utilise sa voix comme instrument et moyen d’expression pour sortir le fond de ses tripes.

La proposition est sensible et joyeuse. Très entrainante, Marie-Pierra Kakuma n’hésitant pas à faire lever le public à plusieurs reprises pour le faire danser. N’hésitant pas non plus à directement aller dans le public « pour être là ensemble ».

Sa proximité surprend son audience, bousculée dans les habituelles conventions d’une salle de théâtre. Celle-ci s’en amuse et embarque même les plus sceptiques dans un spectacle basé sur le jeu de clair-obscur, autant dans la forme que dans le fond.

Célian Ramis

Dangereuses lectrices ou l'empuissancement par les mots

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Les 28 et 29 septembre, aux Ateliers du Vent, la première édition du festival de littérature féministe, articulée autour de la figure de la sorcière, n’a eu aucun mal à trouver son public.
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Il était attendu ce festival ! Début septembre déjà, plusieurs ateliers affichaient complets, les préventes réduisaient à vive allure, la soirée de soutien au Panama avait cartonné et beaucoup trépignaient d’impatience à l’idée de participer à un événement comme celui-ci, encore jamais organisé à Rennes. Les 28 et 29 septembre, aux Ateliers du Vent, la première édition du festival de littérature féministe, articulée autour de la figure de la sorcière, n’a eu aucun mal à trouver son public. 

La sorcière n’est pas la même partout. Elle n’est pas la même pour tout le monde. Mais elle est toujours marginalisée par une communauté, une société, victime d’un rapport de domination. Que nous dit l’Histoire à ce sujet ? Qui sont-elles aujourd’hui ? La sorcellerie peut-elle être source d’empuissancement ? Quel est l’impact des mots sur nos esprits et nos actions ? Sommes-nous toutes des héritières des sorcières d’hier ?

De nombreuses questions ont été soulevées les 28 et 29 septembre aux Ateliers du Vent pour cette première édition de Dangereuses lectrices. Et les réponses se sont croisées, articulées, percutées, confrontées, ont résonné, rebondi, retenti, ont fait écho à des vécus, des ressentis, des expériences, ont apporté un éclairage sur un sujet caricaturé dans la pop culture mais aussi réapproprié par certaines féministes au fil des siècles. Ou encore ont soulevé d’autres questions.

Les mots sur les maux ont été lus, joués et mis en scène, chantés, performés, discutés, théorisés, photographiés, démontrés, animés. Le politique et l’intime se sont donnés rendez-vous dans les paroles des unes et des autres. Pourquoi et en quoi la figure de la sorcière cristallise-t-elle toujours siècle après siècle le rapport de domination exercé par les hommes sur les femmes ?

VILAINE SORCIÈRE...

Nez crochus, chapeaux pointus, turlututu. On pense que la vilaine sorcière n’est attribuée qu’au monde enfantin. On se trompe. Elle influence toutes les générations. Et vise « les femmes qui a priori sont sorties du rôle attendu d’elles. », souligne Fanny Bugnon, historienne à l’université Rennes 2, lors de sa conférence « Les sorcières dans l’histoire, des procès au symbole féministe ». 

Ce samedi après-midi, elle décortique alors les images de la sorcière à travers le contexte historique. Les premières représentations, qui dateraient de 1451, sont en effet très symboliques : « Des sorcières qui chevauchent un objet emprunté à l’espace domestique, à savoir un balai ou un bâton. » 

Entre le 13esiècle et le 15esiècle, la lutte s’accélère, la grande chasse s’intensifie. Au départ, ce sont les autorités ecclésiastiques qui dénoncent les agissements des sorciers et des sorcières, puis au fil du temps, les accusées sont majoritairement des femmes et des milliers de buchers s’enflamment pour anéantir les sorcières. Elles sont pensées comme des ennemies de la chrétienté et pour cela, elles subiront de nombreuses « mises en humiliation et souffrances de leur corps. »

Instruments de la répression, les femmes vont être les boucs émissaires d’une société européenne frappée par la crise économique et politique. À la fin du Moyen-Âge, « l’économie rurale est bouleversée, la famine guette la population appauvrie, les réformes sont les prémices de la société capitaliste. La révolte gronde. L’Etat déploie la répression et l’Eglise se met en chasse contre les comportements les plus déviants. Les naissances deviennent un enjeu majeur. L’avortement et la contraception sont sévèrement punis… Les savoir-faire et les connaissances des femmes deviennent alors les cibles de la répression ». 

ACCUSÉES, CONDAMNÉES, BRÛLÉES…

Le décor est planté par le collectif L’Intruse, venu jouer ici Le procès de Péronne. On se situe dans le Nord de la France, à la fin du 17esiècle. Des rumeurs circulent sur la vieille Péronne, âgée d’environ 46 ans. Saoulée par un groupe de soldats, elle est un soir humiliée, harcelée physiquement et sexuellement. Sa faute ! déclarent les soldats, expliquant avoir été ensorcelés. 

Sans doute aussi est-elle la cause « du brouillard épais, de la pluie froide, de la gelée qui ravage les récoltes, des orages, des mouches, des maladies, de la lèpre, la peste, des entrailles qui pourrissent » car « c’est évident, c’est un signe du malin. » 

Les deux comédiennes, Camille Candelier et Anna Wessel, interprètent tour à tour les protagonistes du procès en sorcellerie de Péronne. Tantôt fonctionnaires qui complotent, tantôt voisines qui commèrent, elles nous emmènent avec humour et talent dans l’obscurité de l’esprit humain et patriarcal, démontrant l’aisance et la pression avec laquelle les « puissants » de l’époque tricotaient leur manipulatrice influence, allant jusqu’à faire avouer à des femmes leurs accouplements avec le démon.

« On les torture pour les faire avouer leur coït avec le diable. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque, la Justice est uniquement composée d’hommes. Et puis il y a ce rapport à la bestialité, à la sexualité. Le bourreau recherche la marque du diable. C’est le signe qu’elle a été possédée par le démon. Si elles connaissent le diable, cela veut dire qu’elles peuvent enfanter des êtres maléfiques. », précise Fanny Bugnon, dont les contenus résonnent avec la pièce de théâtre, le soir même. Elle poursuit :

« La mort ne suffit pas. Par le feu, on purifie le corps social. Parfois, la sorcière n’est pas tuée, elle est bannie. Mais le plus souvent, elle est exécutée, brûlée vive, étranglée… Leurs noms ne figurent pas dans les registres des décès et leurs biens sont confisqués. Elles sont considérées comme païennes, vicieuses, marginales, elles sont célibataires ou non, mais toujours pécheresses. Pour ça, on leur retire leur existence. »

QUE SONT-ELLES DEVENUES ?

Au 18esiècle, la chasse aux sorcières ne disparaît pas réellement. « La sorcellerie devient le monde de l’empoisonnement. Ce sont encore les femmes : les empoisonneuses, les infanticides (le sujet dans sa globalité fait l’œuvre d’un ouvrage collectif, auquel a participé Fanny Bugnon, intitulé Présumées coupables – les grands procès faits aux femmes, ndlr). On va oublier les sorcières et elles vont revenir à la postérité. », souligne l’historienne. 

Dès la fin du 19e, elles réapparaissent. Dans l’essai La Sorcière, écrit par Jules Michelet en 1862 mais aussi le film musical Le magicien d’Oz, la série Ma sorcière bien aimée, le livre jeunesse La sorcière de la rue Mouffetard ou encore un peu plus tard, le film d’animation Kirikou et la sorcière. Entre autre. 

« Dans Merlin l’enchanteur, sorti en 1963, Madame Mim est laide, vieille, elle fait peur. Elle est l’archétype de la vieille sorcière aux pouvoirs maléfiques. Mais les sorcières reviennent aussi dans le monde féministe avec, dans les années 70, la revue Sorcières par exemple. Elles sont des figures d’empowerment car elles sont des femmes qui échappent aux hommes. Les sorcières sont la métaphore de la condition des femmes. Elles sont des femmes qui peuvent, j’ai envie de le croire, réenchanter le monde. », conclut Fanny Bugnon. 

QUI SONT LES SORCIÈRES ?

Plusieurs centaines d’années après la chasse aux sorcières, elles sont nombreuses les militantes à se revendiquer héritières des sorcières d’hier. Et si on attribue souvent ce retour sur le devant de la scène à Mona Chollet grâce à son brillant essai Sorcières – la puissance invaincue des femmes, on néglige et on méconnait alors tous les mouvements qui existent depuis longtemps, aux quatre coins du monde. 

