Célian Ramis

Cécile Cayrel : un grand bol d'air littéraire

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Un instant de liberté. Une évasion. Une respiration à pleins poumons. Voilà ce que nous offre Cécile Cayrel avec son premier roman "La couleur de l’air a changé". Un road trip, une quête de soi, des rencontres, des découvertes…
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Un instant de liberté. Une évasion. Une respiration à pleins poumons. Voilà ce que nous offre Cécile Cayrel avec son premier roman La couleur de l’air a changé, publié, aux éditions Stock, quelques jours avant le confinement. Un road trip, une quête de soi, des rencontres, des découvertes… On voyage avec Camille, Jen et Michel, on s’installe dans le camion avec elleux et on se laisse guider par la plume vive et habile de Cécile Cayrel qui alimente le moteur des périples du trio avec une fraicheur décapante. Ça faisait bien longtemps qu’on ne s’était pas autant régalé-e avec un bouquin ! 

Camille trompe David un soir, elle lui avoue, il tente de l’étrangler. Elle se barre. Ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas pris sa vie en main, longtemps qu’elle n’avait pas envisagé une porte de sortie à un confort qui la comprimait. Elle se casse de l’appartement, se tire de Rennes, éprise par un besoin de souffler et de respirer.

Au bord du chemin, Jen et Michel. Devant elleux, la route mais aussi l’aventure et l’inconnu. Pour Camille, c’est l’ouverture des possibles, une voie hors du cadre, une confrontation face à soi-même et une riche émancipation. On embarque dans ce voyage avec elle, on aime la fraicheur de ce village dans le Cantal dans lequel iels vont établir un squat chez Mamie, les journées paisibles rythmées par le farniente, les balades, les dessins de vulves et les explorations corporelles d’abord entre Jen et Camille, puis avec Michel.

On se rend sans enthousiasme à Paris, et on retrouve notre entrain au sein d’une communauté autonome, en Bretagne. Surtout, on s’attache à nos compagnon-ne-s de route qui se dévoilent non pas dans un héroïsme débordant et outrageant mais dans une simplicité libératrice qui nous cueille tout doucement.

UN RÉCIT POSITIF

Cécile Cayrel signe son premier roman avec La couleur de l’air a changé. Avec celui-ci, elle avait profondément envie d’offrir un récit positif. Certes, la situation initiale ne l’est pas. Un couple malheureux, enfermé dans une routine pointant un déséquilibre entre les deux individus, mais Camille accepte.

Puis les coups, la violence, le sursaut, le départ. Précisons néanmoins que tout cela n’est pas présenté comme une opportunité positive mais comme un contexte réaliste qui ne nie pas la complexité des violences conjugales ni la difficulté à partir du domicile.

« Ce n’est pas un mode d’emploi pour s’en sortir. Elle s’en sort parce qu’elle rencontre des personnes qui vont rendre ça possible. Sans Jen et Michel, elle rentrait certainement chez elle. Je n’avais pas envie d’explorer la figure qui affronte tout toute seule et qui s’en remet uniquement grâce à elle-même, à elle seule. Je voulais un récit positif jalonné de hasards positifs. », explique l’autrice qui dépeint des personnages, des trajectoires et des décors peu commun-e-s.

« Le roman traverse la France et c’est agréable de ne pas avoir un récit dans un Paris intra-muros. Ils traversent des lieux inspirés par des endroits réels. C’est une manière très concrète de montrer un cheminement qui passe par le voyage. », souligne-t-elle. 

DES THÈMES MILITANTS

Ce n’est pas un manifeste qu’on tient entre nos mains, c’est bien un roman de fiction. Et le talent de Cécile Cayrel, c’est de nous donner l’impression que c’est réel. Parce que son style est vivant mais aussi parce que chaque élément est réaliste. Elle nous emmène voir des coins et des gens qu’on n’a pas l’habitude de croiser, pas l’habitude de romancer, comme la ZAD, la rue, les sexualités ou les milieux autonomes.

Elle n’en fait pas des caisses pour nous convaincre, elle nous nourrit de ce qu’elle en connaît, ressent et imagine, aussi. Et le mélange fonctionne. « Je me suis basée sur ce que je connaissais parce que quelque part c’est plus facile d’écrire quand on ne se sent pas encore légitime face à son premier roman. », précise Cécile Cayrel.

Elle le dit elle-même, le roman est traversé par des idées militantes, il « aborde des thèmes qui se basent effectivement sur du militantisme mais ce qui m’a plu, c’est de pouvoir ajouter des avis différenciés de ce que moi je peux penser, j’ai pu faire parler des gens avec qui je ne serais pas d’accord. »

Et cela participe à nous rendre accro au bouquin. La justesse, l’équilibre, l’humilité, l’humanité. Sans jugement projeté sur les personnages, ils peuvent exister tels qu’ils sont. Ils peuvent se tromper, essayer, se chercher, assumer, s’affirmer, gueuler, explorer leur complexité et se frotter à leurs paradoxes, Cécile Cayrel les rend visibles et vivants. Comme les vulves que Camille et Jen dessinent et affichent dans les villages :

« J’étais au musée de Grenade et il y avait des vidéos d’hommes et de femmes nu-e-s. La femme était intégralement épilée. J’étais choquée. Je suis donc rentrée avec mon énervement. Parce que c’est acquis la manière dont on représente les sexes féminins. C’est une lutte de visibilité. Ça peut faire du bien de se redécouvrir et j’ai mis ça en parallèle avec Camille qui est au départ une femme timide et qui prend sa source de pouvoir dans l’énergie que lui donnent ses deux compagnons. Je cherchais un moyen de rendre palpable et visible la transformation de Camille qui, elle-même, ne sait pas où elle va. J’avais besoin de montrer l’évolution qui se passait en elle, et ça, c’était très visuel. J’aimais bien. »

LE PLAISIR DE L’ÉCRITURE

Nous aussi, on aime bien. On aime surtout ce naturel et cette authenticité qui se dégagent de la lecture de ce roman, dont les sensations nous accompagnent régulièrement, comme une diffusion progressive de bien-être dans les veines. Ça nous ravigote le corps et ça approvisionne nos batteries quand l’énergie vient à manquer.

On se ravit de ce jour où Cécile Cayrel a choisi de participer à ce concours de nouvelles, organisé il y a deux ans. Elle n’a, alors, presque jamais écrit, « à part quelques poèmes comme tout le monde, à 8 ans… ». Pour autant, elle participe et remporte le premier prix. « J’en étais sincèrement la première surprise », rigole-t-elle. Elle poursuit : « J’ai pris beaucoup de plaisir en écrivant. Je me suis dit qu’il fallait que j’aille creuser ça. »

Elle quitte son boulot, dans le milieu culturel, elle a déjà la scène de cette femme qui vient d’être frappée. Le reste viendra au fur et à mesure. Dans un petit bar espagnol, à Grenade précisément, où elle s’installe tous les jours durant deux mois pour se consacrer à l’écriture.

Elle laisse passer l’été, le retravaille encore, et envoie le manuscrit à la directrice du concours de nouvelles, également directrice des éditions Stock. Celle-ci dévore le livre en une nuit et la recontacte dès le lendemain pour la publier.

« J’ai vraiment eu de la chance de pouvoir lui envoyer en direct. Pour moi, le livre était terminé. C’est dur d’écrire sans savoir si ça va être publié ou non. On arrive à un point de grosse fatigue. Mais grâce aux questions et aux conseils de l’éditrice, j’ai pu faire aboutir le travail. », s’enthousiasme Cécile Cayrel qui ne se définit pas encore comme autrice :

« J’ai l’impression que ça vient avec le temps. C’est trop rapide là pour me sentir autrice. On verra si ça continue. Pour l’instant, je suis pionne et ce qui allume mon feu intérieur, c’est d’écrire. » C’est dit. 

 

 

 

Célian Ramis

Remaniement : la riposte féministe

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Vendredi 10 juillet, femmes et hommes sont descendu-e-s dans les rues, un peu partout en France et même à l’étranger, pour protester contre le « gouvernement de la honte », à la suite du remaniement ministériel annoncé lundi 6 juillet.
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Vendredi 10 juillet, femmes et hommes sont descendu-e-s dans les rues, un peu partout en France et même à l’étranger, pour protester contre le « gouvernement de la honte », à la suite du remaniement ministériel annoncé lundi 6 juillet.

Il faut se réinventer, lançait Emmanuel Macron lors du confinement. Une citation qui rejoint le panthéon du langage politique ordurier qui n’a d’autre signification que celle de dire à la population d’aller se faire foutre. Pour trouver du travail, il suffit de traverser la rue. Pour affronter une crise sanitaire aux conséquences sociales et économiques désastreuses, il suffit de se réinventer.

Et pour faire taire les féministes ? Suffit-il de faire croire que l’égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause du quinquennat ? Non, elles n’y croient pas, elles réclament une vraie volonté politique, des actes concrets, des moyens financiers et humains et des garanties sur le long terme.

Depuis l’arrivée de Macron à la présidence de la France, il y a eu l’affaire Weinstein, les mouvements Balance ton porc et Me too, les milliards de témoignages de femmes dénonçant sur les réseaux sociaux, dans les médias ou encore dans les arts et la culture, les violences sexistes et sexuelles subies parce qu’elles sont des femmes.

La vague violette est née. Et avec elle, une tempête de colère, d’incompréhension, de rage, de détermination et de puissance. Les féministes ne lâchent rien, les gouvernants le savent. Peu importe. Eux non plus ne lâchent rien. Ni le pouvoir, ni leurs privilèges. La plupart sont des hommes, blancs, cisgenres, hétérosexuels, bourgeois.

Dans les discours, ils prônent la diversité, l’égalité des chances et l’humanisme. Un joli terme bien utile pour universaliser la problématique et invisibiliser les nombreux mécanismes d’oppression et de domination auxquels ils adhèrent fermement. Dans les faits, ils défendent la liberté d’importuner (comprendre ici que les hommes jouissent de la liberté d’importuner les femmes) et les gauloiseries (comprendre ici la culture du viol dans son entièreté, pour plus de clarté, on conseille de lire le livre de Valérie Rey Robert, Culture du viol à la française). 

Ils tentent de semer la confusion entre les actes et les effets d’annonce – pma pour tou-te-s (dont les personnes transgenres sont exclues !), grenelle contre les violences conjugales, âge du consentement pour les mineur-e-s, enregistrement des plaintes en ligne, délai d’avortement… - mais ils se montrent très clairs sur leur ras-le-bol.

Ras-le-bol de faire semblant de s’intéresser à ce qui fondent les inégalités. Ras-le-bol des conneries des militantes féministes qui n’ont rien d’autre à foutre que de s’attaquer à la langue de Molière, à l’éducation de Jules Ferry, aux ambitions sportives de Pierre de Coubertin, au cinéma de Polanski et de Besson…

Elles cherchent clairement à détruire notre belle nation construite par les Grands Hommes pour les Grands Hommes. Où vont-elles s’arrêter ? Au gouvernement Castex I ? Il n’y a pas de doute, la réponse est non. Elles ne céderont pas à la menace du retour de bâton (le fameux « backlash » développé par l’autrice et journaliste, militante féministe, Susan Faludi dans son livre Backlash : la guerre froide contre les femmes, paru en 1993). 

Parce que le retour de bâton est une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de la tête des femmes. Sortez des normes, des assignations, des sentiers battus, de votre condition de femme dans tout ce qu’elle comporte d’interdits et d’injonctions, et vous serez punies. Ouvrez vos gueules, tapez du poing sur la table, racontez vos vécus, et vous serez punies. Exposez-vous hors du cadre dans lequel on vous a enfermé depuis plusieurs décennies, et vous serez punies. Eloignez-vous des lignes que l’on a tracées autour de vous, et vous serez punies. Cassez les murs de votre prison sociale, et vous serez punies. Rompez soldates, et vous serez punies.

Il existe des échappatoires, il existe des possibles. Emmanuel Macron demande aux Français-es de se réinventer, les femmes, elles, savent que trop bien ce que c’est que de se réinventer. En permanence. Face aux violences sexistes et sexuelles. Face aux violences LGBTIphobes. Face aux violences racistes. Face aux violences classistes. Face aux violences validistes. Face à toutes ces violences en même temps. Face au croisement de plusieurs de ces violences.

Alors, ça pète de toute part. Parce que s’attaquer à ces inégalités, c’est creuser profondément pour en trouver les sources. Les sources du patriarcat, les sources du capitalisme. Les enjeux de l’esclavage, de la colonisation et de la période post-coloniale. Les conséquences qu’on réfute, qu’on ne veut pas entendre et qu’on ne veut pas voir.

On ne veut pas comprendre parce que comprendre, c’est déjà accepté qu’il n’y ait pas de retour en arrière possible. Et puis parce que ça implique une remise en question, une déconstruction de nos idées reçues et préconçues. Parce qu’enfin ça signifie d’interroger nos positionnements, notre manière de (ne pas) nous situer dans la société, de réaliser qu’on a des privilèges en tant qu’hommes blancs, en tant que femmes blanches, en tant que personnes valides, etc.

Écouter et entendre. Sans renvoyer à l’autre l’état d’un jugement hâtif et basé sur des stéréotypes, sur de l’inconscient patriarcal et raciste (ne mentons pas, qui ne l’a pas intégré en vivant dans une société comme celle de la France ?). Voilà ce dont le gouvernement va à l’encontre.

« Le signal est clair : la parole des victimes est encore une fois bafouée. », scande le collectif Nous Toutes 35 lors du rassemblement de ce vendredi 10 juillet 2020, place de la Mairie à Rennes. Au même moment, des milliers de femmes et d’hommes se mobilisent contre le remaniement de la honte à Ajaccio, Angers, Barcelone, Berlin, Caen, Dijon, Grenoble, Laval, Londres, Marseille, Metz, Montpellier, Montréal, Nantes, Nice, Orléans, Paris, Poitiers, Reims, Saint-Etienne, Sidney, Strarbourg, Tel Aviv, Toulouse, Toulon ou encore Valence (liste non exhaustive). 

Ce remaniement de la honte, c’est celui du 6 juillet 2020. Celui du gouvernement Castex I. Celui qui nomme Darmanin à l’Intérieur, Dupont-Moretti à la Justice et Moreno à l’Égalité femmes-hommes, la Diversité et l’Égalité des chances. Le premier est accusé de viols, l’enquête est en cours. L’autre tient ouvertement des propos sexistes. La troisième n’est pas à proprement parler ministre mais ministre déléguée. Et d’emblée, elle s’emmêle les pieds dans le tapis, comme le rappelle Nous Toutes 35 :

« Elle a déclaré qu’elle ne voulait surtout pas que les hommes se sentent gênés, qu’ils aient l’impression qu’il n’y en a que pour les femmes. » Au-delà de son discours, elle représente avec son statut de cheffe d’entreprise « la classe dominante » et réaffirme « une position conservatrice face aux discriminations. » Pour elle, la seule complémentarité est celle des femmes et des hommes. Les autres sont inexistants. Les autres, on ne veut pas les voir, on ne veut pas les entendre.

Ce vendredi soir, les manifestant-e-s sont venu-e-s en masse. À Rennes, devant l’Opéra, trône la banderole « Remaniement : c’est mâle parti ». Tout autour, on peut lire « Violeur homophobe sexiste », « Gouverné-e-s par la culture du viol », « Sous les masques la rage » ou encore « Culture du viol en marche ». 

Dans les rangs, on entend que ce remaniement est une insulte à toutes les femmes. Un crachat en pleine face. « La grande cause du quinquennat n’est qu’une façade », s’écrie une militante de Nous Toutes 35. Elle parle de « maintien des oppresseurs ». 

Avec la nomination d’un homme accusé de viol (une enquête est en cours, rappelons-le) et celle d’un avocat ultra médiatisé pour ces propos sexistes (non, nous n’emploierons pas le terme punchline, ce serait minimiser), le message est très fort : le gouvernement décide de complètement banaliser les violences faites aux femmes, que l’on peut également appeler les violences masculines.

L’Intérieur et la Justice sont des ministères régaliens. On s’interroge alors sur la responsabilité de l’Etat qui désavoue toute volonté d’égalité. Comment envisager d’avancer en ce sens lorsque « Les accusations de viol n’empêchent pas ni de recevoir un César ni de devenir ministre » ?

En réponse, on brandit souvent la présomption d’innocence. Faisant ainsi passer les militantes féministes pour des harpies hystériques qui font des raccourcis malaisants dans le but d’enrôler toute la population dans une révolution non réfléchie. On parle des femmes qui mentent, qui dénoncent des hommes pour se venger, qui portent plainte contre des hommes de pouvoir pour les faire tomber (et au passage, récolter quelques billets, n’oublions pas que les femmes sont vénales…).