L’autrice Laura Nsafou, dans sa conférence « Soucougnan, sukunabe, deum– Transversalité de la figure de la « sorcière » dans la diaspora africaine », attire l’attention du public, dans un premier temps, sur la barrière de la langue. Car « sorcière » est terme européen. « Si on traduit ce mot français, on n’obtiendra pas la même signification aux Antilles ou en Afrique, ni même d’un pays à l’autre. », précise-t-elle. 

Il est important de décoloniser le vocabulaire, fondé sur une méconnaissance absolue des religions et des croyances des pays colonisés. 

« Le surnaturel est très présent dans la diaspora africaine. Mais il y a eu une diabolisation qui a commencé lors des périodes de la colonisation. Le vaudou, par exemple, on le retrouve énormément dans la fiction occidentale. On parle de magie noire. De magie qui tue. Le vaudou est une vraie religion qui signifie « mettre en paix ». »
explique Laura Nsafou.

Elle exprime sa fatigue face à ce processus de diabolisation permanente : « L’imaginaire blanc qui catégorise ces religions a des conséquences sur la manière dont les personnes concernées le vivent. » 

Encore aujourd’hui marginalisées et stigmatisées, les conséquences sont immenses et souvent passés sous silence dans les médias. Elle mentionne par exemple les camps de sorcières dans lesquels vivent les femmes accusées, par leurs entourages, de sorcellerie. Les camps sont insalubres et des maltraitances y sont subies.

« Mais sur ce sujet, je n’ai pas trouvé beaucoup de sources pour le moment. Que des articles en anglais. », souligne-t-elle.

Autre exemple : les persécutions se poursuivent pour les adeptes du candomblé, une des religions afro-brésiliennes, qui voient leurs lieux de culte réduits à néant. Et d’un autre côté, sans vergogne, les Occidentaux-tales se réapproprient les rituels des peuples minorisés, sans se soucier de la pertinence et de ce que cela représente pour eux/elles.  

L’autrice insiste, il est nécessaire de se situer et de se questionner : « C’est comme pour l’exotisation des corps des femmes noires. En littérature, la présence des corps noirs a commencé par la littérature de voyage à destination des hommes blancs. Pour les divertir et non pas pour les informer. Il fallait le rendre attrayant pour le regard blanc occidental. Quand la représentation est produite par des non concerné-e-s, elle devient une caricature, un divertissement aux dépens des concerné-e-s. Le discours devient alors marginalisant. »

TOUTES DES SORCIÈRES ?

Qui sont les sorcières et que signifie le fait de se revendiquer descendantes de sorcières ou sorcières tout court ? La table ronde réunissant Camille Ducellier, artiste multimédia, Taous Merakchi (alias Jack Parler), autrice et rédactrice, et Maureen Wingrove (alias Diglee), illustratrice et autrice, a permis de poursuivre le propos de Laura Nsafou, dans le fait de se situer.

Ainsi, les trois femmes ne se définissent pas toutes sorcières et composent ensemble, pendant cette rencontre, autour de leurs différents points de vue, qui parfois se complètent, parfois s’opposent et parfois se rejoignent.

Diglee, elle, n’est pas une sorcière. Elle nuance : elle est passionnée et curieuse de l’archétype de la sorcière. Elle ne pratique pas, ou très rarement, elle préfère écouter les récits de pratique. Taous Merakchi parle quant à elle de spiritualité alternative car elle ne sait pas encore précisément où se situe le politique et où se situe le spirituel dans sa pratique. Et Camille Ducellier explique qu’il lui arrive, parmi son « millefeuille identitaire », de se définir comme sorcière. 

« Ça m’a réconciliée et aidée d’avoir un terme. Passionnée par les cultures ésotériques et baignée dans une culture féministe, ça m’a donné un trait d’union entre tout ça. Se dire lesbienne, queer, sorcière… C’est la puissance du verbe. Se dire quelque chose, c’est déjà un acte ! Je me sens sorcière queer, ça a une dimension politique. Ma vie de gouine et ma vie de queer font que j’ai des pratiques marginales qui se rajoutent encore… »
signale-t-elle. 

A chacune, la sorcellerie apporte, de manière différente. Diglee, passionnée au départ par la connaissance des minéraux, veut comprendre ce qu’est la magie. « Mais dans le milieu ésotérique, le sexisme est roi, comme partout ailleurs. Il y a peu de femmes, peu de personnes racisées. Pour m’informer, je vais dans un tas de conférences sur le sujet, elles sont souvent animées par des hommes qui catégorisent la haute magie comme étant celle héritée de l’église donc pour les hommes et la sorcellerie, héritée des femmes donc intuitive et instinctive. Je veux comprendre ce qu’est la magie. Mais quand on est une femme, c’est difficile. Alors que je ne suis pas non plus du genre « féminin sacré ». Attention, c’est bien de revaloriser les qualités du féminin. Mais il faut qu’on puisse aussi conquérir les qualités du masculin ! Je veux me sentir humain avant d’être femme, ce qui est totalement illusoire. », déclame-t-elle. 

Pour Taous Merakchi, la sorcellerie intervient sur un plan personnel et intime : « Revenir à moi-même, qui je suis, comment avancer avec les outils que j’ai déjà. Moi, je ne suis pas à plaindre du tout. C’est pour ça que ça ne m’appartient pas la définition de sorcière. Je ne suis pas prioritaire, il y a bien plus marginalisée que moi. »

Là où elles tombent toutes d’accord, c’est sur la source d’empuissancement que cela crée, peu importe si la personne se définit ou non sorcière. L’accès à l’information amène sur le chemin de la déconstruction. Que ce soit avec le livre de Mona Chollet, celui de Camille Ducellier intitulé Guide pratique du féminisme divinatoire, celui de Jack Parker et Diglee intitulé Grimoire de la sorcière moderneou encore à travers les réseaux sociaux. 

« Ma déconstruction a commencé sur internet. Pour comprendre où était le problème et construire ma vision de la féminité. De ma féminité. Le féminin n’est pas sacré par essence. » précise Taous Merakchi, rejointe par Maureen Wingrove : 

« Le collectif est porteur. Ça a été avéré qu’un groupe dégage une énergie. Quand il y a du nombre et de l’émotion, ça circule et ça fait du bien que ce soit psychologique, magique ou autre. On sent que quelque chose agit, quelque chose se passe. »

Camille Ducellier, elle, croit également que cette énergie, source d’empuissancement car source de transformation, ne doit pas rester au niveau individuel. Politiser le mouvement mais aussi le sortir des normes que l’on ne connaît que trop bien.

« Les américaines par exemple sont plus tournées vers l’action. En France, on est très accroché-e-s à la parole, l’analyse, la critique, etc. C’est très bien mais ce n’est pas la seule manière de comprendre le monde. La psychanalyse, l’ésotérisme et le féminisme sont trois systèmes symboliques que j’aime et que j’essaye de faire dialoguer. », souligne-t-elle. 

À CHACUNE SES RITUELS

La table ronde, au large succès, n’apporte pas de réponse concernant la définition précise de ce qu’est une sorcière aujourd’hui. Elle nous incite plutôt à nous questionner sur nos propres attentes et pratiques, nous déculpabilisant grâce à une phrase de Camille Ducellier :

« Je pars du principe que si on se sent intimement en lien avec cet héritage, on peut se définir sorcière si on a envie. C’est un va et vient entre le passé, le présent et le futur. Les événements ont été effacés par le patriarcat, confisqués par le colonialisme. Aujourd’hui encore, il y a des femmes stigmatisées, des femmes considérées comme des « mauvaises femmes ». On peut se sentir connectées à cet héritage. »

Cet héritage, Liz Viloria le met en partage et en résonnance lors d’une performance qui se déroule à la nuit tombée sur le parvis des Ateliers du Vent. L’instant est solennel, une bougie est allumée, quatre personnes attisent la curiosité des festivalier-e-s qui, petit à petit, forment un cercle autour d’elles. On pense évidemment à l’exécution d’un rite magique.

Liz Viloria travaille sur une thèse, à l’université Rennes 2, en littérature comparée portant sur le statut des femmes dans les Caraïbes. « L’idée de la performance est née de mon parcours académique car je me suis rendu compte que mis à part le fait que le travail intellectuel est très solitaire, sa portée est limitée à un public restreint et plutôt spécialisé », explique-t-elle.

Sa performance, Calíbana,vient de son envie de partager les outils acquis auprès de tou-te-s les autrices et auteurs « écrivant au service de la déconstruction de la notion patriarcale du statut Femme. » Initialement réalisée en Colombie sur la thématique de la sexualité féminine, elle a eu lieu la première fois devant la cathédrale de Barranquilla : 

« Sans que ceci ne soit voulu, aux yeux des spectateurs, la représentation parut comme un rite sorcier. Malgré les préjugés, les personnes (dont la police) sont venues regarder intriguées, curieuses et bienveillantes. »

Dans Calíbana, le sujet change selon l’occasion. Pour le festival Dangereuses lectrices, une nouvelle équipe s’est constituée et la thématique s’est portée sur la figure de la sorcière. Pendant un mois, ielles se sont retrouvées pour faire des cercles, travailler sur les rapports au corps mais aussi à leur lignée féminine, ainsi que les rapports aux arcanes majeurs du Tarot « qui dans la performance viennent représenter les différents archétypes présents dans l’inconscient collectif. »

Liz Viloria poursuit :

« Parmi ces archétypes, la sorcière est la femme savante, celle qui sait, qui lit, qui détient différents savoirs, la sorcière se perçoit elle même comme un organisme qui fait parti de la nature, qui connaît ses rythmes et qui écoute et connaît son corps. Cette connaissance ne vient pas du monde extérieur. »

Pour se préparer, elle a donc puisé dans son univers personnel, qu’elle a ensuite mis en partage et en résonnance avec les expériences des trois autres membres de l’équipe.

« Je viens d’une culture dont le rapport à ces rythmes est toujours présent : du citron avec de l’eau chaude le matin pour alcaliniser le corps, couper les légumes avec les mains et non avec des couteaux afin de garder leur texture pour la cuisson, nettoyer la maison avec de la sauge une fois par mois… Ce sont des petits rituels qui, au delà de leurs effets sur le monde extérieur, organisent la vie intérieure de la personne qui pratique : les rituels aident au bien vivre. Pendant le mois de préparation, on a partagé des rituels, certains nouveaux, d’autres déjà appris au cours de nos vies… On se déconstruit et se resignifie en prenant conscience de l’immersion du corps propre dans le monde quotidien. Dans cette édition, Laura Zylberyng (française), Jason-Jasmine Fortheringham (australien-ne), Touré Mayalan (guinéenne) et moi-même, portant le poids de la culture de quatre continents différents, avons décelé des points en commun dans l’assomption du corps propre et dans la construction de ce que Femme peut signifier. », analyse Liz Viloria. 

SORTIR DE LA NORME HÉTÉRO-CIS-BLANCHE

Ainsi, le festival Dangereuses lectrices met en avant et en perspective des expériences sensibles, des récits de vie, des théories féministes, des héritages, des vécus et ressentis, qui s’expriment à travers chacun-e de manière et sous des formes différentes. Il y a les conférences et tables rondes, des ateliers, mais aussi du théâtre, une performance, la projection d’un film, une lecture, un concert… 

Les arts sont porteurs de paroles et de points de vue. Et ici, ils prennent évidemment un sens militant et politique, même si on peut s’en détacher pour n’y voir que de l’informatif et du divertissement (intelligent). 

Le mélange des genres et des styles est exaltant durant ce week-end aux Ateliers du Vent. Il suffit de tendre l’oreille pour entendre des propositions enthousiasmantes comme la lecture de Lizzie Crowdagger, spécialiste des histoires fantastiques et de fantasy avec des vampires motardes, des sorcières lesbiennes et des punks garous. 

Elle lit des extraits de trois de ses ouvrages parmi lesquels figurent Enfant de Mars et de Vénus, une enquête fantastique avec une lesbienne motarde, une camionneuse trans, du surnaturel et des morts, Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires),un roman de fantasy avec des lesbiennes vampires à moto, et La sorcellerie est un sport de combat, dans lequel le balai est une Clio un peu particulière. 

L’autrice prouve que d’autres personnages et récits sont possibles et que les sorcières sont tout aussi plurielles et multiples que les autres. Elle s’affranchit des assignations et casse les normes d’un genre littéraire codifié au masculin, et pré supposé hétérosexuel. Tout comme le cabinet d’intimité nous invite à observer des sexes, photographiés en noir et blanc, en oubliant totalement l’étiquette binaire assignée par l’organe, Homme ou Femme. 

ÉCRITURE POIGNANTE

Petit à petit, l’enchainement des expressions permet de mieux comprendre le fonctionnement des systèmes d’oppression et au fil du temps, et des investissements, de nous déconstruire nous-mêmes. Dangereuses lectrices participe grandement à cette exploration et analyse, aussi personnelle que collective. 

Mais incontestablement, pour nous, c’est le concert de Petra Pied de Biche qui marque nos esprits. Sans détours, l’artiste clame sa Rage de raison, du nom de son dernier album. Un vrai coup de poing dans la gueule. 

Son écriture brute, la violence de ses récits et vécus, son regard très franc souvent accompagné d’un large sourire, le rythme percutant de ses musiques nous hypnotisent complètement. Quand Petra Pied de Biche s’exprime, on la boucle et on l’écoute. 

Témoignage du racisme latent vécu au quotidien, témoignage des jugements incessants quant à ses choix de vie, témoignage du sexisme ambiant mais aussi culture du viol, exploitation des travailleur-euse-s, minimisation des faits et des ressentis, l’artiste dénonce avec talent et engagement et secoue les mentalités. Parce qu’il y a urgence à écouter et à prendre en compte les discours des personnes concerné-e-s. 

Par le biais de la littérature sous ses formes diverses, le festival Dangereuses lectrices a convoqué l’âme des révolté-e-s. Révolté-e-s parce que marginalisé-e-s en raison de leur sexe, de leur apparence, de leur orientation sexuelle, de leur couleur de peau, de leur identité de genre, de leurs choix de vie, etc. 

Sorcières ou pas, une chose est sure : les femmes qui lisent sont dangereuses. Tout comme les femmes qui écrivent sont dangereuses. Alors, patriarcat, gare à ton cul. Les Dangereuses lectrices entendent bien être libres. 

Célian Ramis

Parité dans les festivals : ça rame sévère...

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Le manque de parité dans l’organisation d’un événement tel qu’un festival de musique, c’est le constat que dresse l’équipe du Don Jigi Fest, dont la 8e édition s’est déroulée les 3 et 4 mai à Vitré.
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Le manque de parité dans l’organisation d’un événement tel qu’un festival de musique, c’est le constat que dresse l’équipe qui gère bénévolement le Don Jigi Fest, dont la 8édition s’est déroulée les 3 et 4 mai à Vitré. 

Il existe un exercice simple : se rendre sur les sites internet des festivals et compter combien de femmes apparaissent dans la programmation. En 2019, elles sont 33 sur 80 groupes invités aux Francofolies, 25 sur 79 groupes invités à Solidays, 14 sur 40 groupes invités au Bout du monde, 24 sur 73 groupes invités aux Vieilles Charrues, 5 sur 22 groupes invités au festival du Roi Arthur et 3 sur 17 groupes invités au Don Jigi Fest.

Pas besoin d’être un-e génie des mathématiques pour comprendre qu’elles sont largement minoritaires, ça saute aux yeux. En revanche, ce que le grand public remarque moins en général, c’est le déséquilibre qui règne également au sein des équipes organisatrices. Et ça, les membres du Don Jigi Fest le réalisent depuis plusieurs mois.

« Même avant cette édition-là, on sentait, rien qu’en regardant notre organigramme, le clivage des hommes à la technique et des femmes à la restauration. », explique Esther Rejai, rejointe par Mael Gerault : « Dans le bureau, c’est flagrant. Il n’y a qu’une seule femme et elle est en co-présidence. Depuis le début du festival, il n’y a eu que 2 femmes, toujours en co-présidence. » 

LA PRISE DE CONSCIENCE

Dans les bénévoles figurent 51% de femmes et 49% d’hommes, dans l’équipe organisatrice (bénévole elle aussi), 35% de femmes et 65% d’hommes. Autres éléments : 8 femmes et 17 garçons dirigent les 25 commissions. Sur le tremplin organisé, 36 artistes, 0 femme.

« On voyait bien qu’il y avait plus de mecs que de nanas mais on ne s’en rendait pas compte à ce point. On réalise maintenant parce qu’on a ouvert le débat entre nous. », souligne Mael. Esther rebondit sur les propos : 

« Les filles l’avaient déjà réalisé avant. Par exemple, c’est assez flagrant que quand on mange tous ensemble, souvent les gars partent et laissent leurs trucs et les meufs font la vaisselle. C’est fou ! Et quand on creuse, on se dit que ça nous concerne nous mais aussi plus globalement le secteur de l’événementiel et ça amène à se poser la question sur plein d’autres domaines : le cinéma, la musique, etc. ? » 

Si pour l’heure, les organisatrices-teurs n’ont pas encore défini de solutions concrètes, ielles ont tout de même lancé la réflexion, tout d’abord afin d’identifier les causes et les freins autour de cette problématique.