En novembre 2019, Libérationinterroge Noémie Renard sur la définition de la culture du viol. L’autrice d’En finir avec la culture du violrépond : « Dans cette expression, le terme « culture » désigne l’ensemble des caractéristiques d’une société : ses traditions, ses valeurs, ses croyances, son humour. Une culture du viol constitue un ensemble d’attitudes qui minimisent la gravité de ce crime. Dans une culture du viol, les violences sexuelles sont courantes et demeurent impunies. En France, chaque année, 84 000 femmes et 14 000 hommes de 18 à 75 ans sont victimes de viol ou de tentative de viol. Un chiffre en deçà de la réalité, car il ne tient pas compte des mineurs, fréquemment victimes. On estime qu’une victime sur dix porte plainte et il y a une impunité judiciaire : seule une plainte sur dix aboutit à une condamnation. Cette impunité est aussi sociale. Beaucoup de célébrités accusées de violences sexuelles continuent leurs carrières : Roman Polanski accusé d’avoir violé plusieurs adolescentes, Donald Trump accusé de viol par plusieurs femmes, Patrick Bruel dénoncé par plusieurs esthéticiennes pour harcèlement ou agressions sexuelles. On dit souvent que les accusations peuvent détruire une carrière, mais ce n’est pas vraiment le cas dans les faits. »

Pourquoi protège-t-on majoritairement et ne condamne-t-on quasiment jamais les hommes accusés de viol-s, d’agression-s sexuelle-s, de harcèlement sexuel ? Pourquoi renvoie-t-on quasi systématiquement la honte et la culpabilité aux femmes qui osent se déclarer victimes ? Elles ont à un moment outrepassé leur condition, au sens des interdictions et des injonctions, de femme et elles ont été punies.

C’est de leur faute. On ne veut plus les entendre. Voilà ce que dit le gouvernement avec ce remaniement. Sommes-nous radicales de penser et d’affirmer cela ? Ainsi, soit-elle, comme titrait Benoite Groult en 1975. Mais pourquoi tout le temps prendre des pincettes ? Pour dire quoi en  plus ? Que tous les hommes ne sont pas des violeurs ? Que tous les hommes ne cassent pas la gueule de leur meuf ? 

Nous non plus, on ne dit pas ça. Mais on dit que dans un système qui perpétue les inégalités et répand dans toutes les sphères de la société des stéréotypes genrés, tout le monde intègre cette construction sociale qui divise les individus et les hiérarchise en fonction de leur sexe, de leur genre, de leur identité de genre, de leur orientation sexuelle, de leur couleur de peau, de leur santé mentale et/ou physique, etc.

La preuve : on nomme un homme accusé de viol au rang de chef de la police. Et quand on s’insurge, on nous brandit la présomption d’innocence ? Non, ce n’est pas sérieux. Les féministes ne sont pas contre les hommes et ne sont pas contre la Justice. Elles la critiquent, elles la remettent en cause, elles exigent des moyens conséquents, elles veulent la justice pour tou-te-s, la justice sociale, la justice équitable. Personne ne peut raisonnablement envisager de croire qu’elles sont contre la Justice, juste comme ça, par envie de faire chier. Mais n’importe qui peut s’y refuser par volonté de ne pas remettre le système oppressif en question.

« Nous ne nous laisserons pas faire ! Nous ne céderons pas à la peur ni à la volonté de nous faire taire ! », clâme Nous Toutes 35 en conclusion de son intervention, place de la Mairie à Rennes. 

Applaudissements. Cris. Rires. Poing en l’air. Et slogans repris en chœur : « Pas de violeur à l’Intérieur ! Pas de complice à la Justice ! So, so, so, solidarité avec les femmes et les minorités ! » Plus de 1 000 personnes qui hurlent de toute leur rage et qui tapent dans leur main, c’est fort, c’est puissant, c’est empouvoirant.

Et c’est émouvant. Les manifestant-e-s forment un cercle et lorsque l’on tourne sur soi-même, que l’on voit une femme avec un tee-shirt « Female are strong as well », une autre avec un tote bag Les culottéesde Pénelope Bagieu, plein d’autres avec des pancartes aux slogans militants et créatifs, et que l’on entend un millier de voix se réunir pour chanter « Nous sommes fortes, nous sommes fières, et féministes et radicales et en colère », ça nous prend aux tripes.

Alors l’espoir renait, l’espoir nous saisit les entrailles. Non, nous ne laisserons pas faire. Ce coup-là, comme tous les autres coups qu’on a pris et que nos sœurs ont pris, nous ne les oublierons pas. Nous nous battrons. Pour nos droits, pour nos idées, pour l’égalité. Les retours de bâtons ne nous font pas peur. Ils sont notre quotidien.

Il faut se réinventer, dit Emmanuel Macron. Nous ne l’avons pas attendu. Chaque jour, nous réinventons nos féminités, nos masculinités, notre non binarité. Chaque jour, nous réinventons nos libertés et nous luttons pour les concrétiser.

Célian Ramis

Féminismes : Ne rien lâcher !

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Les mobilisations féministes s'intensifient. Mais les mentalités progressent lentement. Trop lentement. Quelles sont les résistances qui perdurent ?
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Des centaines de milliers de femmes, et d’hommes, dans les rues le 23 novembre, en France, pour protester contre les inégalités entre les sexes… Du jamais vu au cours de cette dernière décennie ! Ce jour-là, les femmes ont montré qu’il n’était désormais plus possible de penser la société sans se préoccuper de l’égalité.

Pour autant, nous ne sommes qu’aux prémices qu’une très lente révolution. Si les projecteurs sont davantage braqués sur cette moitié de la population - longtemps oubliée, méprisée et discriminée – leurs paroles et leurs témoignages sont sans cesse remis en question. D’où vient ce « Oui, mais… » ? Et comment le combattre ? 

Ça gronde. De partout, ça gronde. Les raisons de cette colère, elles sont nombreuses. Trop nombreuses. Depuis très longtemps. Les inégalités ne sont pas apparues avec l’affaire Weinstein, en octobre 2017, et le combat n’a pas commencé avec le mouvement #Metoo. Il ne faut pas s’y tromper, ces événements constituent des étapes (essentielles) dans la prise de conscience et non des acquis.

On ne va pas retracer ici l’histoire des luttes féministes et on ne va pas non plus pouvoir dresser un bilan simplement sur une année. Parce que, là, fin 2019, nous ne sommes qu’au début du chemin. Comme le signale l’autrice afrobrésilienne Joice Berth :

« Nous avons connu de grandes avancées, mais les problèmes sont si importants que les avancées semblent petites ! Et ces avancées ne vont pas faire marche arrière, malgré la vague conservatrice. Il existe un intérêt et une conscientisation plus grande des individus blancs envers les questions raciales, un intérêt et une conscientisation plus grande des groupes masculins envers les questions féministes. »

On progresse. Lentement. Très lentement. Trop lentement. Quelles sont ces résistances auxquelles on se bute encore trop souvent ?

« Une de touchée, toutes concernées, c’est toutes ensemble qu’il faut lutter, c’est toutes ensemble qu’on va gagner ! » Il y a des femmes exilées, avec ou sans papiers, des femmes kurdes, d’anciennes détenues, des femmes handicapées, d’anciennes victimes de violences, des femmes racisées, des militantes féministes de longue date et des femmes qui manifestent pour la première fois, des étudiantes, des femmes engagées dans le mouvement des gilets jaunes, des membres d’associations, des femmes trans, des artistes, des personnes queer, des lesbiennes, des hétéros, des bis, et il y a des alliés.

À Rennes, le 23 novembre, elles sont plus de 4000 à battre le pavé à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes (dont la date est fixée au 25 novembre, en hommage aux trois sœurs Mirabal, militantes dominicaines assassinées sur les ordres du dictateur Trujillo, le 25 novembre 1960).

Plus de 4000 personnes qui scandent haut et fort que la rue, elle est à aussi elles, « de jour comme de nuit, avec ou sans voile, à pied ou en fauteuil, avec ou sans poussette, avec ou sans maquillage… » Elles veulent des droits, elles veulent avoir le choix. De s’approprier leur corps, de décider de leur vie, de ne plus avoir peur, d’être respectées, de donner leur consentement, de prendre la parole. De ne plus mourir sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint.

« Vous n’aurez plus jamais le confort de nos silences ». C’est écrit en lettres majuscules sur une grande banderole. Tout comme « Abuse de l’amour, pas des femmes » est écrit sur une pancarte. Et tout comme les prénoms des victimes de féminicides sont inscrits sur des tee-shirts, portés par des manifestantes situées en début de cortège.

Il y a Babeth, 43 ans, battue à mort par son conjoint. Stéphanie, 39 ans, égorgée par son compagnon. Céline, 41 ans, poignardée par son ex. Evidemment, elles ne sont pas que trois : du 1erjanvier au 31 décembre 2019, 149 femmes ont été tuées pour la mauvaise raison qu’elles étaient femmes.

Alors, les militantes chantent avec force et hargne : « Le patriarcat ne tombera pas tout seul, organisons-nous pour lui piétiner la gueule ! »

#NOUS TOUTES

À Rennes, plus de 4000 personnes ont répondu à l’appel du collectif Nous Toutes 35, né en septembre 2018 pour s’ériger contre les violences patriarcales, organiser les manifestations du 25 novembre, protester devant les cinémas contre la projection de J’accuse de Polanski, sensibiliser les un-e-s et les autres aux diverses problématiques concernant les droits des femmes, rappeler dans les cortèges que les femmes sont encore une fois les grandes perdantes de la réforme des retraites (lire encadré), etc.

À Paris, 49 000 personnes ont défilé contre les violences faites aux femmes, à l’appel de sa grande sœur, à l’échelle nationale, Nous Toutes. Une marée violette s’est abattue sur la France, faisant de ce 23/25 novembre 2019 une date historique. Les organisatrices comptabilisent 150 000 manifestant-e-s contre les violences sexistes et sexuelles.

Du jamais vu depuis le début du siècle. Il faut dire que cette année, niveau égalité des sexes, c’était plutôt les montagnes russes. Dans un article publié le 28 décembre sur le site de Libération, le quotidien national titre « Un an dans la vie des femmes – Dans les rues, sur les terrains de foot, dans l’espace : 2019, l’onde féministe ». Ça claque ! Et pourtant, on n’arrive pas à se réjouir.

Oui, on a avancé. Légèrement. Mais en lisant le papier de Libé,on croit avoir gagné toutes les batailles et ce, sans même se fatiguer. Oublier (ou ignorer) la complexité et la difficulté de chaque avancée, c’est renier le travail minutieux et courageux de toutes les militantes et c’est prétendre que les résistances n’ont pas été nombreuses et scandaleuses.

Oui, les femmes ont revendiqué à plusieurs reprises leur droit au respect, en tant que sujet et non en tant qu’objet. Pendant le tour de France, elles ont affirmé en avoir ras-le-bol d’être traitées comme des potiches (lancement du #PasTaPotiche), comme le sont en général toutes les hôtesses d’accueil, métier réservé à la gent féminine, évidemment.

Côté sport, on a pu découvrir de nombreuses footballeuses venues en France disputer la coupe du monde de foot et mettre en lumière le manque de femmes dans l’arbitrage, dans les institutions ou encore en tête de sélection. Début novembre, l’actrice Adèle Haenel secouait le cinéma français, et plus largement la société, en dénonçant publiquement les attouchements et le harcèlement sexuel subis dans son adolescence à cause du cinéaste Christophe Ruggia.

Quelques semaines avant son interview, les astronautes américaines Jessica Meir et Christina Koch ont effectué ensemble une mission en extérieur de la station spatiale internationale, une grande première depuis la création de cette dernière en 1998.

L’article mentionne également les avancées obtenues, en France, contre la précarité menstruelle, l’arrivée du clitoris dans, désormais, 5 manuels scolaires sur 7, l’émergence de plusieurs personnalités militantes comme Greta Thunberg, Carola Rackete ou encore des femmes gilets jaunes, le retour de l’écoféminisme, la chorégraphie des chiliennes contre le viol, et termine sur une liste d’événements positifs comme la féminisation des noms de métiers, l’égalité salariale pour les footballeuses australiennes, le droit de voyager sans la permission d’un homme pour les saoudiennes, la création d’un musée entièrement dédié au vagin à Londres, etc. 

OUI, MAIS…

C’est impressionnant, inspirant et exaltant. Mais ce que Libérationoublie, c’est de rappeler à quel point toutes ces avancées, ces victoires, ces droits conquis – qui jamais ne sont acquis – sont imprégné-e-s de souffrances et de persévérance. Rien de ce qui est accordé aux femmes ne l’est par bonté d’âme.

Tout est obtenu à la sueur du front des militantes qui se battent sans relâche pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes. Rappelons-nous que Greta Thunberg fait régulièrement l’objet d’attaques, d’insultes, de menaces, que la motivation de Carola Rackete a aussi été remise en question dans certains journaux (et pas que d’extrême droite), que les footballeuses sont encore largement moins payées que les hommes et sont encore jugées en comparaison avec les footballeurs et non sur leurs performances à elles.

Que l’astronaute Anne McClain aurait dû partir en mission avec Christina Koch mais faute de combinaison adaptée à sa taille, le binôme a été mixte (et quand quelques mois plus tard, une nouvelle mission a réuni deux femmes, un journal – Le Dauphiné, pour ne pas le citer - a titré « Deux femmes sortent seules dans l’espace, une première », on appréciera (pas) la mention de « seules » alors qu’elles sont en duo), que les Argentines n’ont toujours pas le droit d’avorter, que des femmes d’Amérique latine se retrouvent en prison pour fausse couche.

Que l’Assemblée nationale a fini par adopter l’extension de la PMA aux lesbiennes et aux femmes célibataires fin septembre après un nombre incalculable de reports (le projet de loi date de 2013…) mais a rejeté l’ouverture de la PMA aux personnes transgenres, que les personnes les plus précaires sont toujours les femmes, particulièrement si elles sont racisées, que fin 2019 une femme transgenre a été jetée dans le vide (et elle n’a pas été la seule, cette année et les années précédentes, à subir des atrocités).

Que les femmes sont toujours minoritaires dans les programmations culturelles et artistiques, qu’elles ne sont pas partout libres d’agir sans l’autorisation des hommes, ou encore que chaque année, en France, plus d’une centaine de femmes meurent sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint, et que plusieurs centaines de milliers de femmes sont victimes de violences sexuelles, et quasiment toutes les femmes subiront au cours de leur vie des violences sexistes. Entre autre.

LE PARCOURS DE LA COMBATTANTE

Le 23 novembre, sur l’esplanade Charles de Gaulle, à Rennes, la manifestation marque un temps d’arrêt, c’est l’heure des discours. L’heure de rappeler qu’une femme qui subit des violences sexuelles porte rarement plainte et quand elle le fait, c’est là que commence le parcours de la combattante. Au commissariat, peu de professionnel-le-s la prendront au sérieux :

« Nous sommes reçues par de l’indifférence alors que nous aurions besoin d’être soutenues ! »

L’association rennaise Prendre le droit – Féministes pour un monde sans viol(s) insiste notamment sur ce parcours de la combattante :

« Le refus de prendre la plainte est une pratique courante à Rennes. Aux yeux de la justice et de la société, une femme pas consentante est censée résister mais les marges de manœuvre pour résister sont réduites par l’éducation reçue, la dépendance matérielle au conjoint, la précarité de son travail, etc. Sans oublier le mutisme lié à la peur. À toutes les étapes qui suivent le dépôt de plainte, il faudra répéter ce qui a déjà été dit, se justifier, et attendre. Rares sont les femmes victimes qui arrivent jusque-là, les affaires étant souvent classées sans suite. »

Les militantes dénoncent l’absence de volonté politique face à une société construite sur et autour de la culture du viol, ainsi que les injonctions paradoxales qui assaillent les femmes.

« On attend des femmes qu’elles soient passives en général et on attend d’elles qu’elles résistent farouchement aux agresseurs. Là, tout à coup, elles devraient être très actives. Stop à l’impunité des violences sexuelles, il faut remettre le monde à l’endroit ! »
concluent-elles.

Culture du viol, impunité, violences sexuelles… Les mots sont lâchés et ils viennent claquer dans nos esprits et dans nos tripes. C’est cette culture du viol qui permet aux agresseurs de faire subir des violences sexuelles et sexistes, en toute impunité. Il faut donc la débusquer, la traquer, la décrypter, pour l’analyser et la comprendre. Cette culture du viol, elle est une arme du patriarcat.

CHAUSSER LES LUNETTES DE L’ÉGALITÉ

Le patriarcat, il ne faut ni le sous-estimer, ni le surestimer. Sans dire qu’il faut l’estimer tout court… il nous faut regarder la réalité bien en face pour comprendre de quoi il s’agit, pour pouvoir y faire face. On est toujours un peu gêné-e-s avec l’expression « Chausser les lunettes de l’égalité ».

On l’entend de la bouche des politiques, des communicant-e-s, des expert-e-s des questions d’égalité et on se dit que cette expression entre parfaitement bien dans le moule de la langue de bois et finit donc par être galvaudée. On comprend l’image qui s’en dégage.

Forcément, c’est très simple. Les lunettes nous aident à obtenir de la clarté. Il y a donc une notion de correction de la vision du monde à laquelle on a pourtant été élevé-e-s toute notre vie durant. En cas de souci d’optique, on règle notre focale à partir d’un élément brouillé qui se lisse au fur et à mesure de la netteté donnée.

Mais dans le cas des inégalités, on part d’un paysage lissé pour arriver à percevoir enfin l’hypocrisie, la noirceur et la crasse du monde dans lequel on vit. Ça n’a pas de sens ! Et pourtant, si. Et cette démarche est même indispensable pour déblayer le chemin et l’accès à des relations horizontales et respectueuses.

Sinon, on continue de penser qu’Alain Finkielkraut fait vraiment de l’humour quand il déclare à la télévision : « Je viole ma femme tous les soirs ». Sinon, on continue de minimiser la portée des propos de types comme le chirurgien belge Jeff Hoeyberghs qui balance lors d’une conférence organisée par l’association des étudiants catholiques flamands que « Les femmes veulent des privilèges mais n’écartent plus les jambes ».

Souvent, on leur trouve des excuses. « Ce sont des gros cons de conservateurs », « Ce sont des gros cons d’extrême droite », « Ouais mais faut pas réagir à ça, c’est de la provoc’ ». En gros, une certaine catégorie - un peu à la marge de la société – a le droit à ce genre de sorties fumeuses parce qu’elle est identifiée comme ayant des pensées nauséabondes.

Finalement, tout le monde le sait donc personne n’y prête attention. Un peu comme pour les agissements de Dominique Strauss Kahn ou de Denis Baupin, de Harvey Weinstein ou de Luc Besson... pour n’en citer que quelques uns. 

LA CULTURE DU VIOL, À LA FRANÇAISE

Ce processus, visant à minimiser, n’est pas issu de la naïveté humaine mais de la culture du viol. La remettre en question, c’est perdre le confort d’être excusé à son tour pour un comportement qui sera peut-être jugé comme un peu déviant par la société (qui fermera les yeux selon la fonction et le pouvoir de l’accusé) alors qu’il est en réalité un délit ou crime.

En février 2019, la militante Valérie Rey Robert, créatrice du blog Crêpe Georgette, publie, aux éditions Libertalia, un essai intitulé Une culture du viol à la française, sous-titré « Du « troussage de domestique » à la « liberté d’importuner » », dans lequel elle commence par définir ce qu’est le patriarcat.

Ainsi, on peut lire : « Le patriarcat est défini par les féministes comme un système politique où les hommes tirent bénéfice de l’oppression féminine. » Elle poursuit en synthétisant la démonstration de l’autrice du Mythe de la virilité :

« La philosophe Olivia Gazalé détermine six axes qui définissent la domination masculine : la confiscation de la parenté, l’appropriation des femmes, la diabolisation du sexe féminin, la justification de la violence par la culpabilité féminine, la légitimation de l’exclusion par l’infériorité féminine, et le partage de l’espace et la division sexuelle du travail. »

Le 26 novembre, Valérie Rey Robert animait une conférence au Tambour, à l’université Rennes 2, dans le cadre des Mardis de l’égalité. En guise d’introduction, elle justifie le titre de son bouquin. Si on parle de culture du viol, c’est bien parce qu’il y a un ensemble d’idées reçues à propos de violeurs et des victimes de viol(s).

Des idées reçues qui se transmettent de génération en génération « et qui imprègnent tout, de la législation au langage, en passant par la perception des victimes. » Elle va encore plus loin puisqu’elle accole à la culture du viol l’idée qu’elle pourrait avoir une identité territoriale. Elle est vue ici à travers son angle « à la française ».

La militante explique : « La culture du viol dépend du pays dans lequel on est. Si on prend les affaires DSK de 2011 et de 2015, on s’aperçoit que des éditorialistes français défendent l’idée que les américains n’ont rien compris aux relations à la française. En gros, l’hétérosexualité française est fondée sur la domination et ils défendent une sorte d’identité française du gentleman qui a une sexualité un peu dure. Si on compare, Trump est dans le même genre mais personne n’aurait idée de le qualifier de gentleman ! »

Partout, on minimise les violences sexuelles. En France, on parlera alors de gauloiseries, de gaudrioles, on dira que c’est flatteur et que ça fait parti de notre patrimoine.

« Dès qu’on dénonce des violences sexuelles, on passe pour des traitresses à la nation, on trahit la manière dont on a envisagé l’hétérosexualité… Deux événements ont été marquants dans ma vie de féministe : le meurtre de Marie Trintignant et les affaires DSK. Dans le premier cas, on a excusé Bertrand Cantat et dans le deuxième, beaucoup de gens étaient prêts à excuser DSK. C’est pour ça que c’est important de bien définir les termes car ce qui n’est pas nommé n’existe pas. Il faut donc bien parler de sexisme, de patriarcat et de culture du viol. », souligne-t-elle. 

DE VICTIMES À ACCUSÉES

Dans les années 70, les féministes américaines constatent un grand nombre de témoignages autour des violences sexuelles et réalisent qu’il y en a trop pour qu’ils soient analysés comme des faits séparés et isolés. Il faut les rassembler pour comprendre que le viol est systémique dans la société.

C’est là qu’apparaît l’usage du concept de la « culture du viol ». Un concept qui va pourtant disparaître du langage pendant 30 ans, jusqu’à la connexion entre quatre événements. Deux viols collectifs secouent l’actualité étatsunienne. Dans chacune des affaires, soit les violeurs appartiennent à des familles de pouvoir, soit ils sont joueurs de football (lycéens, étudiants).

Dans chacune des affaires rendues publiques, les victimes vont être harcelées et insultées et les violeurs, soutenus et impunis pour le crime en question. Journalistes et membres de la population acculent les jeunes filles d’avoir bu et adulent les jeunes garçons qui sont la fierté de la ville de par leurs prouesses sportives.

Troisième événement : une femme en Inde décède des suites d’une hémorragie due au viol qu’elle a subi. Le message politique lancé à ce moment-là : les gentilles filles qui restent à la maison ne rencontrent pas ces problèmes-là. Alors que des ponts, entre les différentes affaires, se créent mettant en lumière un continuum de violences aux ressorts identiques, survient un quatrième élément, dans un autre registre. Il vient du chanteur Robin Thicke et de sa chanson « Blurred lines », sortie en 2013.

La phrase « You’re a good girl I know you want it » cristallise à elle seule la culture du viol, présumant qu’un homme sait qu’une femme veut du sexe, même si celle-ci semble dire le contraire. « C’est une phrase que beaucoup de filles et de femmes entendent au moment du viol. », signale Valérie Rey Robert.

Dans son livre, elle écrit que « Dans Against our will : men, women and rape, Susan Brownmiller démontre que les violences sexuelles ont été vues comme un moyen de contrôle des femmes en s’assurant par le viol ou la menace de viol de les garder sous le contrôle des hommes : le viol est« un processus conscient d’intimidation par lequel tous les hommes maintiennent toutes les femmes dans la peur ». Le livre fut très mal accueilli tant la thèse semblait scandaleuse à une époque où on pensait le viol comme extrêmement rare. » 

Aujourd’hui, on sait que c’est un demi-million de femmes majeures qui chaque année sont victimes de violences sexuelles, de toute nature, en France métropolitaine. Les chiffres sont accablants : un viol toutes les 8 minutes et moins de 10% des victimes qui portent plainte. Pourquoi ?

Les raisons sont multiples entre le(s) traumatisme(s), la peur des représailles, la peur de ne pas être crues, la peur d’être mal reçues par les forces de l’ordre et/ou les professionnel-le-s de la santé et même par l’entourage mais aussi l’image que la société renvoie aux victimes, les faisant passer pour les coupables. La cause : le sexisme. 

FOURBES, MENTEUSES ET HYSTÉRIQUES…

« On éduque les hommes en pensant que les femmes sont fourbes avec la représentation d’Eve, de Pandore ou encore des femmes fatales des films des années 30. Le personnage de la femme manipulatrice est très ancré et il est très difficile de s’en défaire y compris quand on est une femme. Les femmes ont peur d’être violées et les hommes ont peur qu’on les accuse faussement de viol. Le président Macron s’est fendu d’une déclaration appelant à faire attention aux fausses accusations. Mais peu d’accusations sont fausses. 4% selon le FBI. Alors oui, elles existent notamment de la part des ados, des personnes atteintes d’une maladie mentale ou des personnes qui ont une addiction. Et pourtant, ce sont les publics les plus susceptibles de subir des violences sexuelles. », développe Valérie Rey Robert qui embraye sur le mythe des hystériques :

« On dit que les femmes exagèrent. Les victimes exagèrent très rarement. Elles sont souvent dans le doute permanent, surtout que souvent, elles connaissent le violeur. »

Près de 90% des violences sexuelles sont commises par des personnes de l’entourage. Mais le mythe du prédateur est profondément imprégné dans nos sociétés patriarcales. On a l’image de l’homme qui rode, qui traque sa proie et qui l’attaque de nuit, dans une ruelle sombre, une impasse ou un parking. 

Quand une victime ne décrit pas une agression dans le sillage de cette vision erronée, on la questionne sur sa tenue vestimentaire, sur son comportement, sur son mode de vie. Etait-elle seule au moment des faits ? Portait-elle une jupe ou une robe ? Un décolleté ? N’a-t-elle pas envoyé des signaux à son agresseur ? Avait-elle bu ? Etait-elle droguée ? A-t-elle l’habitude de rentrer seule le soir ? N’a-t-elle pas aguiché son agresseur ? On présume qu’elle a consenti à l’acte sexuel mais qu’elle ne l’a finalement pas assumé :

« Ça fait parti des idées reçues, l’idée que les femmes chercheraient à être violées… On ne peut pas chercher un viol. Si on est dans une situation de fantasme, et que l’on demande au partenaire de simuler une agression sexuelle ou un viol, on est dans le consentement, on n’est pas dans un viol. On crée un scénario avec l’autre, on sait ce qui va se passer, ce n’est pas la même chose ! »

ELLES DISENT NON MAIS PENSENT OUI… MAIS BIEN SÛR !

Autre problématique que la militante décrit dans son ouvrage et dans sa conférence : la pulsion masculine comme signe de virilité. Un homme doit être hétérosexuel et cisgenre et doit avoir envie de sexe en permanence, doit coucher avec de nombreuses femmes et, évidemment, s’en vanter auprès des autres.

« La vérité, c’est que DSK et Baupin, ce sont juste des pauvres types qui insistaient auprès des femmes et les violaient. Ça ne va pas plus loin. », s’indigne Valérie Rey Robert. Selon l’enquête Virage, réalisée par l’Ined depuis 2005, ce sont environ 89 000 viols et tentatives de viols sur des femmes comptabilisés chaque année en France. À 90% par des hommes connus. Et pourtant, subsiste l’idée commune que le viol est commis par un inconnu.

« En tant que femme, on doit se méfier de l’extérieur. La responsabilité du viol repose donc sur les femmes. Elles ne disparaissent pas la nuit à ce que je sache ! Elles ont la trouille. Dans la journée, il y a 50% d’hommes et 50% de femmes dans les transports parisiens. La nuit, 70% d’hommes et 30% de femmes…

Les filles et les femmes sont éduquées par la société entière pour faire attention. L’impact, c’est qu’elles développent tout un tas de stratégies pour éviter de rentrer seules, de rentrer tard, etc. Elles subiront l’opprobre de leurs proches si elles veulent rentrer seules. Vous passez une bonne fin de soirée quand on vous dit ‘Tu ne t’étonneras pas si tu te fais violer’… », développe l’autrice.

Dans les films, les publicités, la littérature ou encore les médias, la culture du viol est omniprésente. Les situations dans lesquelles les femmes disent non mais pensent oui se multiplient. L’idée que les hommes ne peuvent pas résister aussi. Tout comme l’idée qu’il suffit d’insister auprès d’une femme pour qu’elle cède (puisque celle-ci en réalité en a fortement envie mais n’ose pas se l’avouer… évidemment).

Et quand la fille se défend et dénonce les agissements, rebelote : défense du violeur qui ne voulait pas faire du mal mais avait tout simplement mal interprété les signaux, et humiliation et culpabilisation de la victime qui l’a sans doute « bien cherché ». 

CULTURE DU VIOL ET DU RACISME ! 

Sauf dans des cas spécifiques. Si l’homme est atteint de maladie mentale, si l’homme est déjà connu des services de police, si l’homme est très laid ou si l’homme est étranger. Particulièrement s’il est noir ou arabe.

« Au moment de l’abolition de l’esclavage se répandait l’idée que les afroaméricains, s’ils étaient en liberté, allaient violer les femmes. Il y a eu beaucoup d’allégations à ce moment-là et de lynchages. L’idée de l’arabe violeur va perdurer longtemps après l’indépendance de l’Algérie. On sépare donc la gaudriole à la française et le viol barbare (on vise les tournantes dans les cités puisque perdure l’idée depuis le début des années 2000 que les jeunes noirs et arabes de banlieue n’ont rien de mieux à faire que de violer des femmes) des arabes et des africains vus comme des sauvages. », souligne la fondatrice de Crêpe Georgette, qui insiste :

« Il n’y a pas de portrait type du violeur. Il y en a dans toutes les classes sociales, ils n’ont pas de caractéristiques particulières, ce ne sont pas des hommes qui vivent en dehors de la société. Dans toutes les foules, les femmes ne sont pas en sécurité. A la Fête de la bière en Allemagne, les serveuses et les femmes présentes se plaignent d’agressions sexuelles et de viols. Dans tous les lieux réunissant plein de mecs, il y en a ! Lors de la Coupe du monde de football masculin, c’était pareil. »

Et pourtant, ce sont les hommes d’origine – réelle ou supposée - étrangère ou les hommes musulmans qui déclenchent la compassion (envers la victime) de l’opinion publique. Valérie Rey Robert prend l’exemple des agressions de la nuit de la Saint Sylvestre, du 31 décembre 2015 au 1erjanvier 2016, à Cologne en Allemagne, et de Tariq Ramadan en France :

« Des gens qui n’ont jamais donné leur avis sur les violences sexuelles se mettent à faire des éditos très rapidement sur les viols et très longuement sur l’Islam. Pour Tariq Ramadan, il n’y a rien de différent par rapport à d’autres hommes de pouvoir, d’autres hommes politiques qui ont abusé de leur fonction. C’est le cas de Polanski, de DSK, etc. Il n’y a rien de spécifique aux arabes. »

Dans son livre, elle écrit : « Encore aujourd’hui, ce stéréotype raciste perdure et les viols de femmes blanches par des hommes noirs sont davantage décrits dans les journaux américains. Le 17 juin 2015, le suprématiste blanc Dylann Roof entre dans une église de Charleston aux Etats-Unis et tue neuf Africains-Américains. Avant qu’il ne commence à tirer, l’une des futures victimes, Tywanza Sanders, lui demande pourquoi il agit ainsi.

Dylann Roof déclare alors : « Je dois le faire. Vous violez nos femmes et vous prenez le contrôle du pays. » Ces préjugés, particulièrement assassins pour les Africains-Américains dans leur ensemble mais plus spécialement pour les hommes, ont également des conséquences dramatiques pour les femmes africaines-américaines victimes de violences sexuelles. Le ministère de la Justice américain souligne que pour une femme blanche qui porte plainte, cinq ne le font pas. Et pour une femme noire qui porte plainte, il y en a 15 qui s’y refusent. »

Alors, oui, on le répète, on avance parce que les femmes dénoncent davantage publiquement leurs agressions, viols, leurs agresseurs et violeurs. Mais il reste un long chemin à parcourir avant que la prise de conscience, qui commence à peine à titiller les matières grises des un-e-s et des autres, ne s’applique à tout le monde, au quotidien. 

LES RÉSISTANCES AVANT LA PRISE DE CONSCIENCE

Quand Adèle Haenel parle, on l’écoute, on la croit et on la soutient (en majorité, car, forcément, il y a toujours des sceptiques, des défenseurs de la cause mâle, des anti féministes…). Tant mieux, c’est important. Mais quand c’est Madame Toutlemonde qui décrit ce qu’elle a subi de la part de son conjoint, là, on est moins convaincu-e-s.

Pareil, on grince des dents si c’est Madame Jefaiscequejeveux qui veut porter plainte contre son agresseur dont elle n’a pas l’identité complète mais chez qui elle est allée après avoir bu plusieurs verres. C’est capital que des personnes notoires brisent le silence. On a besoin, malheureusement, d’entendre des témoignages pour comprendre les mécanismes des violences sexuelles, surtout quand elles sont orchestrées par des hommes qui usent et abusent de leur fonction et/ou de leur image.

Qu’ils soient le mari, le professeur, le metteur en scène, le député ou l’entraineur. Ils sont le mâle dominant et ils le font savoir. Et savent surtout que, dans la société, règne l’impunité. Combien de David Hamilton, Guillaume Dujardin, Roman Polanski, Harvey Weinstein, Denis Baupin, Bill Cosby et autres se pavanent en toute liberté, détruisant massivement les vies de filles et de femmes ?

En quoi sont-ils différents des soldats qui punissent par le viol les habitantes du pays mis à feu et à sang ? Pourquoi n’arrive-t-on pas à les regarder de la même manière ? Pourquoi les excuse-t-on ? Qu’est-ce qui fait qu’on minimise pour certains et pas pour d’autres ?

« L’injonction à porter plainte est très forte lorsqu’on dit avoir été victime d’un certain type de violences sexuelles ; a contrario nous serons plutôt découragés si les violences vécues ne sont pas considérées comme telles ou minimisées. Toutes les victimes savent qu’elles auront affaire à un entourage dubitatif lorsqu’elles parleront. Il en sera sans doute de même avec la police et le système judiciaire. Les premières réactions d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe aux hashtags #balancetonporc et #metoo, hashtags et témoignages sur les violences sexuelles subies, furent qu’il fallait faire attention aux possibles mensonges, aux exagérations probables et à ne pas empêcher toute possibilité de séduction entre hommes et femmes ; ces opinions très communément partagées et faisant partie des idées reçues sur le viol contribuent à éviter que les victimes parlent et portent plainte.