COMPRENDRE LE DÉSÉQUILIBRE

« La construction de la personnalité est fortement dépendante de l’éducation, de l’entourage et du parcours de chaque individu. Les mentalités évoluent mais il me semble que l’image de la femme est encore enfermée dans des carcans, et ceux dès le plus jeune âge », répond Laura Gautier qui analyse ici, de la même manière que Roxana Rejai, l’influence des stéréotypes de genres transmis par l’éducation et les représentations. 

Ainsi, les femmes osent moins se positionner sur des postes à responsabilité et les hommes « qui ne sont pas forcément prêts à intégrer n’importe quelle fille » alors que finalement les compétences s’acquièrent « au fur et à mesure sur le terrain ». 

Mais alors comment inciter davantage les femmes à investir les commissions et les postes à responsabilités encore largement dominés par les hommes ? Pour Laura Gautier, l’équipe organisatrice a un rôle à jouer. Car elle sait anticiper les besoins, prévoir la logistique et fédérer autour d’elle.

« Les plus jeunes bénévoles peuvent se découvrir ces qualités au fur et à mesure des années et peuvent être tentés par l’expérience, si on vient les chercher. Des encouragements réguliers et de la reconnaissance permettent aux jeunes de gagner en confiance en soi, et donc de s’investir un peu plus l’année suivante. Ça a été le cas pour moi, je n’ai pas souhaité de prime abord, devenir « responsable » d’une commission, mais on m’a sollicité et insisté pour le faire. », explique-t-elle. 

L’EMPOWERMENT, ÉTAPE NÉCESSAIRE

On note, dans tous les secteurs de la société, que là où les garçons foncent et apprennent sur le tas, les filles, elles, ne s’engagent souvent que dans des domaines dans lesquels elles sont sures de ne pas échouer. Parce que dans l’apprentissage des filles, la curiosité et l’expérimentation sont rarement mises en avant et développées.

Encourager les filles et les femmes à essayer, à entreprendre par elles-mêmes des choses que l’on conjugue davantage au masculin qu’au féminin, est souvent une étape nécessaire pour s’orienter vers la mixité et la parité. Une étape qui doit aller de pair avec l’éducation des garçons :

« Je suis la seule fille depuis plusieurs années (dans la commission moyens généraux, ndlr).N’étant pas forcément bricoleuse, ce n’est pas simple d’évoluer dans ce milieu et de faire passer ses idées dans une équipe entièrement composée de garçons avec des personnalités parfois imposantes. Je pense que c’est une commission que peu de filles souhaitent intégrer ne se sentant pas légitime alors que c’est faux et que la logistique du festival est complètement accessible à tous. », souligne Roxana Rejai, qui poursuit : 

« Je trouve aussi que j’ai davantage le sentiment de devoir « ne pas me laisser faire » au milieu de cette équipe de garçons, plus que si cela avait été une équipe de filles. Cela se retrouve aussi dans l’équipe technique. Je pense qu’il y a une part à jouer par les responsables techniques mais aussi un discours à tenir de leur part pour peut-être plus insister sur le fait que ces commissions sont ouvertes à tous et à TOUTES (ce qui n’est aujourd’hui pas franchement le cas). »

Mael Gerault est co-responsable en restauration au sein du festival. Il constate qu’en 2019, pour la première fois, l’équipe chargée de la restauration a basculé dans une majorité masculine, tandis que les années précédentes, il n’y avait quasiment que des femmes.

UNE QUESTION MAJEURE RELÉGUÉE AU SECOND PLAN…

De manière générale, il souligne « le principal problème de l’événementiel associatif », à savoir « de recruter des personnes compétentes acceptant de donner gratuitement de leur temps. » Ainsi, « la question de l’égalité des sexes est potentiellement reléguée au rang des questions secondaires. »

Et pourtant, on ne peut ignorer cette problématique, non spécifique à l’organisation d’un festival mais plus largement très présente et pesante dans la société patriarcale actuelle. La conséquence d’une organisation déséquilibrée en terme de parité étant son influence sur la programmation. Car on peut supposer que si la question reste secondaire en interne, elle ne sera pas non plus éludée dans l’élaboration de la programmation.

En 2015, le site 99 scènes avait supprimé les noms des artistes hommes des affiches de 13 grands festivals internationaux. Résultat : des affiches quasi vides, voire complètement vides. Quatre ans plus tard, et bon nombre de débats sur la place des femmes dans les arts et la culture plus tard, l’évolution est lente et minime. 

Peu de festivals peuvent se vanter d’avoir une programmation paritaire, encore moins une programmation paritaire plusieurs années de suite, et encore moins une programmation paritaire représentative de la population car non la population n’est pas composée que d’hommes blancs cisgenres hétérosexuels.

PASSAGE À L’ACTION… IL Y A URGENCE ! 

Il est donc plus que nécessaire d’interroger les représentations genrées dans les différents corps de métiers qui composent l’organisation d’un festival, les circuits de diffusion des artistes, les choix éditoriaux lors de la création de la programmation mais aussi les responsabilités politiques et la distribution d’aides financières.

Comme le signale Roxana Rejai en conclusion, il est important de s’équiper d’une vigilance absolue et de créer des espaces dans lesquels chacun-e trouve sa place et puisse s’épanouir :

« On a quand même aujourd’hui beaucoup de bénévoles filles qui prennent des responsabilités, qui sont présentes sur le terrain durant le montage et le démontage, qui sont partantes pour différentes tâches qui naturellement pourraient être associées à des tâches masculines (exemple : création de décor, terrassage, bâcheage, montage de barnums… etc.). Je trouve aussi qu’il y a une place égale qui leur est donnée dans les discussions, dans les réunions, on a très peu de réflexions sexistes à ce niveau-là, toutes les idées sont bonnes à prendre qu’elles viennent d’un garçon ou d’une fille. Le vrai point de vigilance selon moi est cette question d’équilibre au sein du bureau et de cette prise de responsabilité supérieure que les filles n’osent pas demandées ou qu’elles ont intégré d’elles-mêmes comme n’étant pas pour elles. Est-ce qu’on leur laisse un espace pour se présenter ? Pas sûr non plus… »

Heureusement, sur notre territoire, le mouvement HF œuvre à la mise en place d’actions concrètes à développer pour faciliter et privilégier l’égalité entre les femmes et les hommes, et accompagne les volontaires qui s’interrogent et pointent un déséquilibre, à l’instar des organisatrices-teurs du Don Jigi Fest. Un pas que très peu de structures entreprennent malheureusement, alors que ce pas est décisif pour équilibrer la balance.

 

 

Célian Ramis

Dangereuses lectrices, un festival qui rime avec féminismes

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Ateliers du Vent, Rennes
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Les 28 et 29 septembre prochains, aux Ateliers du Vent, aura lieu la première édition du festival littéraire féministe Dangereuses lectrices, porté par l’association CLIT à Rennes. Interview.
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Les 28 et 29 septembre prochains, aux Ateliers du Vent, aura lieu la première édition du festival littéraire féministe Dangereuses lectrices, porté par l’association CLIT à Rennes. Camille Ceysson et Emilie Cherbonnel, respectivement présidente et membre active de la structure, nous parlent de l’organisation. 

YEGG : Qu’est-ce qui a motivé l’envie de créer ce festival ? 

Dangereuses lectrices : Dans le collectif, on est plusieurs à s’est rencontré-e-s en faisant du roller derby, qui est un sport militant mais qui l’est de moins en moins à mon sens et au sens d’autres personnes dans l’association. On avait envie de continuer à militer et en réfléchissant on s’est dit qu’on aimait les livres et qu’on aimait le féminisme donc pourquoi pas un festival autour de la littérature et du féminisme. Tout simplement. Certaines d’entre nous travaillent dans le spectacle vivant, c’était une forme appropriée parce qu’on savait déjà comment faire, on avait déjà les compétences. Ça nous a bien aidé. Puis on a lancé un appel aux copines qui avaient envie de nous rejoindre et aujourd’hui on est une dizaine.

Monter un festival comme celui-là, est-ce que ça répond à un besoin, à un manque sur le territoire rennais mais aussi plus largement breton, voire encore plus largement puisqu’il n’existe pas d’autres festivals comme celui-ci en France ?

Sur la région, il n’y en a pas a priori. Il y a pas mal de festivals autour du livre, ça c’est sûr. Il y a pu aussi avoir des événements féministes comme avec Gast, dans le Finistère, mais Gast a disparu. Il y a aussi eu une édition de la Ladyfest. Je ne sais pas si le public rennais pense qu’il y a un manque mais en tout cas ça n’existait pas. Même au niveau national, il y a des festivals féministes mais j’ai pas l’impression qu’il y ait des propositions sur le texte. Nous, on a choisi cette forme aussi parce qu’elle nous permet de déborder. Il n’y aura pas que du livre. On pourra parler de féminisme en sensibilisant un assez grand public.

L’objectif est de toucher au-delà du public très convaincu, très féminin. L’entrée livres, on espère, permet de faire venir des gens intéressés par la thématique qui vont avoir envie de venir rencontrer une autrice en particulier et puis qui repartiront un peu plus féministes, un peu plus militants. On croise les publics littéraires, les publics féministes et les publics sur la thématique de la sorcière, qui est aussi une thématique qui peut amener un autre type de public.

Avant qu’on parle de cette thématique précisément, on voit dans les festivals littéraires que ce qui manque, ce sont des gens qui programment des femmes. Les femmes sont des lectrices, les bénévoles qui aident à l’organisation sont des femmes…

Les libraires sont des femmes, les éditrices sont des femmes…

On les voit surtout du côté jeunesse mais dans le roman, la fantasy, la SF… Elles disparaissent…

Oui, nous on a envie de mettre en valeur la création féminine et féministe. Parce que oui, c’est toujours un manque. Ne serait-ce que l’objectif de la mixité, on voit que c’est un cauchemar… Quand on voit le festival d’Avignon l’année dernière qui s’est prévalu de mixité alors qu’en fait il n’arrivait même pas à 30%. Mais c’était énorme par rapport aux autres… Cette année, je crois qu’un festival de musique arrive à la parité sur sa programmation. C’est bien mais ça devrait être comme ça tout le temps. Alors, voilà, nous on sera pas à la parité du tout parce qu’on a que des femmes !

Comment est-ce reçu par les collectivités ? Comprennent-elles l’importance de ce type de festival ? 

C’est en cours… Les collectivités en règle générale sont assez ouvertes au projet. On a eu assez peu de réflexions là-dessus. Ponctuellement, on nous dit « Mais vous êtes ouvertes à la mixité ? » et là on se dit que dans l’autre sens, on ne pose la question. Sur notre sujet, qui est le féminisme, on préférera toujours programmer une femme. Ça ne veut pas dire qu’on n’invitera jamais aucun homme mais c’est juste que sur le sujet, ce sont les femmes qui sont les plus compétentes.

Mais c’est plutôt bien reçu par les collectivités car ça leur va en ce moment. Ça peut leur rendre service de communiquer sur le fait qu’ils soutiennent des événements féministes. Enfin, ce n’est pas encore le cas car nous n’avons pas encore de subventions publiques (l’interview a été réalisée le 17 avril, ndlr) mais ce n’est pas impossible.

Notamment, Rennes qui est dans une démarche à ce niveau-là, en étant adhérente d’HF Bretagne par exemple. Il y a une volonté, même au niveau des noms des rues, etc. On est dans un bon moment et les collectivités en sont tout à fait conscientes et ça peut jouer en notre faveur. Mais, là pour l’instant, nous n’avons pas de subventions publiques. 

C’est financé uniquement par HelloAsso pour le moment ? 

En grande partie oui. La campagne dure jusqu’au 13 mai. Aujourd’hui, on est à 86% de l’objectif, il ne faut pas lâcher l’effort. Le plus sera du bonus (l'objectif a été atteint à 120%, ndlr). Forcément, ça crédibilise auprès des partenaires de montrer qu’on a réussi à lever cette somme juste sur l’intérêt que les gens peuvent avoir. Et puis c’est d’autant plus important que la majorité des propositions sont à prix libre. Donc on compte sur un peu de billetterie mais ce n’est pas ça qui financera le festival.

Pour les autrices et les éditrices que vous contactez, est-ce nouveau qu’on leur propose un festival littéraire féministe ? Ou celles que vous avez approchées sont toutes militantes ? 

Oui, elles sont militantes et bien enthousiastes. On a approché que des personnes qui ont un discours ouvertement féministes. C’est important qu’on soit raccords sur les mêmes valeurs et puis que, elles, elles ne se sentent pas piégées en arrivant dans un événement qui est militant alors que elles, elles ne le sont pas. On a eu un seul refus pour des questions de disponibilité mais globalement elles sont toutes très enthousiastes.

Comment avez-vous structuré la programmation ? Si tout n’est pas autour du livre comme vous l’avez dit, peut-on imaginer des spectacles (qui restent autour du texte) ? 

Oui, tout à fait. Tout reste autour du texte mais sous différentes formes. L’idée est d’avoir des temps forts avec des rencontres avec des autrices. Il y a aussi des universitaires comme Fanny Bugnon qui vont venir. Des tables rondes aussi, des moments de lectures, de dédicaces, de toutes les choses qu’on trouve dans un festival littéraire classique, des avant-premières de sortie d’ouvrages (Tarmasz qui sortira Alma en avant-première au festival).

En soirée, on va proposer une pièce de théâtre, en rapport avec la thématique, et après il y aura un plateau musical et le dimanche on proposera une projection de film parce que le film du dimanche soir c’est un peu sacré. Pour terminer le week-end, c’est sympa. Il y aura aussi des ateliers, d’écriture notamment, un atelier avec Rozenn Moro sur comment débusquer le sexisme dans la littérature jeunesse qui sera un atelier plutôt destiné aux parents. Et un brunch, comme tous les derniers dimanches du mois aux Ateliers du vent. 

Vous faites attention à la question de l’accessibilité pour toutes et pour tous, j’imagine que vous faites aussi attention à la question de l’intersectionnalité ? 

Autant que possible oui. C’est jamais simple, on ne veut pas programmer des gens pour être une caution. On travaille sur une proposition avec l’association déCONSTRUIRE.

Au niveau de la thématique choisie, on aborde la figure de la sorcière ou les sorcières ?

C’est quand même surtout la sorcière. La sorcière qui est la femme dangereuse, parce qu’elle sait des choses, parce qu’elle a un comportement hors norme, un mode de vie qui est différent et qui fait qu’on la met au banc de la société. C’est une thématique qui est dans l’air du temps avec l’essai de Mona Chollet qui a bien sûr nourri notre réflexion mais ça fait longtemps que la sorcière est une figure revendiquée par les féministes.

Les féministes italiennes dans les années 70 avaient beaucoup utilisé ça, la revue Sorcière, Michelet aussi dans son essai sur la sorcière pose déjà la sorcière comme une femme victime des hommes parce qu’elle ne correspond pas à la morale catholique de l’époque. Ça nous semblait de bonne augure pour une première édition. C’est une thématique qui permet plein de trucs parce qu’elle est aussi dans la pop culture, ça touche tout le monde pour le coup. De la littérature jeunesse jusqu’au roman, en passant par le cinéma, les travaux universitaires, etc. 

Au niveau de l’accessibilité, il y a aussi le croisement des genres. Les autrices ne sont pas cantonnées à la jeunesse, elles investissent tous les genres de la littérature…

Oui, l’idée c’est vraiment d’avoir un panel le plus large possible pour pouvoir inviter un plus grand public aussi.

Les conférences sont orientées sur les autrices qui parlent de leurs œuvres ? 

Pas uniquement. L’idée, c’est aussi de les faire dialoguer entre elles sur leurs visions du féminisme. On annoncera toute la programmation en juin. On n’a pas de date précise pour le moment mais l’idée est de faire l’annonce avant l’été. Pareil pour l’appel à bénévoles.

Merci beaucoup, des choses à ajouter ?

On peut ajouter qu’il y aura un village associatif présent tout le week-end, avec des associations amies car on est plus fort-e-s à plusieurs et on se nourrit des un-e-s et des autres. Et puis il y a aura des surprises, des animations, des temps de lecture, plein de petites choses qui vont venir émailler les propositions. Si des gens veulent être partenaires, sponsors, on est hyper ouvertes à toutes les propositions ! 

 

 

 

 

Mythos

Mythos : 20 ans et des places à gagner

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Du 15 au 24 avril, le festival des arts de la parole fête ses 20 printemps à Rennes, dans le parc du Thabor mais aussi dans les salles culturelles de la capitale bretonne et de ses environs.
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Du 15 au 24 avril, le festival des arts de la parole fête ses 20 printemps à Rennes, dans le parc du Thabor mais aussi dans les salles culturelles de la capitale bretonne et de ses environs.