Depuis, le réalisateur Luc Besson a été accusé par plusieurs femmes de viols et agressions sexuelles et cela a eu très peu de retentissement en France, y compris dans les médias, à tel point que le New York Timess’est interrogé sur « le silence du cinéma français ». Les acteurs Gérard Depardieu et Philippe Caubère ont également été accusés sans qu’à aucun moment il y ait une couverture médiatique comparable à celle de Weinstein aux Etats-Unis.

En revanche, lorsque l’actrice Asia Argento, fer de lance de #metoo, fut à son tour soupçonnée, le Tout-Paris médiatique et réactionnaire fit des gorges chaudes de l’accusation. Encore une fois, on constatait avec ces réactions le mépris pour les victimes de violences sexuelles. », écrit la militante féministe dans son essai Une Culture du viol à la française

L’AMNÉSIE SÉLECTIVE

On remarquera également qu’en novembre, on l’a déjà mentionné, le cinéma français était bouleversé par le témoignage d’Adèle Haenel qui lançait une véritable dynamique pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Quelques semaines plus tard, arrive à l’affiche J’accuse de Roman Polanski.

Et là, on oublie tout. Parce que Polanski bénéficie de l’aura du génie mâle qui offre au monde sa vision extraordinaire à travers ses chefs d’œuvre. Tout ce qu’on a à lui reprocher c’est d’aimer un peu trop les jeunes femmes. Oui, parce qu’un homme qui agresse les femmes, les viole, profite de sa notoriété pour exercer une emprise et les contraindre à des actes sexuels, c’est juste un homme « qui aime trop les femmes ».

Encore cette idée de l’homme viril qui assume sa mission de butiner toutes les jeunes filles en fleur, par pure bonté d’âme et sens du sacrifice. Le débat est lancé : doit-on et peut-on séparer l’homme de l’artiste ? Une nouveauté ? Non, la question est souvent posée, laissant supposer que le problème est réglé. Mais qui invite-t-on à débattre du sujet ? Qui s’exprime ? Les réactions sont effarantes.

De la part d’Arthur Nauzyciel, directeur du TNB qui justifie le maintient des séances au ciné-TNB, de la part de la Ligue des droits de l’Homme qui défend la position d’Arthur Nauzyciel ou encore de la part de Paris Matchqui titre en Une une citation de Polanski, qui accorde une interview exclusive : « On essaie de faire de moi un monstre ».

Du côté d’Harvey Weinstein, même topo. Fin décembre, il voit le début de son procès arriver à grande vitesse (pas comme lui, qui arrive au tribunal en déambulateur). Récemment opéré du dos, il « accepte » une interview dans le New York Post, dans laquelle il dévoile son sentiment « d’avoir été oublié ».

Pauvre de lui ! Lui qui a été « pionnier », comme il le dit, en matière de droits des femmes à Hollywood. Pas étonnant que leur stratégie de défense ou de communication joue sur la victimisation de leur propre personne…

« Il faut cesser la solidarité avec ces hommes. Ce n’est pas facile de renoncer à cette virilité mais c’est la seule chose à faire si on veut être un allié des féministes. Le viol ne concerne pas uniquement les filles. »

Elles sont plus nombreuses à subir des agressions sexuelles et des viols, c’est certain. Mais ce n’est pas « un problème de filles ». C’est un problème de société, infusée dans la culture du viol. Cette même culture du viol qui vise à penser que les hommes ne sont pas violés. Le viol est une arme punitive. Un acte de sanction. D’humiliation. De destruction

. Parce qu’il est homosexuel, transgenre, non binaire, étranger, pas dans la norme, un homme peut être victime d’agressions sexuelles et/ou de viols. Et on peut même en rire, paraît-il !

Au cours de sa conférence, donnée dans le cadre des Mardis de l’égalité, Valérie Rey Robert diffuse un extrait du film Gangsterdam, de Romain Levy, avec Kev Adams. Dans la scène, un homme menace deux autres avec une arme, pendant que ses copains se retournent pour ne pas voir ça.

Un des amis, visiblement très préoccupé par le sort des deux méchants à deux doigts de se faire buter, propose alors une alternative plus soft : qu’un des gangsters suce l’autre gangster. Ces derniers n’ont pas du tout envie mais sont quand même bien soulagés de ne pas crever. Tout est bien qui finit bien...

Dans la joie et la bonne humeur, on est censé-e-s assister à cette scène de fellation forcée, donc de viol, dans un climat très homophobe ? Le film, diffusé en mars 2017, qui parle de « viol cool » a heureusement fait un flop. Mais peut-on se réjouir que seulement 370 000 personnes (principalement des ados) aient vu cette scène (sans parler de toutes les autres répliques qui seraient apparemment de même acabit concernant les arabes, les juifs, les prostitués, etc.) ?

Quand arrêtera-t-on de produire et de diffuser des films qui contiennent des signes forts de la culture du viol, mais aussi de racisme et de LGBTIphobie ?

On ne peut pas cautionner que ce soit la confusion entre violences et sexualité, le soi-disant flou autour du consentement (la fameuse zone grise), ce pseudo humour qui en fait reflète exactement ce que pensent les personnes qui écrivent le scénario, réalisent le film et jouent les rôles des personnages… Il nous faut regarder les œuvres artistiques avec un autre regard. 

ÉCOUTER LES FEMMES

Et écouter celles qui à un moment donné ont été victimes. Et surtout ne pas s’arrêter aux idées reçues que l’on a autour du viol, comme l’explique Valérie Rey Robert dans son ouvrage :

« Entretenir la culture du viol ne signifie évidemment pas qu’on est soi-même un violeur. Lorsque la créatrice de mode Donna Karan dit, en défense d’Harvey Weinstein, que « les femmes cherchent les ennuis en s’habillant de cette manière », elle entretient la culture du viol en alimentant une des plus vieilles idées reçues en la matière. Mais, bien sûr, elle ne viole personne par cette parole. Il convient donc bien de dissocier les deux. Entretenir la culture du viol signifie que par ses mots ou ses actes on entretient un climat où la victime est culpabilisée et le violeur excusé, pas qu’on viole. »

Par des mots, par des actes ou par de l’indifférence. Quand on parle d’un viol, notre esprit se réfère à un schéma construit sur des idées reçues. La femme est blanche, porte une jupe ou une robe, rentre seule chez elle la nuit, l’homme est racisé, issu de la classe populaire, en situation de précarité, et a surement un physique « atypique » ou banal.

La femme est entièrement dans la norme de beauté : hétéro, cis, mince, sans handicap physique ou mental. Sur le site de Nous Toutes 35, le jour de la manifestation, on peut lire l’intervention des Dévalideuses, un collectif féministe qui lutte contre les idées reçues sur le handicap :

« Aujourd’hui nous défilons pour protester contre toutes les violences que nous subissons. Nous toutes. Enfin, sauf les femmes handicapées. C’est comme les vieilles, on va éviter d’y regarder de trop près, et on va aussi éviter de les imaginer avec des relations sexuelles, c’est trop dérangeant. Et puis de toute façon, personne n’oserait leur faire du mal, n’est-ce pas ? Vous y croyez vraiment ? Qu’une population fragilisée comme celle-ci constituée de personnes dépendantes aux soins, soit épargnée des violences physiques et sexuelles perpétrées par les hommes ? Avec le handicap, le catalogue des violences s’agrémente de mille possibilités. »

Elles listent rapidement, mais efficacement, les difficultés que vont rencontrer les femmes handicapées qui dénoncent les violences sexuelles subies :

« Peu importe votre handicap, votre déposition ne sera pas entendue par la police. Vous serez infantilisée et poussée vers la porte dès la première manifestation de votre différence. (…) Le milieu médical ne sera pas en reste. Racisée, votre douleur ne sera pas prise au sérieux. Queer, transgenre, ces sujets là seront balayés d’un revers de la main. Vous êtes handicapée, c’est déjà bien assez. »

Les militantes poursuivent leur discours : « Et puis bon, violer une femme handicapée, c’est presque lui faire une fleur, personne ne voudrait d’elle sans ça. Les hommes consentant à être en couple avec des femmes handicapées sont un peu des héros à leur manière non ? »

Les Dévalideuses appellent à la réflexion, à l’écoute et à la sororité. « Malgré ce climat délétère, nous vivons des romances, des histoires de cul et des histoires d’amour. Mais l’inquiétude est là, omniprésente, et le prix de la confiance donnée tellement élevé. Si vous décidez d’officialiser votre couple, votre AAH sera réduite à peau de chagrin, et votre subsistance totalement dépendante de votre conjoint. Vous connaissez les difficultés à quitter un mari maltraitant.

Ajoutez-y le ou les handicaps de votre choix, et vous aurez une vague idée de ce qu’une trop grande partie des femmes handi vivent. C’est pourquoi nous faisons entendre notre parole en cette journée dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes, et appelons à plus d’inclusion et de sororité dans les milieux féministes, et à terme dans la société dans son ensemble. Merci de nous écouter et de faire porter nos mots. »

TOLÉRANCE SOCIALE ET SEXISME AMBIVALENT

En janvier 2019, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes publiait pour la première fois un état des lieux du sexisme en France. L’occasion, s’il y a encore à le prouver, que le sexisme persiste et surtout qu’une « tolérance sociale » face à ce sexisme perdure.

Cette tolérance sociale s’applique dans ce que l’on voudrait considérer comme des détails du quotidien – et qui sont en fait très révélateurs de la puissance et de l’impact du sexisme – mais aussi dans les affaires de violences physiques et sexuelles. En pensant que ce n’est pas si grave, qu’il y a des sujets plus préoccupants et prioritaires, qu’on n’est pas concerné-e parce qu’on est un homme ou parce qu’on est une femme, blanche, mince, hétéro, cisgenre, etc.

Parce qu’aucun domaine, aucun secteur d’activités, n’est épargné par le sexisme, la lutte contre ce fléau est essentielle. Déconstruire les idées reçues et leur degré d’imprégnation dans les mentalités est un travail minutieux, qui demande rigueur, engagement et patience. Ça demande aussi de se répéter sans cesse.

Répéter que le sexisme, comme le dit Danielle Bousquet, présidente du HCE f/h, « n’est pas une fatalité et n’a rien de naturel », c’est une construction sociale inculquée depuis la petite enfance. Parce que fin 2019, on parle toujours différemment aux petites filles et aux petits garçons qui n’ont toujours pas accès à une répartition équitable des espaces tels que les cours de récréation. On pense encore qu’elles sont plus douces et maternelles et qu’ils sont plus bruyants et forts.

On pense encore que ce qu’on leur dit à cet âge-là et que les jouets qu’on leur donne, en fonction de leur sexe et de leur genre, n’ont pas d’incidence sur la manière dont ils et elles vont se percevoir et évoluer avec cette vision. L’éducation est genrée. La société est genrée. Dans Une culture du viol à la française, Valérie Rey Robert reprend une citation de Marie Sarlet et Benoit Dardenne pour exprimer l’idée d’un sexisme ambivalent :

« La coexistence du sexisme bienveillant et du sexisme hostile crée le sexisme ambivalent : ‘Être à la fois hostile et bienveillant est d’une efficacité redoutable pour maintenir son groupe dans son état de subordination.’ »

Ce sexisme ambivalent se retrouve à chaque période durant laquelle on note des avancées capitales pour les droits des femmes. Des périodes troubles, voire chaotiques, mais néanmoins clés dans les luttes et les progrès opérés. 

L’IMPORTANCE DE NOMMER

Multiplier les voix de celles qui ne sont pas entendues, rendre visible ce que l’on ne veut pas voir. Le 23 novembre, sur l’esplanade Charles de Gaulle, Olga monte sur le camion de l’organisation et prend le micro : « Je suis citoyenne, je suis française, je suis victime de violences conjugales. Le 11 septembre 2019, je suis partie de la maison. »

Elle a été étranglée dans la salle de bain par son compagnon. Elle a demandé de l’aide, on lui a dit de porter plainte et d’aller à l’hôpital. Elle a posé plusieurs mains courantes, appelé le 3919, obtenu des certificats médicaux, sans que « rien ne se passe », si ce n’est dans la sphère intime, où elle est violentée physiquement, psychologiquement, sexuellement et économiquement. Pendant 3 ans.

« Je suis allée voir des assos, voir le psy, j’ai un avocat, rien ne se passe. Mes plaintes sont là-bas depuis 1 an et demi. Monsieur manipule tout le monde. Il faut se battre, il faut déposer plainte tout de suite. Parler autour de vous sur ce que vous fait Monsieur à la maison, le dire à ses ami-e-s, le dire à ses collègues. »
conclut-elle, fortement applaudie par la foule.

Il en faut du courage pour prendre la parole et livrer le récit des violences subies, que ce soit une fois ou à plusieurs reprises. Car comme le souligne la pièce de théâtre Concerto pour salopes en viol mineur– présentée par la compagnie brestoise La divine bouchère au Tambour de Rennes 2 le 26 novembre, à la suite de la conférence de Valérie Rey Robert – celles qui osent s’exposent au regard apitoyé de la société, d’abord en tant que victime, ou plutôt en tant que pauvre chose, puis rapidement elles entendront ce que répète la voix off :

« Salopes de putain d’allumeuses en string léopard qui te disent non mais pensent oui, qui te provoquent du regard et qui pleurent quand tu leur rentres dedans. »

Les comédiennes le disent : « C’est un jeu sans règles dans lequel tu n’as pas la moindre chance de gagner. » Mais rappelons-nous, ce n’est pas une fatalité et la pièce s’achève sur la notion de résilience :

« Je suis une guerrière parce que j’ai dit alors qu’on voulait que je me taise. Parce que je refuse d’être la petite chose meurtrie que la société voudrait. J’ai trouvé moi-même la rédemption. J’ai mon casque et mon armure. C’est pas poli mais j’ai gueulé comme un animal mutilé par sa blessure. J’ai dit les mots qu’on veut taire. J’ai dit « viol » et j’ai dit « je » ! »

Evidemment, on peut transposer, il n’y a pas que le viol dont la loi du silence vient à être brisée. Les menstruations, les inégalités salariales, la charge mentale, les assignations genrées, les injonctions paradoxales, l’endométriose, la ménopause, la domination masculine, la précarité, la sexualité, la vulve, le clitoris, l’orgasme et on en passe. Les sujets sont variés mais leur point commun est qu’ils ont été rendus tabous.

Parce que comme disait Simone de Beauvoir, « nommer, c’est dévoiler et dévoiler, c’est agir ». L’animatrice de France Inter Giulia Foïs, le 19 septembre dernier, tape à juste titre un coup de gueule intitulé « Le viol n’est pas une sexualité », dans lequel elle rappelle justement cette citation et y ajoute celle d’Albert Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde ».

Les mots ont un sens et le langage est révélateur de la société. Encore une fois, oui, on avance. On reconnaît désormais le terme « autrice » qu’Aurore Evain révèle dans ses conférences comme n’étant pas récent, et on féminise les noms de métiers. C’est un début.

Un début de prise de conscience que les femmes ont leur place dans tous les secteurs de la société. Elles sont la moitié de l’humanité, il est impossible de conserver cette règle patriarcale prétendant que le masculin l’emporte sur le féminin. Sinon, on invisibilise les femmes et non, ce n’est pas un combat secondaire.

Le langage est utilisé au quotidien et fait passer dans l’inconscient collectif des messages forts. Si la gent féminine est évincée de la langue française, elle est amputée par conséquent de son droit à la parole. Ainsi, dans sa chronique, la journaliste a raison d’insister à propos des termes employés dans une étude américaine sur le consentement dévoilant qu’aux Etats-Unis « plus de 6,5% des femmes ont connu un premier rapport non consenti. » Elle s’indigne :

« Ça s’appelle un viol. Pas un rapport non consenti. Même si c’est plus doux. Même si c’est plus joli. »

Et note que le silence protège toujours les agresseurs. 

LES MOTS ONT UN SENS

Tuer une femme parce qu’elle est femme est un féminicide et non un drame passionnel. Depuis septembre, dans plusieurs villes en France, des militantes placardent des mots pleins de sens sur les murs et les trottoirs, sous forme de collages et de pochoirs. À Rennes, on ne peut pas passer à côté :

« On ne veut plus compter nos mortes », « Lucette, 80 ans, tuée par son mari, 84eféminicide », « Papa, il a tué maman », « Honorons nos mortes, luttons pour les vivantes, le 23/11 sortons dans la rue », « On ne tue jamais par amour », « Espérance de vie des femmes transgenres noires : 35 ans », « Elle le quitte, il la tue », « Féminicides : police complice », « Vanessa 36 ans tuée par balle par un client 2018 », « 109 hommes ont tué leur (ex) femme », « Voilée ou pas, c’est mon choix », « Dans 40 féminicides, c’est Noël » ou encore « On ne nait pas femme on en meurt », « Le sexisme est partout nous aussi »,« Violeur à ton tour d’avoir peur ».