L’édition promet d’être riche tant dans les découvertes que dans les habitués du festival. Et les artistes féminines auront voix au chapitre durant ses 10 ans dédiés aux arts de la parole. De Dorothé Munyaneza à Stéphanie Chêne en passant par Marine Bachelot, Léone Louis ou encore Adèle Zouane, pour le théâtre, et de Izia à Claire Diterzi en passant par Jain, Deluxe et Jeanne Added, pour la musique, le programme varie les plaisirs.

Des places sont à gagner pour les spectacles suivants :

• Moi, Corinne Dadat – Mohamed El Khatib / Cie Zirlib 

Corinne Dadat est femme de ménage au lycée Sainte-Marie de Bourges. Elle nous confie qu’elle n’a pas de perspectives de reconversion. Non pas en raison de son âge, qui constitue pourtant un sérieux frein dans le contexte économique actuel, mais à cause de son incapacité à appréhender l’outil informatique. Avec Moi, Corinne Dadat, Mohamed El Khatib signe un poème documentaire vivant, un ballet pour une femme de ménage et une danseuse. Une confrontation entre les savoir-faire de deux travailleuses dont le corps est l’instrument de travail.

3 places pour la représentation du 20 avril à 21h, au théâtre de La Paillette.

• Si tu me survis… - Clinic Orgasm Society

Ludovic Barth et Mathylde Demarez se lancent dans une aventure peu ordinaire. Ils partent à la rencontre de deux individus qui n’existent pas encore, qui les attirent autant qu’ils les craignent : eux-mêmes dans trente ans. C’est ainsi qu’à quatre, ils vont instaurer une sorte de dialogue intergénérationnel impitoyable, une ode sauvage à la vieillesse et à la pulsion de vie. Un cri lancé faisant s’entrechoquer de façon brute l’optimisme de l’utopie et de l’imagination avec le pessimisme de notre époque.

2 places pour la représentation du 21 avril à 21h, au théâtre de L’Aire Libre.

• Paradoxal – Marien Tillet / Cie Le cri de l’armoire

Le sommeil pose autant la question de l’endormissement que celle de l’impossibilité de s’endormir. Ces agitations dont nous faisons preuve de temps à autre, ces espaces où la réalité et le songe s’interpénètrent comptent parmi les causes de certaines psychopathologies, visions et autres divinations. Marien Tillet explore entre délire onirique et réflexion philosophique la zone fragile qui sépare le rêve de la réalité. Imaginons que cette frontière sibylline soit en fait un vaste territoire. Le doute est permis.

3 places pour la représentation du 22 avril à 21h, au théâtre de La Paillette.

 

Pour gagner les places, merci de nous indiquer par mail à redaction@yeggmag.fr votre nom, prénom et le spectacle qui vous intéresse. Les places seront à retirer sur liste à la billetterie de chaque spectacle.

Célian Ramis

Maintenant 2014 : Pauline Saglio, du numérique, du design et des bulles

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MJC Le Grand Cordel, Rennes
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Visible jusqu’au 29 novembre prochain à la MJC Grand Cordel à Rennes, cette exposition mêle digital, innovation et poésie pour la nouvelle programmation d’Electroni[k].
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« Les gens peuvent parfois se sentir distants vis à vis de l’art et ne savent pas toujours comment aborder une œuvre, c’est pourquoi nous avons choisi de travailler avec des objets qui appartiennent au quotidien » explique la designer Pauline Saglio à propos de l’exposition  Rewind, Caves aux bulles, Light Form . Visible depuis le 6 octobre et jusqu’au 29 novembre prochain à la MJC Grand Cordel à Rennes dans le cadre du festival Maintenant, cette exposition mêle digital, innovation et poésie pour la nouvelle programmation d’Electroni[k].

Fraîchement diplômés de la prestigieuse ECAL (Ecole Cantonale d’Art de Lausanne), les trois jeunes artistes franco-suisses Pauline Saglio, Mathieu Rivier et Joelle Aeschlimann ont collaboré à la préparation de cette exposition interactive de trois œuvres.

Rewind par Pauline Saglio met en scène la notion de temps à l’aide de mécanismes ajoutés à des tablettes numériques, Caves aux bulles, sur laquelle les trois designers ont travaillé, projection murale qui, quand on souffle dans un jouet à bulles, actionne des dessins légers et enfantins et Light Form de Mathieu Rivier, installation tortueuse et graphique émettant son et lumière au contact des doigts du visiteur.

« La France est très appliquée à des domaines particuliers et je n’étais pas assez passionnée de graphisme ou de photographie par exemple pour ne faire que ça, j’aime beaucoup de choses », explique la jeune designer. Parisienne d’origine, Pauline Saglio, aujourd’hui assistante du département de Communication Visuelle de l’ECAL, après un baccalauréat ES obtenu en 2007, intègre successivement les ateliers Penninghen et de Sèvre à Paris, qu’elle considère finalement trop académiques puis se tourne vers le département Media Interaction Design de l’ECAL afin de travailler sur des projets spécialisés dans le numérique qui combinent tous les médias. C’est à l’occasion d’un workshop organisé par les étudiants de l’école qu’elle rencontre Mathieu et Joelle avec qui elle collaborera ensuite.

« L’ÉMERVEILLEMENT DOIT ÊTRE INSTANTANÉ »

 « Nous ne voulons pas dévoiler comment nos installations fonctionnent, il y a un espèce de ras le bol général de notre part quant aux personnes qui vénèrent les artistes, l’émerveillement doit être instantané et non parce qu’on a potassé telle ou telle brochure sur le travail d’un artiste. On a cherché à avoir un feedback sensoriel, ce qu’on a perdu avec le numérique », explique la jeune femme. Et on ne lui en veut pas.

L’interaction avec le visiteur est totale dans cette exposition ; que l’on actionne un mécanisme ancien monté sur une tablette pour y faire apparaître une horloge sortie de l’imagination de Pauline Saglio, qu’on souffle à sa manière pour déclencher Cave aux bulles ou qu’on pianote sur Light Form, on fait partie de l’œuvre, on la recrée à chaque fois.

 « Je ne cherche pas à me limiter au numérique, on peut avoir l’impression qu’il forme une sorte de rupture mais ça peut également être une continuation du passé » selon Pauline Saglio qui évoque un futur projet autour du son, de sa propagation et de la résonance à partir du concept de la tirelire. En attendant cette potentielle œuvre toujours plus ludique, l’exposition Rewind, Caves aux bulles, Light Form sera visible jusqu’au 29 novembre à la MJC Grand Cordel pour notre plus grand plaisir.

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2014 : DelaDap, une tornade électro-swing

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Parc du Thabor, Rennes
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Les musiciens déjantés du groupe DelaDap proposaient, pour leur première scène en France, un concert dansant et débridé aux airs d’électro-swing pop.
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Jeudi 9 octobre, la soirée Crazy Swing Club accueillait les musiciens déjantés du groupe DelaDap, pour leur première scène en France, pour un concert dansant et débridé aux airs d’électro-swing pop.

On aurait pu les croiser sur la scène « Découverte » des Trans, mais c’est dans le cadre plus intime du Grand Soufflet que l’on a pu apprécier la proposition originale de DelaDap, une formation musicale détonante qui réunit autour du producteur tchèque Stani Vana plusieurs musiciens d’Europe centrale et des Balkans. Les diverses influences se croisent et s’entremêlent dans un son souvent jazzy, électro et pop. Mais DelaDap va plus loin, semblant s’écarter avec joie de toute contrainte et d’étiquette de genre.

Ce que le groupe propose, c’est de puiser dans les traditions roms, slaves et klezmer, en y ajoutant de l’électro tout droit venu des années 90. Pas besoin d’entendre plusieurs chansons, la sauce prend immédiatement et on se délecte de chaque instant d’énergie déployée par ces ovnis qui balancent leurs musiques, fruit d’un travail de 10 ans, comme si plus rien autour n’avait d’importance.

Ils nous emportent dans leur univers festif sans perdre de temps et créent un lien permanent avec le public pris dans le tourbillon DelaDap. Les sonorités empreintes aux musiques d’Europe de l’Est et de la Mitteleuropa communient parfaitement avec les notes électroniques de la console et l’intensité de la voix de la chanteuse.

Sous le chapiteau, ça fourmille, ça danse, ça bavarde. Les spectateurs installés timidement au départ sur les bancs des gradins descendent au fur et à mesure se mêler à la petite foule qui vacille joyeusement sur la piste.

Les danseurs de swing ont laissé la place aux sautillants festivaliers qui réclament toujours plus, satisfaits de chaque proposition. Les rythmiques et les refrains sont punchys et entrainants, entrent dans la tête pour n’en ressortir que quelques heures plus tard.

On retient « Listen up / This is DelaDap » pour son dynamisme et sa bonne humeur, hommage jovial au 10e anniversaire du groupe. Et sur la scène, les musiciens prennent plaisir à répondre aux attentes du public. L’accordéon se plie et se déplie à vive allure, la trompette résonne et la batterie s’impose…

Et à tout cela s’ajoute les compositions du DJ et le style disco-swing de la chanteuse pour un joyeux bordel maitrisé et manié à souhait. DelaDap réussit avec brio à imposer son style et nous invite à voyager sur les routes d’Europe et du temps. Les époques se côtoient et flirtent ensemble dans une parfaite symbiose. Du cash et du chaos, comme on aime.

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2014 : Yéti fait son cabaret humoristique

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Parc du Thabor, Rennes
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Accordéon, flûte traversière, boucle de samples et légèreté naturelle... Yéti - Jetty Swart - convoque la bonne humeur sur la scène du Grand Soufflet.
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Mercredi 8 octobre, la joviale Jetty Swart – prononcer Yéti – se produisait sur la scène du Grand Soufflet, avec son accordéon, sa flûte traversière, sa boucle de samples et sa légèreté naturelle.

« Je suis née d’une mère hollandaise. On les reconnaît facilement, ce sont elles qui ramènent les sacs de patates ! » Le premier contact avec le public annonce la couleur. Proximité et second degré seront les maitres mots de cette fin d’après-midi pluvieuse.

Et quand au milieu de la chanson, elle oublie les paroles, la copine de Chloé Lacan le tourne en dérision et continue de chantonner en souriant : « Je ne sais plus ce que je chante à ce moment-là… Est-ce que quelqu’un l’a déjà entendue pour m’aider ? Ce serait super chouette mais c’est pas grave parce que la chanson continue ! »

Et le public ne manquera pas de la soutenir en fredonnant avec elle une série de « pom pom pom ». Jetty Swart, chanteuse et musicienne, oscille entre l’anglais et le français pour transporter les spectateurs dans un univers onirique, dans lequel se croisent comptines, histoires abracadabrantes, poésie et cabaret humoristique.

Celle qui a bien fait de quitter l’école d’arts graphiques pour se consacrer à la musique est pétillante, créative et inventive. Avec du beat-box enregistré en sample, elle transforme le chapiteau en cabane isolée au milieu de la forêt sous laquelle nous sommes abrités. On perçoit alors le son d’une goutte d’eau qui tombe lourdement sur les planches de bois. Et la magie opère, elle transforme « notre cafard en caviar » et sème la bonne humeur sur fond de temps maussade.

« On va danser ! Et si on danse, il faut quelque chose de plus spectaculaire ! », lance-t-elle en enlevant sa chemise en jean. Et en faisant tomber la veste, elle fait également tomber le masque. Si le second degré et son naturel taquin ne sont jamais très loin, et sont surtout nichés dans la Chanson du coq, « écrite pour les gars que j’ai rencontré à Montpellier », l’artiste hollandaise nous embarque à présent sous le ciel étoilé d’une nuit très noire.

Les rêves et les sentiments profonds sont surface et s’animent au son de l’accordéon et de sa voix qu’elle manie avec une facilité déconcertante. Indéniablement elle sait jouer avec les ambiances, les mots et les émotions. Passant d’une reprise délurée de Mickael Jackson avec un franc roulé de R à une chanson poignante empreinte de sonorités de l’est, elle fédère le public autour de son personnage et de sa proposition musicale. Et les festivaliers en redemandent encore et encore. Poussée par l’adrénaline, Yéti se laisse voguer et entame une dernière chanson en néerlandais pour conclure ce concert aux ambiances et influences éclectiques.

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2014 : La rencontre swing du hula hoop et du burlesque

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Rennes
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Une Electro Swing Party placée sous le signe du swing, de l'effeuillage, du hula hoop et de l'accordéon... La formule est insolite, pas une réussite néanmoins.
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Samedi 4 octobre, le festival rennais d’accordéon proposait une formule originale lors d’une Electro Swing Party réunissant Edith Presley, sélecta rock, Maryll Abbas, accordéoniste, Candy Scream, performeuse burlesque et Anossens, reine du hula hoop.

Après un concert énergétisant avec Manouche, Etienne Grandjean, directeur artistique du festival, relevait le pari risqué d’une deuxième partie de soirée exclusivement féminine. Le risque ne provenant pas du sexe des protagonistes mais d’une production réalisée à distance et composée de quatre femmes d’univers différents.

La sauce aurait pu prendre si les talents avaient été mis davantage en avant. Les numéros s’enchainent avec une extrême rapidité, laissant les spectateurs-trices dans une grande confusion des genres. Pour autant, les danseurs et danseuses de lindy hop sont au rendez-vous et leurs mouvements effrénés, effectués aux rythmes des chansons de DelaDap, Chinese Man, Parov Stelar ou encore des Swingrowers, produisent des instants inattendus empreints d’énergie et de bonne humeur. Néanmoins, les performances de hula hoop et de burlesque charment le public à chaque brève apparition.

Anossens, agile professionnelle des cerceaux, nous emporte dans son univers onirique et coloré, tout comme son accessoire de prédilection, et nous laisse ce goût d'enfance qui nous marque l'esprit face à un numéro de cirque et de magie. De son côté, la danseuse aux courbes fines et divines, Candy Scream, exécute deux performances d'effeuillage empreints des profondeurs parfumées des revues de cabaret. Le burlesque ne laisse personne indifférent et on aime toujours autant y assister.

Plus tôt dans la journée, c'est à l’abri du mauvais temps que nous avions rencontré Anossens et Candy Scream, dans les coulisses du Grand Soufflet. interview.

YEGG : Vous offrez, à l’occasion de l’Electro Swing Party, deux performances originales. Racontez-nous comment vous avez découvert vos disciplines respectives, le hula hoop et le burlesque.

Anossens : C’est lors d’un concert avec des performeurs de hula hoop que je suis restée scotchée. J’ai eu le coup de foudre. J’étais alors dans l’informatique mais je m’intéressais déjà à la discipline, dans le sens du mouvement, de la détection du mouvement.

Candy Scream : Moi j’ai cherché sur Internet. J’étais dans une école de théâtre mais je rêvais de faire du cabaret. C’est là que j’ai découvert le Cabaret des Filles de joie. Je suis alors allée les voir sur scène puis j’ai pris des cours dans cette école pendant un ou deux ans. J’aimais le message que pouvait faire passer cette revue féministe et rock n’ roll.

L’an dernier, à l’occasion du spectacle Porte jarretelles et piano à bretelles, produit par Etienne Grandjean et présenté au Grand Soufflet 2013, nous interrogions les danseuses burlesque sur la vocation féministe de la revue. Elles soutenaient que ça n’était pas un genre féministe mais humaniste…

Candy Scream : Chaque fille a son engagement. On défend forcément quelque chose sur scène, on s’engage. Je trouve que c’est féministe dans le sens où on est des femmes, rien que des femmes, déjà. Et ensuite parce que le message que je veux faire passer est : Je suis comme je suis et vous allez m’accepter comme je suis.

Qu’est-ce qui vous anime dans votre pratique, Anossens ?

Anossens : Je peux pratiquer le hula hoop pendant des heures ! À ce moment-là, rien d’autre ne compte. J’aime être à fond dans quelque chose. On dompte des éléments. Avec la discipline aérienne par exemple (Anossens pratique également la pole dance), on dompte l’air. Il y aussi le feu que je manie. Et avec le cerceau, on ressent le sentiment d’un élément qui coule, ça rappelle l’eau, de manière symbolique évidemment.

Les performeuses burlesque multiplient parfois les compétences. Candy Scream, quelles sont les vôtres ?

Candy Scream : Je manie aussi le feu avec les torches, les bâtons de feu, les bollasses. Ça reste de l’ordre de l’accessoire. Avec le costume et les chaussures à talons ! Après, forcément il y a beaucoup de danse puisqu’on apprend à danser au cabaret. Même si l’effeuillage et le cabaret ont évidemment leurs propres codes. En fait, on peut tout faire, selon nos personnages.

Vous êtes réunies pour un soir avec Edith Presley, et Maryll Abbas, sur la scène du Grand Soufflet. Comment s’est déroulée la rencontre ?