Ces mots, ces phrases, ces vérités, il faut les lire, les entendre, les comprendre. Ce ne sont pas des « slogans chocs » comme l’écrit Le parisien, c’est une sombre réalité. Pour ces affichages, effectués sans autorisation, plusieurs militantes des Collages Féminicides, notamment à Paris et à Lyon, ont été interpellées par les forces de l’ordre. Les membres des collectifs s’interrogent :

« Nous mettons trois minutes à coller nos affiches et les forces de l’ordre réussissent à intervenir dans ce temps record. Pourquoi ne se déplacent-elles pas si vite quand des femmes en danger les appellent à l’aide ? »

Mettre des mots sur les difficultés, sur les situations spécifiques, sur les paradoxes, sur les freins, les empêchements, les tabous. Sur nos vécus. Le 28 novembre 2019, à la Maison des Associations, le groupe d’entraide Le poids des maux, en lien et avec la Société bretonne de psycho criminologie et psycho victimologie, organisait le 2ecolloque inversé, dans le cadre du 25 novembre à Rennes.

Cette journée se nomme : « Ça s’appelle violences conjugales… et après ? » Oui, les mots ont un sens. « Violences conjugales, ce sont des mots faciles à prononcer mais ce n’est pas si simple de les entendre et c’est plus compliqué encore de les comprendre. Pour les personnes qui vont témoigner, je préfère parler d’anciennes victimes car on n’est pas des victimes ad vitam aeternam. », signale la créatrice du groupe d’entraide en guise d’introduction.

Elle laisse ensuite la parole à la présidente d’honneur du colloque inversé. Muriel Salmona est psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie. Personnalité engagée, elle est reconnue par la presse en tant qu’experte. Pour elle, il faut « échanger, parler ».

Elle partage le constat que beaucoup de choses se sont passées en cette année 2019 et rend hommage aux 138 femmes (décompte au 28 novembre) tuées depuis le début de l’année par leur conjoint ou ex-conjoint :

« Pourquoi, pourquoi, pourquoi le terme féminicide s’est vraiment imposé en 2019 ? C’est grâce aux professionnel-le-s et aux médias qui ont fait l’effort de mieux nommer. Surtout, ce sont toutes les personnes qui ont été victimes qui font avancer les choses, qui se battent, qui se mobilisent. Toutes les lois qui ont changé la donne ont été votées grâce aux victimes. Ce colloque est dans cette lignée, dans l’importance de ce qui a à être révélé, changé, reconnu. »

BRISER LA LOI DU SILENCE

Oui, on voit poindre à l’horizon une prise de conscience de la société, un réveil des politiques (nous, on dirait plutôt de la récupération…) qui ont ainsi organisé plusieurs mois durant le Grenelle des violences conjugales et une mobilisation plutôt solide et solidaire. Muriel Salmona en appelle tout de même à la prudence :

« Souvent, les faits sont connus des forces de l’ordre mais les femmes et les enfants ne sont pas protégé-e-s. Il y a une absence de prise en compte de la gravité de ce qu’elles vivent. »

Des mesures, à la suite du Grenelle, ont été annoncées. Mais le travail est immense et la psychiatre en rappelle les grandes lignes : prendre en compte, dans le décompte, les tentatives de meurtres, ne pas reconnaître les agresseurs comme des bons pères, prendre en compte les conséquences psychotraumatiques dans la nécessité de soins – « Ça ne viendrait à l’idée de personne de ne pas soigner quelqu’un qui a une fracture ! Là ce sont des atteintes neurologiques mais c’est pareil. » - ne jamais abandonner aucune victime de violences, passer par le soin, passer par l’information (et la solidarité sur les réseaux sociaux)…

« La mobilisation se met en place mais on est encore loin du compte. » Assises à ses côtés, plusieurs femmes sont présentes sur la scène pour témoigner de leurs vécus. « Il y a 15 ans, j’ai rencontré le prince charmant. C’est pas marqué sur leur front qu’ils vont vous détruire entièrement. Je viens d’arriver à Bordeaux, je suis déjà isolée. J’ai un bon terrain car j’étais victime de viol déjà. Dès le début, je commence à beaucoup attendre, attendre, attendre et à m’en vouloir. La première soirée a été en fait un viol, je m’en suis rendue compte 14 ans après. », déclare Julie qui ouvre la première table ronde « Comment en arrive-t-on à pouvoir se dire victime de violences conjugales ? ».

Elle tombe amoureuse. La première insulte arrive au bout de 6 mois, un soir en boite. « Là, je me dis que je suis nulle, que je ne vaux rien, que je ne suis qu’une pute. J’intègre ces paroles-là à mon manque de confiance en moi. Malheureusement, je tombe enceinte. Heureusement, la nature est bien faite et j’avorte. Je change d’appartement, il veut les clés. Il vient juste pour me violer. Il m’insulte, me détruit psychologiquement et sexuellement. Je suis capable d’avoir des réactions envers les autres mais je suis incapable de conscientiser sur le mec avec qui je suis. », poursuit-elle.

Le déclic survient après un nouvel an. Il arrive à 23h55, l’insulte, la déshabille, la viole avec un couteau, la met devant le miroir en lui disant qu’elle est moche et il la douche :

« Et puis, j’oublie. C’est là où je me suis dit qu’il y avait un problème. Mettre les mots dessus, ça a mis 14 ans. »

Une deuxième Julie enchaine avec le récit de son expérience. Elle a une fille de 7 ans et est partie depuis 3 ans et demi. Elle se dit de nature optimiste, très positive, « la petite nana d’1m50 qui ne lâche jamais. » Ce jour-là, à la Maison des Associations, elle s’exprime :

« J’ai envie de pouvoir parler librement, sans avoir peur. Je ne sais pas depuis 2 ans où est le père de ma fille, il m’a menacée de mort 30 ou 40 fois, j’ai été battue, je suis terrifiée. J’ai tout à apprendre encore. Je m’autorise à avoir rien compris, j’accepte de partir de 1. Je suis fière d’avoir réussi à protéger ma fille. Une partie de moi est morte là-bas. Une autre est là et veut vivre et non plus survivre. »

Elle raconte qu’elle entend encore ses pas traverser l’appartement alors qu’elle vient de lui écrire une lettre lui expliquant ce qu’elle ressentait. A peine le temps de mettre sa fille de quelques mois dans son lit et il l’attrape et lui fait manger sa lettre. Aurore, elle, confie à l’assemblée - constituée de professionnel-le-s sociaux, de psychologie mais aussi des forces de l’ordre, de la justice, de la santé, de victimes de violences conjugales et d’emprise et de personnes se sentant concernées par le sujet - qu’elle n’a pas réussi à protéger sa fille.

Enfant, elle a rencontré des problèmes de santé, a grossi et a vécu du harcèlement scolaire. « Quand cet homme est tombé amoureux de moi, la faille était là et je me suis laissée avoir. Il m’a mis une claque la première fois parce que je n’étais pas d’accord avec lui. Il s’est excusé. Je suis tombée enceinte. Il était adorable au début. Ils le sont tous au début. On habitait chez mes parents, on a pris notre propre appartement et c’est là que ça a vraiment commencé. », dit-elle.

Il la bouscule, elle lui trouve des excuses. Elle cherche du travail, ses amis à lui disent que sa place à elle est à la maison. Il lui tire les cheveux, lui crache à la figure :

«Puis les coups sur la tête. C’était de pire en pire, je me retrouvais régulièrement au sol. Il y a des moments où on attend juste que ça passe. On n’est plus là moralement. On ne ressent rien, ça vient après. » Il crache au visage de sa fille lorsque celle-ci a 3 ans. Elle décide de partir pour de bon. « J’ai tout fait pour que ce mari et ce père ne puisse pas m’approcher. Personne n’a voulu m’écouter dans les institutions. Il s’en est pris à ma fille sexuellement parlant, elle avait 6 ans. Il s’en est sorti tranquillement, je dirais. », conclut-elle. 

LES HOMMES, TOUJOURS LES HOMMES

Au tour de Rachel de relater son histoire. Pas le temps, elle est interrompue par une autre intervenante qui tient à préciser que là, les témoignages viennent de femmes mais que cela arrive également aux hommes. Et tient à préciser aussi qu’elle était signataire de la tribune sur la liberté d’importuner.

C’était en janvier 2018. Dans Le Monde paraissait une tribune signée par un collectif de 100 femmes qui dénonçaient – à travers les hashtags Metoo et Balancetonporc – « une justice expéditive (qui) a déjà ses victimes, des hommes sanctionnés dans l’exercice de leur métier, contraints à la démission, etc., alors qu’ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir touché un genoux, tenté de voler un baiser, parlé de choses « intimes » lors d’un diner professionnel ou d’avoir envoyé des messages à connotation sexuelle à une femme chez qui l’attirance n’était pas réciproque. »

Culture du viol, quand tu nous tiens ! À la française, ajouterait Valérie Rey Robert, la tribune commençant ainsi : 

« Le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste. »

Encore une fois, les mots ont du sens. L’article parle de « drague insistante ou maladroite », au même titre que l’étude américaine parle de « rapport non consenti ». On ne nomme pas exactement le problème. Dans le premier cas, il s’agit de harcèlement de rue (ainsi que de harcèlement moral et/ou sexuel au travail, dans les transports en commun, etc.), dans le second, de viol. 

On peut même ajouter qu’on entend encore parler de « femmes battues ». Il s’agit là de violences conjugales, un terme qui marque non seulement que les violences surviennent au sein du couple et sont effectuées par le partenaire mais aussi que les coups ne sont pas uniquement physiques, ils peuvent être psychologiques, sexuels, économiques, etc., et même tout ça à la fois. À chaque fois, le phénomène se produit majoritairement des hommes envers les femmes.

Rappeler fréquemment que certains hommes en sont victimes eux aussi, c’est nier l’effet de masse, la culture du viol, et c’est nier que la domination masculine est un système. On montre là à quel point hommes et femmes ont intégré la culture patriarcale, avec ses assignations, ses injonctions, ses paradoxes, ses violences et ses conséquences, mais aussi à quel point on craint - si en parlant des vécus spécifiques aux femmes on ne souligne pas que TOUS les hommes ne sont pas des connards – d’être étiquetée féministes anti-hommes.

Ce sont pourtant ces deux points-là, qui sèment souvent le trouble dans les esprits, qu’il faut combattre. Non, être féministe, revendiquer son droit à se balader tranquillement dans la rue sans être harcelées, son droit à s’approprier son corps, son droit à faire ses propres choix concernant sa carrière, sa vie sociale, sa vie familiale, son droit d’être reconnue en tant qu’individu (et pas en tant qu’objet, qu’elle n’est pas), son droit à la parole, son droit d’être valorisée pour son expertise, son droit d’être qui elle est (et non qui elle doit être) avec sa personnalité à elle, sa couleur de peau, sa tenue vestimentaire, sa religion ou non, ses comportements, son orientation sexuelle, son origine sociale, son groupe social, sa profession, etc. ne veut pas dire être contre les hommes. Les féminismes amènent à déplacer le regard, depuis trop longtemps androcentré, ethnocentré et hétéronormé. 

NON, LES FÉMINISTES NE SONT PAS DES RABAT-JOIES

On dit que désormais, les femmes parlent. Elles ont toujours parlé mais n’ont pas été écoutées. N’ont pas été médiatisées. Voilà, ce qui change. L’écoute, l’intérêt et le relais que l’on apporte maintenant aux témoignages. Il faut écouter, il faut entendre. Que ce soit le premier réflexe.

Celui qui remplace la remise en cause, les questions accusatrices, la curiosité malsaine. Il faut être critique, c’est certain. Pas envers les femmes qui relatent les violences sexistes et sexuelles subies mais plutôt envers un système vicieux qui se dédouane sans arrêt de ses responsabilités et se répètent de génération en génération. Soyons attentives et attentifs à ce qui se joue autour de nous.

Entre effet de communication, marketing (et pinkwashing), récupération et procédés bien ficelés depuis des lustres, il y a de quoi se faire avoir vite fait et en beauté. La lutte pour l’égalité entre les individus se doit d’être exigeante. Non, les féministes ne sont pas des rabat-joies. Elles réclament le droit à l’égalité, au respect et à la dignité. Et pour cela, elles pointent et interrogent ce qui tend et sous-tend les relations entre les hommes et les femmes.

Elles revendiquent leur liberté et brisent au fur et à mesure les tabous et les silences qui figent chaque idée reçue dans le marbre du patriarcat et du capitalisme. Elles témoignent, démontrent, expliquent, enquêtent, relatent, analysent, dénoncent, expérimentent, et concluent : rien ne différencie l’homme de la femme, si ce n’est son sexe (et encore est-ce un critère finalement ?).

Elles décryptent alors les freins et les mécanismes, communs à toutes les oppressions, et les étalent sur la place publique. En réaction, méprise, humiliation et condamnation. Elles disent non, elles disent stop. Le 23 novembre 2019, la marée violette a battu le pavé. C’était beau, exaltant, grisant.

Parce que ce jour-là, la mobilisation symbolisait ce nouveau tournant dans les combats féministes, qui s’installe depuis plusieurs années déjà. Un nouveau souffle, peut-être. Le 24 novembre, le journal Sud Ouesttitre en Une : « Ils crient ‘Assez’ ». L’enthousiasme retombe comme un soufflé. Pas parce qu’une publication a le pouvoir de nous ruiner le moral mais parce que, comme d’habitude, « le masculin l’emporte sur le féminin ».

Quelques jours plus tôt, en ouvrant l’édition du dimanche du Télégramme, on s’attarde sur la Une du journal des sports. Que des mecs. Non, une femme apparaît également. On compare les titres. Concernant les hommes : « Brest tombe sur deux as », « Nicolas Benezet : C’est l’Amérique », « Cycle cross : championnat d’Europe Van der Poel attendu », « Guingamp : merci Nolan Roux ! » et « Voile : Brest Atlantique : de la casse sur « Macif » ».

Concernant la seule femme : « Handball : Isabelle Gullden : maman est de retour ». Grosse claque. On lit le résumé :

« Alors que le Brest Bretagne Handball affronte Buducnost (Monténégro) ce dimanche en Ligue des champions, l’internationale suédoise Isabelle Gullden retrouve peu à peu ses marques, après avoir donné naissance à son fils en juillet dernier. »

S’INTÉRESSER À LA MOITIÉ, OUBLIÉE, DE L’HUMANITÉ

Ce ne sont pas des exemples isolés. Combien de médias se contentent de faire les gros titres avec le décompte des féminicides pour se donner bonne conscience ? Combien de médias réfléchissent au nombre d’expertes interrogées ? À l’image qu’ils renvoient en ne prenant pas soin de penser que les mots ont un sens ?

Combien de radios ou de chaines de télévision diffusent des émissions bourrées de clichés sexistes, racistes, LGBTIphobes, grossophobes, handiphobes, etc. ? De spectacles ou de sketches d’humoristes qui trouvent drôles de rabaisser et d’humilier les femmes, les étrangers, les homosexuels, les handicapés, etc. ?

La culture du viol repose sur le sexisme latent et la tolérance sociale envers les inégalités et les discriminations. Alors, oui, on avance. Parce que les femmes se sont battues et se battent toujours pour un meilleur accès à l’information, à une information de qualité, et pour la diffusion de cette information.

Parler de sexualité, de règles, d’endométriose, de viols, d’agressions sexuelles, d’épilation, de masturbation, de transidentité, d’intersexuation, de féminicides, de violences conjugales, de charge mentale, d’inégalité salariale, d’emprise, d’abus de pouvoir, de complexes, de normes, de transgression des normes, d’homosexualité, de parentalité, de religion, de la déconstruction de la féminité, d’homoparentalité, de PMA pour tou-te-s, de harcèlement, de féminisation de la langue, d’écriture inclusive, de racisme, de liberté, de droits, de choix, de minceur, d’obésité, de corps en tout genre, de prostitution, de l’allongement du congé paternité, d’avortement, de stratégies d’évitement, de précarité menstruelle, de manspreading, de vulve, de clitoris, de vagin, de contraception, du voile, etc. ça fait partie de la vie de 50% de la population mondiale.

C’est important d’en parler. Sans juger. Juste écouter, se renseigner, s’interroger sur ce qui constitue le quotidien de la moitié de l’humanité. Laisser s’exprimer pleinement les personnes concernées (parce qu’on peut aussi écouter un débat sur les féminismes entre Eric Zemmour, Christophe Barbier, Eugénie Bastié et Catherine Millet, mais là, ça n’apporte rien à part des souffrances et une furieuse envie d’en finir avec la vie).

Ne rien lâcher. C’est compliqué, surtout quand la justice nous met des bâtons dans les roues en ordonnant le réaffichage de la campagne anti-IVG dans les gares parisiennes. Derrière les panneaux « La société progressera à condition de respecter la maternité », « La société progressera à condition de respecter la paternité » et « La société progressera à condition de respecter la vie » se trouve Alliance Vita, « association pour la dignité humaine qui vient en aide aux personnes fragilisées par les épreuves de la vie ».

« On ne nait pas femme, on en meurt », signale un message du collectif Collages Féminicides Rennes. Elles haussent le ton, les féministes. Et elles ont bien raison. De faire retentir leur voix à l’unisson dans le Roazhon Park en chantant L’Hymne des femmes avant un match de coupe du monde, en instaurant un nouvel hymne mondial grâce à la chorégraphie Un violador en tu camino (Un violeur sur ton chemin) du collectif féministe chilien Las Tesis.