Candy Scream : Je connaissais Porte Jarretelles et Piano à bretelles, j’ai des amies qui dansent dans ce spectacle. Etienne Grandjean m’a contacté, il m’avait vu au Cabaret des Filles de joie. Il m’a alors proposé de participer à cette soirée.

Anossens : Moi, il m’a contacté car il voulait impérativement du hula hoop. (Rires)

Pas facile de préparer un spectacle à plusieurs lorsque tous les membres sont à distance… Concrètement, comment avez-vous travaillé ?

Anossens : On a fait nos choix de musique parmi une sélection. On en a choisi 2 sur lesquelles on allait jouer. Avec Internet et le téléphone, on y arrive !

Candy Scream : J’ai été en contact à plusieurs reprises avec Etienne Grandjean. Il m’a donné pas mal de conseils pour occuper la scène et préparer mes numéros en fonction de la surface.

Interpréter vos numéros sur de l’électro swing était une contrainte pour vous ?

Anossens : Non car c’est une rythmique très intéressante, joyeuse. Ça me donne envie de bouger donc c’est très bien. Je peux reprendre exactement les mouvements que je travaille au quotidien, en les adaptant au rythme de la chanson.

Candy Scream : J’ai l’habitude de fréquenter les soirées électro de La Java à Paris. Mais c’est vrai que j’ai plus l’habitude du milieu rock. J’ai sélectionné deux playback de femmes. Car cela permet de décrisper le visage et donner de l’expression au personnage que j’incarne lors de mon numéro. Après c’est de l’effeuillage, c’est pas sorcier de se déshabiller !

(Anossens : Alors là je ne suis pas d’accord avec toi ! (Rires) Au contraire, je trouve ça très dur !)

Candy Scream : Concrètement, cela donne une entité au personnage. Et comme c’est une nana limite hystéro que j’interprète, ça correspond très bien ! (Rires)

Merci Anossens et Candy Scream.

Anossens et Candy Scream : Merci à vous.

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2014 : Edith Presley, la sélecta rock prête à swinguer

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Rennes
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Parmi les talents programmés lors du Grand Soufflet 2014, la rennaise Edith Presley, djette rock et originale, qui sera entourée, le 4 octobre de l’accordéoniste Maryll Abbas, de la performeuse burlesque Candy Scream et de la reine du hula hoop Anossens.
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Swing et électro-swing sont convoqués à la nouvelle édition du Grand Soufflet, qui prend ses quartiers cette année dans le parc du thabor, du 2 au 11 octobre. Et parmi les talents programmés, la rennaise Edith Presley, djette rock et originale, qui sera entourée, le 4 octobre de l’accordéoniste Maryll Abbas, de la performeuse burlesque Candy Scream et de la reine du hula hoop Anossens. Une soirée Electro Swing Party qui ne laissera pas les spectateurs-trices indifférent-e-s. Et surtout pas la rockeuse. Portrait.

Il court, dans le milieu rock rennais, des bruits de couloir sur Edith Presley. La légende raconte qu’elle serait la fille du sosie d’Elvis à Fourqueux. Et que c’est en mettant de la musique dans sa baraque à frites qu’elle se serait faite repérer, en faisant danser les genoux de ses client-e-s. La vérité est toute autre et c’est à une table du Petit bar, place Sainte-Anne, qu’Edith Presley nous la raconte :

« En fait, ça remonte aux soirées chez mes potes. Je suis un peu une anarchiste, voire une fasciste, de la musique. Je voulais toujours choisir ce qu’on écoutait. Un jour, on m’a demandé de venir faire ma maligne au Bar’Hic, il y a environ 3 ans. Je ne faisais pas la fière… Mais en réalité c’était génial ! Je me suis laissée prendre au jeu depuis. »

Quelques mois plus tard, la djette figure dans la programmation des Bars en Trans et est alors repérée par Jean-Louis Brossard qui fait d’elle une résidente à l’Ubu et lui propose un Dj set lors de l’édition 2013 des Transmusicales.

Son personnage évolue et de fille de sosie, elle devient la petite sœur des Ramones, djette talons aiguilles et veste en cuir : « J’adore les chaussures et les fringues. Même si à l’Ubu, je suis dans ma petite cabine, j’aime être bien habillée et je peux me permettre de partir dans les extrêmes. Personne ne me juge et c’est génial. On peut donc allier les hauts talons, le bandeau dans les cheveux à la Rosie la riveteuse et toute la panoplie rock’n’roll ! »

ROCK, SOUL ET PIN-UP

Ici, pas de « Hey mister DJ » mais plutôt du « Don’t let me be misunderstood ». Car si on pourrait croire que ce sont les nanas de The Hole, L7, The Sound ou Le Tigre qui l’ont inspirées, c’est au contraire des « Madames » de la soul comme Nina Simone ou Aretha Franklin par exemple qui l’ont amenées à la musique. Elle aborde tout de même au détour de la conversation des grandes du rock et du punk comme la chanteuse, Nico, de Velvet Underground, Lydia Lunch – qui a enregistré avec Sonic Youth – ou encore Blondie (Debbie Harry).

« Ces musiciennes rock de The Hole ou L7, un peu « crades », je les écoute maintenant et j’aime bien. Mais à la base, j’aime les femmes plus élégantes. J’adore les pin-up, les années 50, toute cette période avec les rondeurs, l’absence de jugement et les femmes qui s’émancipent ! Il y en a quelques une encore à Rennes, je suis toujours en admiration… », explique-t-elle en rigolant. Ce qu’elle préfère, c’est jouer là où elle veut – le Mondo Bizarro étant presque sa 2e maison - et quand elle le veut. Elle aurait pu être intermittente et se consacrer à son activité de Dj. Mais elle ne s’y voyait pas :

« ça ne correspond pas à qui je suis. Là j’ai plus de temps pour la créativité, l’originalité. Je garde le plaisir et je profite des moments intenses. J’accepte ce que l’on me propose quand je trouve ça cool ».

Ainsi, elle a pu faire la première partie d’Aggrolites à Paris et des BB Brunes à Rennes. Pour elle, pas besoin de faire « des remix et du boum boum » pour faire danser et vibrer le public, les originaux suffisent. Qualifiée sélecta, elle ne produit ou ne remixe aucune chanson, elle passe les morceaux rock en l’état.

Et pour cela, elle encaisse les reproches et critiques de certains djs : « Aux Trans notamment, je m’en suis pris plein la gueule sur les réseaux sociaux, disant que je n’étais pas légitime. Je ne me suis jamais prise pour une DJ à proprement parler. Mais il y a les puristes, avec les vinyles et les autres. Moi je viens avec ma sélection et mon casque. »

Être femme dans ce milieu n’est pas tâche aisée et chacune doit se faire sa place. Elle cite notamment Katell Mixette, « plus orientée électro mais je l’admire beaucoup ». Un moral d’acier, un entourage solide, un apprentissage rapide de l’art de la discrétion, Edith Presley ne se démonte pas et continue à cultiver sa particularité et son amour de la musique. « Ce qui est passionnant dans cette discipline, c’est qu’il faut avoir une grande culture musicale. Et un morceau vous amène à un autre morceau, sans cesse. On découvre l’histoire de la chanson, l’histoire de la musique et on va sans arrêt plus loin », explique-t-elle, prise dans le sillage de sa passion qui l’embarque dans un tourbillon de challenges qui l’animent profondément.

SWING, ÉLECTRO ET ACCORDÉON

Et elle relèvera son prochain défi lors de la prochaine édition du festival Le Grand Soufflet, qui se déroule à Rennes du 2 au 11 octobre, principalement au parc du Thabor. Accordéon, électro et swing, la petite sœur des Ramones troquera-t-elle son perfecto contre une robe charleston ? Ce n’est pas dit. Mais ce qui est certain, c’est que la djette a bel et bien remonté ses manches pour dénicher des chansons hors de son répertoire habituel.

« Au départ, je devais intervenir seulement dans le teaser du festival », confie-t-elle. Mais Etienne Grandjean, directeur artistique, a vu plus grand et surfe sur le succès de sa production, présentée dans la capitale bretonne lors de l’édition précédente, « Porte-jarretelles et piano à bretelles ». Il convoque alors sur scène la performeuse burlesque du Cabaret des Filles de joie Candy Scream, la reine du hula hoop Anossens et l’accordéoniste Maryll Abbas pour une Electro Swing Party – le 4 octobre au Thabor.

Edith Presley proposera également un Dj set à Saint-Coulomb, le 11 octobre, lors de la soirée partagée avec le délirant Balluche de la Saugrenue. Des propositions originales auxquelles la rockeuse adhère avec fierté.

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