Bien raison de faire des chroniques sur les sexualités, d’exposer la multiplicité des corps, de manifester, d’enquêter sur les violences sexuelles et sexistes dans tous les domaines d’activités, de compter et de comptabiliser en pourcentage le nombre de femmes et le nombre d’hommes dans chaque secteur, de dénoncer les inégalités, de parler de leurs vécus, de dire non, de résister, de s’opposer, d’exiger de meilleures conditions de vie pour elles mais aussi pour eux et les générations à venir, de protéger la planète, de faire ce qui leur plait. Nous ne sommes qu’aux prémices d’une (lente) révolution sociétale. Ne soyons pas dupes, ne lâchons rien.

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Féministes : la lutte s'intensifie
Les voix de la colère
Priorité du quinquennat...

Célian Ramis

Violences conjugales : à travers les générations

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Paulin-e Goasmat pose son regard sur un sujet qui traverse les époques : les violences conjugales. Des années 70 à aujourd’hui, la domination masculine perdure et enferme les victimes dans la culpabilité et la honte.
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Réalisateur-e de fictions courtes, Paulin-e Goasmat investit la thématique de la 10édition du Nikon Film festival « Une génération », pour poser son regard sur un sujet qui traverse les époques : les violences conjugales. Des années 70 à aujourd’hui, la domination masculine perdure, profitant du silence qui règne autour de cette chape de plomb, enfermant ainsi les victimes dans la culpabilité et la honte. À l’heure où Céline Sciamma et Iris Brey prônent le female gaze sur grands et petits écrans, Dix ans X-Y-Z s’inscrit parfaitement dans ce regard intime nous invitant à faire l’expérience au moment même où la protagoniste la vit. Ici, pas besoin de s’identifier pour comprendre. On regarde, on écoute, mais surtout on ressent.

Sur le bureau d’une enfant faisant ses devoirs, la télévision est allumée : « Savez-vous qu’il y a en France des femmes battues ? » Nous sommes en octobre 1975 et une chaine diffuse un micro-trottoir sur les violences conjugales. Des hommes répondent à la question :

« J’ai entendu, j’ai pas vu mais y en a certainement eu depuis tout le temps », « Dans certaines circonstances oui », « Disputées disons… oui, un geste malheureux », « Quelques petites gifles oui, trois fois rien », « Je bats pas la mienne, mais des fois j’en ai envie quand même hein », « oh vous savez y en a qui aime ça par habitude vous savez », « Des hommes battus, ça, certainement y en a moins que des femmes… ».

La petite fille éteint le poste. Mais dans une autre pièce de l’appartement résonne la dispute de ses parents. Celle-là, elle ne peut pas l’arrêter. Elle met de la musique pour ne plus entendre les cris et les insultes. Du lecteur de vinyles dans une chambre au papier peint à motifs des années 70 sur lequel on épingle l’affiche de Retour vers le futur, on passe à un lecteur CD dans une chambre aux murs blancs ornés de guirlandes lumineuses et de posters de Mon voisin Totorro et d’Harry Potter.

Et toujours, en fond, quand la musique se coupe, les engueulades incessantes. La pré-adolescente se saisit de son téléphone et de ses écouteurs, dernier refuge, avant que sa mère n’entre dans sa chambre, le ventre bien arrondi de sa grossesse et l’œil très noirci des coups qu’elle subit.

« T’inquiète pas mon chat, ça va aller », dit-elle, fixant la caméra. C’est comme si elle nous défiait de son regard qui semble nous interpeler pour nous dire « Vous voyez, vous savez, mais vous ne faites rien ». Le ressenti est glaçant. Ce coup-là ne nous marque pas le visage mais se grave dans nos chairs et dans nos tripes. Parce que comme le montre si bien Paulin-e Goasmat, le problème n’est ni nouveau, ni méconnu. 

UNE THÉMATIQUE INSPIRANTE

« Aujourd’hui, la seule différence, c’est qu’aucun homme n’accepterait de dire ça à visage découvert. On pourrait entendre les mêmes phrases mais les hommes seraient masqués. », nous dit Paulin-e Goasmat, réalisateur-e de fictions courtes et de clips. Chaque année, iel regarde la thématique du Nikon Film Festival sur laquelle iel fait régulièrement réfléchir et travailler ses étudiant-e-s à l’école d’art MJM Rennes. 

Pour cette nouvelle édition, ce sera « Une génération », un thème qui lui plait et qu’iel partage avec une amie, Gabrielle Pichon comédienne et autrice pour l’écriture, qui s’effectue en deux jours, fin août. En septembre, le gouvernement lance son grenelle contre les violences conjugales et à cette occasion, ressort un micro-trottoir de 1979, qu’iel va donc reproduire dans son court-métrage. Iel lance un appel sur les réseaux sociaux et découvre avec joie que les réponses sont nombreuses :

« On a passé une heure place de la Mairie à retourner ce micro-trottoir et l’implication des gens m’a beaucoup touché-e. J’ai appelé Gabrielle, qui m’avait annoncé qu’elle était enceinte et qui a accepté de jouer la mère et c’est ma belle fille qui a joué la fille. On a pris le temps de parler de ce sujet avec elle. On a deux filles, on est une famille homoparentale tournée vers une éducation non genrée et féministe. Elle a du construire une histoire qu’elle ne vit pas dans son quotidien. On a tourné à la maison, c’est un film intime avec une équipe pro. »

Pour Paulin-e, Dix ans X-Y-Z n’a pas vocation à interpeler les pouvoirs publics mais plutôt à rentrer dans les foyers et dans les consciences. 

QUE LA HONTE CHANGE DE CAMP

Pour déconstruire l’image préconçue que l’on se fait de la victime, qui reste dans la relation comme si elle cautionnait d’être frappée. Et pour cela, Paulin-e Goasmat réalise un court-métrage percutant et sensible dans lequel iel joue avec les espaces temps qui finissent pas se confondre.

Car depuis les années 70 et la diffusion de ce micro-trottoir, les violences conjugales se perpétuent et les coups assénés par les conjoints ou ex-conjoints tuent, en France, plus d’une centaine de femmes par an. En 2019, 149 ont été assassinées par des hommes. Non par amour, non par passion.

« Il faut du courage pour parler, il faut du courage pour partir. Avant les coups, il y a les mots, le poids des mots, la violence, le rabaissement pour dominer la victime. J’ai fait le choix du hors champs pour les parents car il n’y a pas besoin de voir la violence pour la subir. On le voit, l’enfant a besoin de se déconnecter de ça. Dans le film, il n’y a pas de jugement. Il faut que la honte change de camp. Quand quelqu’un-e ose parler, on lui reproche de briser la famille. Ce n’est pas normal de culpabiliser les victimes. Ici, j’aborde aussi les victimes collatérales : les enfants. Sans oublier que la mère est enceinte. Le trauma peut perdurer sans que l’on s’en rende compte. », souligne Paulin-e.

Iel le dit, son court-métrage est militant, et le féminisme n’est pas un gros mot. Son objectif : que Dix ans X-Y-Z soit vu et que le message circule. En effet, c’est essentiel, un support comme celui qu’iel a créé avec son équipe. Pour faire prendre conscience d’une réalité, pour ouvrir des discussions, pour faire jaillir des interrogations et des paroles qui peut-être n’osaient pas s’affirmer, que ce soit dans l’intimité ou dans l’espace public.

Parce qu’iel sait que parfois, en lisant un témoignage ou en visionnant un documentaire ou un film, on met tout à coup des mots sur un ressenti.

« Je pense qu’il faut parler pour faire évoluer la société et les rapports humains. Il n’y a pas une journée où je ne reprends pas une personne sur l’homophobie, le racisme, le sexisme. Je n’ai plus envie de me taire ! »
conclut Paulin-e Goasmat. 

Iel nous fait du bien. Son engagement anime son discours et ses créations. Déjà dans le film court Conquérantes, on avait été marqué-e-s de son habileté à jouer des temporalités pour fixer son objectif sur le continuum que représentent les violences sexistes. Une fois encore, on adhère totalement à sa proposition et on la recommande sans modération. 

 

Célian Ramis

L'art de pointer une sombre réalité

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Le nom annonce la couleur : Concerto pour salopes en viol mineur. Pièce proposée par La Divine Bouchère, elle dresse un état des lieux « froid et sarcastique », autour de la question du viol et du statut de victime.
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Le nom annonce la couleur : Concerto pour salopes en viol mineur. Pièce proposée par la compagnie brestoise La Divine Bouchère, écrite par l’autrice et comédienne Jessica Roumeur, elle dresse un état des lieux « froid et sarcastique », autour de la question du viol et du statut de victime. Le 26 novembre dernier, juste après la conférence de la militante féministe Valérie Rey Robert sur la Culture du viol à la française, le quatuor finistérien a présenté sur la scène du Tambour, à l’université Rennes 2, son spectacle, issu du projet « Silence on viole ». 

Sur scène, quatre femmes s’installent sur un canapé et enfilent des perruques sur un concerto de Vivaldi. Les violons s’emballent, les personnages aussi. Beaucoup de gestes, beaucoup de paroles que l’on ne distingue pas tant les voix se couvrent entre elles. Jusqu’à ce que retentisse un « Salope ! ». La musique stoppe net.

Au micro, une des femmes raconte : « Un jour, j’avais 16 ans, c’est ce soir-là que c’est arrivé. Tout le monde s’amusait, j’avais reçu beaucoup de cadeaux. Lui, je le trouvais beau, je souriais, j’étais contente. Je suis montée, il était là, il m’a suivi, j’étais contente. Il m’a embrassé, j’étais contente. Il a fermé la porte, m’a bloqué les bras, je pouvais plus respirer. Il a sorti son sexe, ça passait pas. J’ai crié, il a dit « Ta gueule ». Il allait vite et fort. Il a fourré son sexe dans ma bouche et il m’a dit « Tu vois, c’était pas la peine de gueuler ». »

Il y a des mots que l’on a du mal à prononcer, comme le mot « vagin ». Il y a des phrases que l’on prononce trop facilement, comme « il va t’arriver des bricoles ». Il y a des situations qui nous obligent à détacher notre corps de notre esprit pour ne pas mourir sur le coup, comme au moment des violences sexuelles et/ou physiques.

Et il y a ces réactions faussement compatissantes qui se répètent, les « Oh la pauvre » et les « C’est atroce », avant de se transformer en soupçons, humiliations et culpabilisation, et finalement de devenir des insultes. « La salope ! », « C’est vrai que c’est la honte. », « Salope, salope, salope, salope ». De nouveau, Vivaldi envahit le plateau. Jusqu’au bouquet final. L’apothéose de cet ascenseur émotionnel dont le voyage aura duré 30 minutes.

« J’ai laissé le silence commander ma vie. Ça va aller maintenant. Je suis une guerrière parce que j’ai dit alors qu’on voulait que je me taise. Parce que je refuse d’être la petite chose meurtrie que la société voudrait. J’ai trouvé moi-même le rédemption. J’ai mon casque et mon armure. C’est pas poli mais j’ai gueulé comme un animal mutilé par sa blessure. J’ai dit les mots qu’on veut taire. J’ai dit « viol » et j’ai dit « je » ! ».

Les quatre femmes quittent leurs perruques. 

SILENCE ON VIOLE

Bim. Grosse claque dans la gueule. Coup de boule, comme dit l’autrice. Elles nous secouent Anaïs Cloarec, Louise Forlodou, Véronique Heliès et Jessica Roumeur, dans cette pièce qui trouve son origine dans le projet « Silence on viole », une campagne artistique contre le viol, qui s’est déroulée du 9 novembre au 15 décembre 2013, à Brest.

« C’est une plasticienne, Marion Plumet, qui a eu cette idée parce qu’en général, les campagnes de prévention sont bourrées de clichés. Elle m’a proposé de me joindre à elle en tant qu’autrice. », explique Jessica Roumeur qui nous indique rapidement qu’à l’âge de 16 ans, elle a subi un viol : « J’avais jamais pensé à écrire autour de ça. Marion aussi a été victime d’un viol, ainsi que d’autres femmes que l’on connait. C’est un véritable fléau. »

Une vingtaine d’artistes se sont réuni-e-s autour de ce projet qui entame une démarche de réveil des consciences mais surtout de libération de la parole, face à la loi du silence imposée par la culture du viol. Le spectacle va ainsi commencer à voir le jour et va être étoffé, à partir de témoignages, d’imagination, d’analyse et d’observations. Depuis que s’est-il passé ?

Du côté des mentalités, pas grand chose. Du côté des chiffres, on est passé de 75 000 viols comptabilisés par l’enquête ENVEFF à 89 000 (enquête désormais intitulée Virage). Par an, en France. Et plus de 220 000 agressions sexuelles. « Depuis qu’on joue la pièce, #Metoo a fait pas mal de remous. Et on entend des paroles qui font du bien. On avance, par à-coups. Mais les chiffres ne diminuent pas. Après le spectacle, on propose toujours un temps d’échange parce qu’après 30 minutes aussi intenses, il faut en discuter et prévoir des respirations communes. », signale l’autrice, qui précise que Concerto pour salopes en viol mineurne tend pas à exposer des solutions mais à dresser « un état des lieux froid et sarcastique ».

Elle le dit, ce n’est pas un « sujet glamour » et il est hors de question d’enjoliver la sombre réalité et de produire du sensationnalisme. « Les médias s’en chargent déjà », glisse-t-elle. 

SILENCE SUR LES PLANCHES

Côté diffusion, ça coince : « Quand on a monté la campagne, on nous disait d’aller voir plutôt la Santé, et côté Santé, on nous disait d’aller voir plutôt la Culture. Personne ne veut s’en charger. Pourtant, dans l’art, on parle de plein de choses ! Mais le viol, on ne veut pas voir, on ne veut pas dire. La parole se libère mais pas partout et pas pour tout le monde. Dans la réalité, c’est encore un parcours de la combattante. Quand on dit viol, c’est comme si on mettait un coup de poing ou qu’on faisait un attentat. Comme ça touche aux parties génitales, on parle de sexualité, d’intimité, alors que c’est un crime ! L’intime est politique ! »

Serait-ce une tache dans la programmation ? Nous, on dirait plutôt que c’est un spectacle indispensable. Engagé et intelligent, tant dans le fond que dans la forme. La mise en scène est épurée et les costumes, les attitudes et les témoignages donnent une touche d’émissions-témoignages tires larmes, animées par (anciennement) Jean-Luc Delarue, Sophie Davant, Faustine Bollaert ou encore Evelyne Thomas.

« On a donné un esthétique télévisuelle car dans ces émissions, les paroles des victimes sont souvent instrumentalisées pour accentuer le sensationnalisme. », explique Jessica Roumeur. La compagnie La Divine Bouchère met en mots et en perspective les voix, les accusations, les hypocrisies, les jugements et les malaises qui se confrontent et se confondent avec les récits des victimes. C’est intense, brut et bouleversant. La violence qui en émane n’est pas décuplée, elle est simplement le miroir de la réalité qu’il nous faut regarder bien en face. 

Depuis, la partition de Vivaldi accompagne comme une ritournelle cette phrase déclamée par une comédienne et qui claque dans nos oreilles et nous glace le sang : « C’est un jeu sans règles dans lequel tu n’as aucune chance de gagner. » Déjouons la fatalité, battons-nous contre le sexisme, allons le dire et l’entendre dans les théâtres. Entre autre. 

 

 

Célian Ramis

Trans 2019 : Les tripes à l'air avec Lous and The Yakuza

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Après Jeanne Added et Aloïse Sauvage, c'était au tour de Lous and The Yakuza de monter sur la scène de l'Aire Libre, à l'occasion des TransMusicales 2019.
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Chaque année, aux Trans, c’est un peu le suspens : qui sera l’artiste en création à l’Aire Libre ? La réponse attise la curiosité, principalement parce que c’est sur cette scène que se propulsent certaines carrières, à l’instar par exemple de Jeanne Added ou Aloïse Sauvage. Du 4 au 8 décembre, c’est Lous and The Yakuza qui était en résidence et en concert tous les soirs à St-Jacques-de-la-Lande. 

En première partie, le duo d’Alber Jupiter nous hypnotise et nous transcende. Entièrement instrumental – guitare / batterie – et psychédélique, les musiciens renno-nantais nous envoient loin, très loin dans les étoiles en quelques morceaux post-rock.

La voix de Marie-Pierra Kakoma nous ramène directement sur notre fauteuil. « Une vie de merde, c’est juste une vie de merde. », chante-t-elle. Ce qui paraît être une évidence banale, ou une banale évidence, prend une autre tournure avec la chanteuse, autrice, compositrice de Lous and The Yakuza.

Les sujets abordés sont lourds de sens et parfois graves. Elle les interprète avec calme et légèreté. Sans jamais leur enlever cette substance sérieuse et pesante. Simplement, elle déplace le point d’impact. Capte l’attention de par son air naturellement joyeux et sa manière d’angliciser bon nombre de termes quand elle s’adresse au public. Et bam, elle frappe.

« Je sens comme un courant d’air entre les jambes de ta mère… », entame-t-elle rapidement dans son set. La prostitution ne sera pas l’unique et seul tabou qu’elle lèvera pendant le spectacle. Elle parle aussi de violences sexuelles, relatant dans une autre chanson l’histoire d’un viol, à travers le point de vue de l’agressée et le point de vue de l’agresseur. 

Et aborde également le problème du racisme. Dans le texte, elle souligne « Pourquoi le noir n’est-il pas une couleur de l’arc-en-ciel », précisant que les noir-e-s doivent sans cesse « se défendre, se taire, se débattre, se battre jusqu’à la muerte. » Face au public, elle explique : « Cette chanson, « Solo », je l’ai écrite pour les gens de ma communauté, c’est-à-dire les noir-e-s. Parce que quand on est noir-e en Europe, on fait face à beaucoup de racisme et on se sent seul-e. »

Comme un fil conducteur, la solitude traverse quasiment tous les morceaux qu’elle présente et qui figureront prochainement - au printemps 2020 - sur son premier album. Depuis quelques mois, l’artiste belge a dévoilé à plusieurs reprises son parcours de vie, relatant une période durant laquelle elle a vécu dans la rue.

Elle s’en inspire pour sa musique, qui mêle pop, r’n’b et chanson française, mais ne raconte pas précisément son vécu. Elle puise dedans, et ce qu’elle nous restitue semble plutôt appartenir à des choses de l’ordre de l’observation et du ressenti.  

Accompagnée de deux musiciens et de deux choristes, elle délivre une voix au service de ses récits. Sur le fil du rasoir, comme si elle allait dérailler. Et finalement, elle ne rompt jamais. On sent sa puissance mais la chanteuse de Lous and The Yakuza n’entre pas dans la performance vocale. Elle utilise sa voix comme instrument et moyen d’expression pour sortir le fond de ses tripes.

La proposition est sensible et joyeuse. Très entrainante, Marie-Pierra Kakuma n’hésitant pas à faire lever le public à plusieurs reprises pour le faire danser. N’hésitant pas non plus à directement aller dans le public « pour être là ensemble ».

Sa proximité surprend son audience, bousculée dans les habituelles conventions d’une salle de théâtre. Celle-ci s’en amuse et embarque même les plus sceptiques dans un spectacle basé sur le jeu de clair-obscur, autant dans la forme que dans le fond.

Célian Ramis

Rassemblement politique et syndical contre les féminicides

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Le 27 septembre se tenait, à Rennes, le premier des 3 rassemblements, destinés à rappeler au gouvernement que les moyens et actions « promis-es » contre les violences conjugales ne sont pas à la hauteur des besoins et des attentes.
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« Forces politiques de gauche et de progrès, syndicats, associations féministes et d’accompagnement des femmes victimes » (selon le communiqué) ont lancé à Rennes trois appels au rassemblement pour lutter contre les violences faites aux femmes. Vendredi 27 septembre se tenait, à République, le premier d’entre eux, destiné à rappeler au gouvernement et son Grenelle contre les violences conjugales que les moyens et actions « promis-es » ne sont pas à la hauteur des besoins et des attentes. 

Du 3 septembre au 25 novembre 2019, le gouvernement a lancé le Grenelle contre les violences conjugales. Très décrié pour l’absence de réels moyens – financiers mais pas que - mis en place pour lutter contre les inégalités hommes/femmes, on peut se demander s’il s’agit là d’une énième action de communication pour affirmer que l’égalité entre les femmes et les hommes figure en tête de liste des priorités du quinquennat macronien ?

Le Grenelle fait en tout cas miroiter des places d’hébergement supplémentaires pour les femmes victimes de violences, un dispositif d’accès à des logements, l’ouverture 24h/24 et 7j/7 du numéro d’urgence 3919…

Quand ? Avec quels moyens ? Les réponses restent vagues et imprécises dans tous les discours de Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, qui dressait un premier bilan quinze jours après le lancement en grande pompe du Grenelle.

Sans budget supplémentaire, les associations et structures féministes, les dispositifs d’aide aux femmes victimes de violences conjugales, ne peuvent intervenir à hauteur de l’urgence et de la demande. Sans formation des forces de l’ordre, des travailleurs sociaux, du personnel des enseignant-e-s, des professionnel-le-s de la santé, des membres de la Justice, les féminicides resteront atrocement nombreux et terriblement impunis.

LE LONG COMBAT DES ASSOCIATIONS

Depuis le début de l’année, plus de 110 femmes ont été tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints. C’est bien ce que rappellent les messages collés ou pochés sur les murs et trottoirs de la ville de Rennes depuis plusieurs semaines par des militantes féministes, invitant les Rennais-es à se mobiliser contre les féminicides et à prendre part à la marche contre les violences faites aux femmes, organisée par le collectif Nous Toutes 35, le 23 novembre (la manifestation aura également lieu dans d’autres villes de France).

C’est ce que dénoncent tout au long de l’année les militantes féministes, à travers des conférences, des happenings, des mobilisations, etc., alertant sur les (mauvais) traitements médiatiques et judiciaires qui minimisent souvent la parole des victimes et l’acte en lui-même, le caractérisant de « drame passionnel » ou de « drame familial ».

Au quotidien, les associations féministes œuvrent, au sein d’une plateforme d’aide aux victimes (Asfad, CIDFF, UAIR, Planning Familial 35, SOS Victimes 35), à la mise en sécurité, l’aide, l’accompagnement et la reconstruction des femmes victimes de violences, soutenues par les collectivités à hauteur de leurs faibles enveloppes, les budgets Droits des femmes et Egalité entre les femmes et les hommes étant toujours largement insuffisants.

MOBILISATION POLITIQUE ET SYNDICALE

À République, le 27 septembre, on aperçoit les drapeaux des Jeunes Socialistes, de la France Insoumise, de la CGT, de Solidaires, de Lutte Ouvrière, d’Iskis – centre LGBT de Rennes et de Zin 35 (association des femmes kurdes à Rennes). Des pancartes « Aux femmes assassinées, la patrie indifférente », « La jeunesse emmerde le Front Patriarcal » ou encore « 17 – Je me fais battre par mon mari – Merci de patienter - + 1 morte » trônent contre les arcades.

« Monica, Pascale, Séverine, Nadine, Béatrice, Charline, Patricia, une femme, Céline, Josette, Gaëlle, une femme, Ginette, Ilal, Julie, Georgette, Dolores, Dalida, Sandra, une femme, Mouna, Mariette, Dounia, Justine… », les 110 prénoms des femmes assassinées par leurs conjoints ou ex-conjoints depuis le 1erjanvier 2019 sont déclamés au micro. 

Les discours rappellent qu’elles ont été « fusillées, poignardées, brûlées, défenestrées, égorgées, noyées, étouffées, tuées à coups de marteau… ». Que 60 000 euros par Département ne suffisent pas, là où il en faudrait minimum 6 millions. Que « la lutte a besoin de moyens à la hauteur des enjeux » afin que les associations, collectivités, etc. puissent combattre « ce fléau social ».

Plusieurs dizaines de personnes ont répondu ce jour-là à l’appel des « Forces politiques de gauche et de progrès, des syndicats, des associations féministes et d’accompagnement des femmes victimes ». Pourtant, sur place, elles sont peu nombreuses les associations féministes et d’accompagnement des femmes victimes.

OÙ SONT LES ASSOS ?

« Certaines sont venues avec leur drapeau, comme Iskis ou Zin, l’association des femmes kurdes. Il y avait aussi des représentants qui sont venus à titre individuel. Je crois que les associations ont la volonté de rester neutres politiquement, ce que je comprends. », explique Béatrice Hakni-Robin, membre de la Fédération socialiste d’Ille-et-Vilaine. 

Mais aucune ne figure dans les signataires de l’appel, ni n’est mentionnée dans les discours. On s’interroge, au même titre que certaines militantes présentes, sur l’intention de ce rassemblement politique et syndical.

« Il est important de se mobiliser sur ces grands sujets de société pour modifier nos rapports, inscrits dans notre société et fondés sur des rapports de domination. », souligne Béatrice Hakni-Robin.

Mais qu’en est-il de ces sujets-là au sein des partis politiques et des syndicats, non exempts des rapports de domination et des violences engendrées par les inégalités entre les hommes et les femmes ? « C’est vrai que ces sujets-là ne sont pas très discutés dans nos partis et syndicats. C’est l’occasion qu’ils soient mis à l’agenda politique. Il est temps que ces violences qui font aujourd’hui parties de la normalité passent dans l’inacceptable, l’interdit.»

Elle poursuit : « Je sais combien les associations sont mobilisées et que leurs combats sont solides et nombreux. Il faut que le politique s’engage dans ce combat là. Et je suis convaincue que le politique a tout son sens dans ce rassemblement face au Grenelle car on n’entend pas les associations à ce propos. Je ne vois pas de réactions associatives. », souligne Béatrice Hakni-Robin. 

VIGILANCE FACE AU GRENELLE

Pourtant, les réactions sur les réseaux sociaux ont été nombreuses. Toutes appelant à la vigilance face à ce Grenelle, afin qu’il ne soit pas qu’une action de communication. Dans son communiqué national, le Planning Familial écrit, le 5 septembre :

« Si nous pouvons saluer la présence de plusieurs ministres (au lancement du Grenelle, ndlr),montrant que la question doit être transversale et traitée à tous les niveaux, ainsi que l’annonce de certaines mesures demandées par les associations concernant l’autorité parentale ou l’audit de 400 commissariats pour améliorer l’accueil des victimes de violences de couple, nous regrettons que certaines annonces et bilans fassent écho à divers rapports et préconisations déjà existants : les bracelets électroniques, la généralisation des prises de plaintes à l’hôpital, l’augmentation des places d’hébergement ou encore des mesures de prévention à l’école… »

Véronique Séhier, qui signe le communiqué, détaille également : « Nous déplorons le manque d’annonces budgétaires qui accompagnement ces annonces : il faudrait 6 millions d’euros au moins pour garantir aux 12 millions d’élèves, prévention et éducation dès le plus jeune âge lors des séances d’éducation à la sexualité (permettant de comprendre les violences, et les notions d’intimité et de protection), une campagne de prévention régulière dans les établissements scolaires et pour le grand public afin de faire évoluer les mentalités. Il faudrait encore pour la formation des policiers, des professionnel-le-s sociaux, médicaux, enseignant-e-s et toujours de l’argent pour garantir aux victimes une prise en charge rapide et une protection (quand il faut parfois 3 semaines pour avoir une ordonnance de protection faute du manque de professionnel-le-s…). Toutes ces mesures devant s’accompagner d’une augmentation du nombre de professionnel-le-s sur le terrain dans tous ces domaines…

Nous regrettons également le manque d’annonces concernant la santé, quand nous voyons le nombre important de violences dépistées lors de consultations gynécologiques et l’impact sur la santé des victimes, le manque d’annonces concernant la prise en charge des auteurs de violences : nous ne pouvons plus tolérer que les auteurs sortent de prison sans avoir été pris en charge de manière éducative et psychologique, comme c’est le cas depuis longtemps au Canada. »

ASSOCIATIONS ET COLLECTIFS FÉMINISTES : QUEL APPEL ?

À Rennes, le Planning Familial ne s’est pas encore positionné concernant les rassemblements organisés par les forces politiques et syndicales, comme nous l’explique Mathilde Lefèvre, présidente du PF 35, mais devrait apporter une réponse dans les prochaines semaines, pour le 2erassemblement, fixé au 17 octobre, à République.

Du côté de Nous Toutes 35, Appoline Morinière signale que le collectif n’avait pas les forces nécessaires à ce moment-là (en raison de la rentrée et de la préparation de la marche du 23 novembre) pour être présentes en nombre ni le 27 septembre ni dans l’organisation de la mobilisation. Et indique également que Nous Toutes 35, en tant que jeune collectif, n’a pas souhaité – voyant qu’aucune association féministe n’était signataire de l’appel - être la seule organisation à prendre position.

« Nous avons donc décliné la proposition tout en partageant les réserves et critiques émises au sujet du Grenelle et en étant convaincues qu’une mobilisation d’ampleur sur le sujet des violences faites aux femmes est nécessaire. », conclut la militante. 

L’association Osez le Féminisme 35 a été prévenue par mail « qu’avait lieu ce rassemblement mais ce n’était pas un message qui nous invitait à la co-organiser/être signataires, il s’agissait de nous inviter à diffuser l’info dans nos réseaux. » Plusieurs militantes de la structure s’y sont rendues à titre personnel. 

Le prochain rendez-vous politique et syndical contre les féminicides aura lieu le 17 octobre, avec ou sans les associations féministes. Quoi qu’il en soit, une mobilisation d’ampleur est attendue comme chaque année à l’occasion du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette année, la marche est prévue le 23 novembre. Et après ? Qu'en sera-t-il du rassemblement politique et syndical autour des violences faites aux femmes ?

Célian Ramis

Banalisation des viols

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Depuis 2012, la structure féministe Prendre Le Droit accompagne les femmes victimes de violences sexuelles dans les procédures judiciaires. À Rennes, les militantes pointent le problème de la correctionnalisation du viol.
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« Selon la loi, toute personne est considérée comme consentante à une pénétration sexuelle en toute circonstance sauf si elle démontre que l’agresseur a usé de violence, contrainte, menace ou surprise. » Le 22 novembre, au CRIJ, l’association rennaise Prendre Le Droit dénonçait le recours massif de la Justice à la correctionnalisation du viol. 

« La fellation forcée ne va pas être qualifiée de viol par les jurés (…). On a d’autres priorités pour les assises. », explique par téléphone la procureure de la République à la juge d’instruction, dans une scène imaginée – fortement inspirée de la réalité - par l’association Prendre Le Droit. 

Depuis 2012, la structure féministe accompagne les femmes victimes de violences sexuelles dans les procédures judiciaires. Le 22 novembre, les militantes pointaient la correctionnalisation du viol, «qui permet de décider qu’un homme accusé de viol, qui devrait normalement être jugé par la Cour d’assises car il a commis un crime, sera jugé par un Tribunal correctionnel, pour un délit : le crime de viol est « transformé » en délit d’agression sexuelle. », indique le fascicule de PLD remis à la fin de la conférence. 

De l’organisation de la Justice aux enjeux actuels, en passant par l’histoire de la pénalisation du viol et les définitions des violences sexuelles, elles défendent l’accessibilité au droit «malgré sa complexité. » 

Dans ce cas particulier s’ajoute l’emprise du patriarcat dont la Justice est loin d’être exempte puisqu’en France « on estime qu’entre 50 et 80% des viols font l’objet d’une correctionnalisation. » Elles constatent sur le terrain que, du dépôt de plainte au jugement, les faits sont minimisés.

« L’enjeu est de faire reconnaître la caractérisation d’un des 4 modes opératoires : violence, contrainte, menace ou surprise. Et c’est d’autant plus difficile quand on sait que les violences sont souvent commises par des proches ou des personnes qui exercent des fonctions d’autorité. »
explique Clémentine. 

Pour Laure, la correctionnalisation réside dans un « tour de passe-passe », celui « d’oublier la pénétration qui caractérise le viol. » Elles militent pour que l’agresseur accusé démontre qu’il s’est assuré du consentement de la personne. 

« On exige des femmes que sans arrêt elles se battent. Au moment du viol, du dépôt de plainte, de la procédure, du procès, etc. Des fois, on ne peut pas se battre contre tout. », précise Laure, rejointe par Ornella : 

« Nous souhaitons que les hommes qui sont jugés le soient à la hauteur du crime commis. Tant que ce ne sera pas le cas, le monde n’ira pas droit. »

Célian Ramis

Violences : la bataille contre le sexisme

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Face à l'étendue des violences exercées à l'encontre des femmes, il n'est pas toujours évident de réagir. Manifestations, témoignages, écoute, empathie, solidarité, coups de gueule... Les combattantes d'aujourd'hui ont mille façons d'agir individuellement et:ou collectivement.
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« Le temps de la colère, les femmes / Notre temps est arrivé / Connaissons notre force, les femmes / Découvrons nous des milliers ! Reconnaissons-nous, les femmes / Parlons-nous, regardons-nous / Ensemble, on nous opprime, les femmes / Ensemble, révoltons-nous ! »

Le 24 novembre dernier, à Rennes comme ailleurs en France ce même jour, l’Hymne des femmes parcourait les rangs de la marche contre les violences sexistes et sexuelles.

Elles (et ils) étaient plusieurs milliers, main dans la main, à dénoncer toutes les violences à l’égard des femmes, à affirmer que « Non c’est non » et à revendiquer le droit à être les égales des hommes. D’une seule voix, elles ont prôné leur droit à la liberté.

Fin 2017, l’affaire Weinstein, #MeToo et #BalanceTonPorc agissaient en véritable accélérateur des consciences. La société, ahurie, découvrait une partie de l’ampleur des violences contre les femmes... En 2018, la question bouillonnante de la place des femmes n’a pas cessé d’agiter l’actualité française, européenne et internationale. Et pour chaque avancée, il a fallu essuyer les retours de bâton d’un patriarcat malheureusement très implanté et infusé dans toutes les sphères de la société. Susan Faludi, essayiste et gagnante du Pulitzer, l’écrivait déjà en 1991, dans son livre Backlash : « En effet, il s’agit d’un phénomène récurrent : il revient à chaque fois que les femmes commencent à progresser vers l’égalité, une gelée apparemment inévitable des brèves oraisons du féminisme. » (Newsletter n°16 des Glorieuses, 26 décembre 2018, « Après le retour de bâton, la révolution »). Heureusement, nombreuses sont les révoltées, militantes, résistantes et combattantes du quotidien. Marianne, symbole de liberté, a désormais des milliers de visages.

On oublie souvent qu’un des plus forts symboles de la République est une femme. On oublie souvent de la citer. Pourtant, elle est une guerrière affranchie de ses entraves. Une femme qui ose prendre les armes pour défendre ses droits et sa liberté. Une personnalité qui aujourd’hui représente la citoyenneté dans sa globalité et qui prend de temps à autre des allures de grandes stars, telle une Brigitte Bardot ou une Catherine Deneuve (celle-là même qui début 2018 signait une tribune réclamant le droit à être importunée, avant de présenter ses excuses face à une polémique dépassant les meilleures attentes d’un patriarcat qui savoure bien paisiblement devant son écran la bataille des femmes contre les femmes).

Récemment, cinq Marianne ont attiré l’attention des médias à l’occasion d’une action éclair le 15 décembre lors d’une manifestation des gilets jaunes à Paris. Sur les Champs Elysées, seins nus, corps et visages recouverts de peinture argentée et gilets à capuche rouge, elles s’opposent, immobiles et en silence, à un cordon de CRS. Selon Franceinfo, il s’agirait d’une performance que l’on devrait à l’artiste luxembourgeoise, habituée des happenings, Déborah de Robertis.

On aime l’image, on aime le message, on aime imaginer une Marianne aux multiples visages, profils, parcours et origines. Lesbienne, trans, noire, grosse, mince, hétéro, bi, activiste ou non, croyante ou non, issue de la classe ouvrière ou de la classe bourgeoise, occupant une fonction plus ou moins importante ou recherchant un emploi. Peu importe, face aux violences, elle lutte. Avec acharnement. Sa quête toujours en tête : la liberté. 

LES VIOLENCES, QUELLES VIOLENCES ? 

En 2018, 22% de violences supplémentaires à l’encontre des femmes sont constatées par le ministère de l’Intérieur, ayant présenté les chiffres de la délinquance en septembre dernier. Une augmentation peu surprenante qui va de pair avec l’après #MeToo et #BalanceTonPorc, mouvements qui ont permis de rassembler les témoignages des femmes victimes de violences, révélant davantage l’ampleur des inégalités entre les femmes et les hommes.

Révélant également le silence plombant et les nombreuses conséquences des idées reçues qui régnaient depuis tout ce temps au-dessus de ces sujets. Que sait-on réellement des violences exercées à l’encontre des femmes ? Après deux ans d’enquête sur les féminicides, la journaliste essayiste Titiou Lecoq fait le bilan dans Libération, le 3 janvier 2019 dans un article intitulé « Meurtres conjugaux : deux ans de recensement, plus de 200 femmes tuées et tant de victimes autour ».

Elle décortique et analyse les maux et les mots : « Il y a un point commun : ce sont des hommes qui tuent des femmes parce qu’ils considèrent qu’elles doivent leur appartenir. Qu’elles n’ont pas le droit de partir, de tromper, de refuser, de crier, de reprocher, de faire la gueule, d’agir comme bon leur semble. Ils ne supportent pas qu’elles soient des personnes libres et indépendantes. Ils ne tuent jamais par amour. Ils ne tuent pas parce qu’ils aiment trop. Ils tuent pour posséder, et posséder ce n’est pas et ce ne sera jamais aimer. » 

Elle poursuit, bien décidée à ce que l’on appelle un chat un chat et un meurtre un meurtre : « Mais le plus terrible au milieu de toutes ces horreurs, c’est qu’il y ait encore des procureurs pour déclarer :

« C’est une séparation qui se passe mal. » Autre phrase fausse : tous les trois jours une femme meurt sous les coups de son compagnon. Nous devrions la rayer de nos formules toutes faites. Ces femmes ne meurent pas sous les coups. Elles sont tuées. Parfois elles sont battues à mort, mais pas toujours. Outre que cette phrase passe sous silence l’intention meurtrière, elle invisibilise l’étendue du phénomène en ne prenant pas en compte les survivantes. La réalité, c’est que presque tous les jours, en France, un homme tente de tuer sa compagne ou son ex-compagne. » 

Autre vérité dont elle fait état dans son article : il s’agit bel et bien de tentatives d’homicide et les chiffres ne prennent en compte que les meurtres commis par le partenaire ou l’ex-partenaire. « Si on ne parle que d’une femme tuée tous les trois jours, c’est uniquement parce que le taux de réussite n’est pas de 100%. », souligne-t-elle, à raison. 

DROIT DE VIE ET DE MORT 

Certaines s’en sortent. D’autres sont tuées parce qu’elles ont refusé les avances d’un homme. D’autres encore se suicident. Malgré tout, elles restent souvent présumées coupables. Elles ont dû le chercher, elles ont dû le mettre en colère, elles ont dû le provoquer...

Début janvier, la décision de la Commission d’indemnisation des victimes frappe les mentalités. Rappelons les faits : un soir en 2013, au Mans, la police intervient au domicile d’un couple. En effet, l’homme vient d’agresser un ami commun. Les forces de l’ordre conseillent à sa compagne de ne pas rester dans l’appartement mais il n’y a plus de train pour rejoindre sa famille, elle n’obtient aucune réponse favorable du 115 et de son entourage, elle dort sur place.

Quelques heures plus tard, il la défenestre, la frappe à nouveau au sol, le tout causant sa paraplégie. Il est condamné à 15 ans de prison mais la commission d’indemnisation des victimes ne retient qu’une indemnisation partielle, établissant qu’il y a un partage de responsabilité et que la femme a commis une faute civile en restant chez elle. L’information choque. 

Et pourtant, régulièrement, les femmes sont placées sur le banc des accusées tandis qu’elles dénoncent des situations dont elles sont victimes. Violences conjugales, féminicides, agressions sexuelles, viols... Les faits sont minimisés, les témoignages peu pris en compte et les plaignantes culpabilisées, voire humiliées.

« La folie prend la forme de notre société, et dans une société sexiste où les femmes, leurs corps, leurs vies, sont toujours soumises au contrôle, dans une société où elles n’ont pas encore acquis leur droit réel à exister en tant que telles, la folie des hommes reflète les processus de domination sous-jacents qui font nos implicites sociaux. Elle cristallise le sexisme ordinaire comme un précipité chimique et le transforme en son point le plus extrême : le droit de vie et de mort. », explique Titiou Lecoq dans Libération.

PAS UNIQUEMENT PHYSIQUES 

Plus percutantes dans les esprits, les violences physiques et sexuelles sont souvent les premières citées, les plus médiatisées aussi. On pense aux femmes battues, aux femmes violées, aux femmes mutilées. Pourtant, les violences prennent diverses formes et se nichent dans bien des détails. 

Quand on lui demande à quoi cela fait référence pour elle, Morgane, 44 ans, répond : « Aux coups, aux gifles, aux baffes, aux coups de pied dans le ventre. Au viol. Aux mains aux fesses et à toutes les agressions sexuelles du même type. À un mari, un concubin, un conjoint qui forcerait sa femme, sa concubine, sa conjointe à avoir un rapport sexuel. Mais les discriminations professionnelles (salaires, plafond de verre, postes à responsabilités inaccessibles, etc.) et privées (tâches ménagères, charge mentale et émotion- nelle) peuvent aussi être violentes... Une blague sexiste, un commentaire dans la rue sont des violences, un collègue qui mate ton boule, un autre qui met des calendriers de femmes nues dans son bureau, etc. c’est violent ! » 

Virginie, 31 ans, pense instantanément à la violence psychologique. Celle qui peut mener ensuite à la violence physique. « Ça commence toujours en général par le psychologique. Ça me fait penser à mon expérience personnelle familiale, à ce qu’a vécu ma mère, à ce qu’ont vécu mes sœurs. J’ai grandi avec un père pervers narcissique. On dit que c’est un terme à la mode, moi, je trouve ça dur qu’on dise ça car ça décrédibilise. Je ne crois pas que ce soit à la mode, simplement, aujourd’hui on met enfin un mot sur une attitude dangereuse des hommes comme ça. Il y a aussi des femmes, je sais, mais ce sont généralement des hommes. À cause de lui, on a vécu des violences psychologiques et de la manipulation psychologique parce qu’on était des femmes et donc qu’on avait aucune valeur. Après, j’ai subi d’autres violences, comme malheureusement 90% des femmes de mon âge : des relations non consenties, des regards sur nos corps qui nous ont fait beaucoup de mal parce qu’on ne voulait pas être regardées comme ça, des violences de rue gratuites qui s’ajoutent à celles de la rue (peur de l’inconnue, peur de se faire agresser, etc.). C’est la double peine. », analyse-t-elle. 

LA DOUBLE PEINE 

Interroger les femmes sur leurs vécus de femmes, c’est prendre le risque de s’exposer à des violences inouïes. Parce qu’elles ont toutes, la plupart du temps, des récits lourds, qu’ils aient été conscientisés ou non. 

Pour Anne, 40 ans, c’est en répondant à la question qu’elle en vient à réaliser que subir de la violence quand on est une femme est quasiment une norme acceptée :

« Je ne m’intéresse pas particulièrement au sujet mais je trouve qu’il est de plus en plus visible dans les médias. Assez, je ne sais pas, car finalement c’est montré, mais seulement montré. Étrangement, à l’idée de l’avoir vécue cette violence, j’aurais dit que non au premier abord. Mais en fait, si. Se faire traiter de « connasse », « pétasse », etc. est d’une violence déjà incroyable. Sans aller jusqu’aux insultes, cela peut passer par des remarques régulières très rabaissantes. Et là, ce qui peut faire peur c’est que ça en devient banal. Et je me rends compte en répondant à cette question, que j’ai failli banaliser ce qui a pu m’arriver, pensant que « quand même il y a pire et que j’avais qu’à ceci...cela. » C’est dingue le mécanisme de culpabilisation qui se met en place ! »

De son côté, Virginie évoque aussi ce rapport à la normalité : « Je pensais que tout le monde vivait ça. Que c’était normal. J’en ai toujours vécu et vu dans mon voisinage, mon entourage... Comme si on devait subir ça parce qu’on n’avait pas le choix. En faisant une thérapie, j’ai réalisé que je n’avais pas à subir quelque chose que je n’accepte pas. Par là, je suis arrivée à en parler avec des amies qui lisaient, se renseignaient sur le sujet. Mais là, on a 30 ans, on est entre adultes, c’est plus simple en quelque sorte. Je voudrais que la prise de conscience arrive plus tôt. Que dès l’école, le collège, le lycée, la parole se libère. Je me rappelle cette époque-là, avec la peur d’être une salope, d’être considérée comme une salope, une fille facile. C’est une violence et ça m’a toujours énormément pesé. » 

APPRENDRE À SE TENIR À SA PLACE... 

Dès la petite enfance, l’éducation genrée va venir inculquée aux filles et aux garçons de nombreuses assignations dues à leur sexe. Elles aiment le rose, jouer à la poupée et au poney, sont douces, discrètes, polies. Elles rêvent d’être chanteuses, coiffeuses ou actrices. Elles feront des études littéraires et seront puéricultrices, institutrices ou assistantes sociales.

Ils aiment le bleu, jouer au foot et à la bagarre, parlent forts, prennent toute la place, se font sans cesse reprendre en classe parce qu’ils sont indisciplinés. Ils rêvent d’être médecins, astronautes, sportifs de haut niveau ou encore ingénieurs. Ils feront des études scientifiques et deviendront médecins, astronautes, sportifs de haut niveau ou encore ingénieurs. 

C’est caricatural ? Non. Le champ des possibles, pour les filles, se réduit à mesure qu’elles grandissent. Car depuis leur tendre enfance et cette chère poupée qu’elles coiffent, habillent, promènent en poussette et changent, cette chère dinette, grâce à laquelle elles ont cuisiné tant de bons petits plats à leurs poupées, ce bon vieux package ‘balai, serpillière’ avec lequel elles ont tellement amusé leurs parents en mettant de l’eau partout sur le sol, elles ont été conditionnées à s’occuper de la sphère privée : tâches domestiques et éducation des enfants sont leur grand dada, quand elles ne sont pas occupées à rêver du prince charmant des Disney et des contes pour enfants. 

Doucement mais surement, bien imprégnées de la culture du viol diffusée en masse dans les publicités, les jeux vidéos, les films, les médias, etc. elles intègrent qu’elles sont des objets à disposition des hommes et traitent au quotidien avec une charge mentale à nous faire péter les plombs dès le petit matin. Les violences sont vicieuses, pernicieuses, tapies dans l’ombre mais constamment et confortablement installées dans les souliers pas du tout douillets de la moitié de l’humanité qui subit, persuadée que « c’est normal ». 

Les injonctions sont nombreuses et sortir des assignations, c’est s’exposer à un rappel à l’ordre : quand une femme outrepasse sa fonction, elle paye une note plus ou moins salée et traumatisante. Cela peut être dans un commissariat où l’on ne prendra pas sa plainte parce qu’au moment des faits elle avait bu ou qu’elle a suivi le mec chez lui avant de lui dire « Non », un Non qui veut pourtant dire Non. 

Cela peut être dans l’entourage proche ou professionnel persuadé que celle qui dénonce « exagère» parce que « franchement, Marc, de la compta, c’est un gars bien, propre sur lui, beau gosse » qui n’a aucune raison de s’en prendre à Annabelle, une « fille banale ».

On la changera peut-être de service si elle persiste dans ses dires. On éloignera une femme de son foyer si son mari s’avère vraiment violent. On cherchera à atténuer les propos, à nuancer les actes mais rarement à traiter la source du problème. Et les femmes en pâtissent, souvent dans le plus grand silence. 

« Je me suis sentie très vulnérable face à la brutalité masculine, physiquement bien sûr mais mentalement aussi quand mes agresseurs ont ri de moi... Tous les jours, mes amies et collègues subissent des réflexions, des discriminations, sont contraintes de prouver qu’elles sont capables de bien faire leur boulot, qu’elles sont légitimes à leur poste, qu’elles n’ont pas à attendre l’assentiment de quiconque (généralement un ou des mecs) pour porter une jupe courte, pour rire fort et gras, pour bouffer avec les mains des frites bien grasses, pour draguer, pour picoler, pour baiser, avorter, enfanter, pour faire la vaisselle et de la couture si elles veulent, ou pas. Bref, la violence, c’est aussi ça, que chacun de nos gestes, chacune de nos paroles, chacun de nos choix, soient dictés par le patriarcat, soit épié et condamné quand ça ne colle pas aux codes de notre bonne vieille société patriarcale. », s’insurge Morgane, bien lasse et scandalisée « d’être traitée d’hystérique dès que tu émets une idée et c’est pire quand tu gueules légitimement contre un truc. »

Elle poursuit :

« La violence c’est de vouloir faire de nous de pauvres petites choses fragiles, douces, soumises, dociles, à la cuisine, au supermarché, avec les mômes mais surtout pas dans les sphères politiques, entrepreneuriales, financières, à des hauts postes, au comptoir des cafés, etc. ça non, surtout pas et ça, c’est violent. » 

DIFFICILES À NONCER 

Depuis longtemps, les femmes dénoncent les inégalités. En attestent les luttes féministes et les avancées obtenues grâce à cela. Malgré tout, les résistances perdurent et les retours de bâton sont bel et bien présents. Les militantes sont traitées de feminazies, d’anti-hommes, de mal baisées, etc. Parce qu’elles osent mettre en évidence les conséquences d’un patriarcat trop peu remis en question et souvent jugé comme obsolète.

Rappelons-nous de ce fameux JT de France 2, présenté par un David Pujadas sûr de lui en annonçant que la fin du patriarcat datait des années 60... On a alors tendance à vouloir très vite éteindre le feu dès lors qu’une femme souffle sur les braises et réanime la flamme d’une lutte complexe puisqu’elle touche à l’ensemble d’un système social et politique, profondément sexiste, raciste, classiste et LGBTIphobe.

Difficile là-dedans de faire entendre sa voix sans que celle-ci ne soit isolée, méprisée, décrédibilisée, voire assassinée, comme tel est le cas de la brésilienne Marielle Franco, tuée en mars 2018. Elle dérangeait une partie de la classe politique. Ses opposants l’ont tuée. Alexia Daval aussi dérangeait son mari. Elle l’étouffait, il parait. Il l’a tuée. L’opinion publique est secouée.

Mais le doute subsiste pour certain-e-s qui persistent à penser qu’elle détient une partie de la responsabilité de sa propre mort. Fallait pas faire chier. Fallait pas atteindre la virilité de son homme. L’ambivalence est le meilleur allié du patriarcat qui aime semer le doute, diviser. 

Et même avec une conscience politique et engagée autour de ces sujets, il est très compliqué de prendre conscience, de nommer, de dénoncer et de ne pas culpabiliser. Manon, 25 ans, s’intéresse de près à ces thématiques.

« Ma grand-mère maternelle est une ancienne femme battue, j’ai donc toujours eu conscience de cette violence physique. Le sujet a souvent été évoqué dans les repas de famille car ma grand-mère disait que mon grand-père était un connard et ma mère répliquait qu’elle aurait dû partir plus tôt. Personnellement, j’ai été violée mais j’ai mis plusieurs années à me rendre compte que c’était un viol malgré le fait que j’avais déjà un éveil féministe à l’époque. Cela ne m’a pas empêché de subir des violences psychologiques de la part des hommes. Au quotidien, je ne sais pas si je vis des violences. J’ai la chance de ne pas subir de harcèlement. Peut-être en ligne où les hommes ont facilement tendance à m’ajouter sur Facebook ou Instagram car ils me trouvent jolie. Pour moi, qu’on puisse être attiré par moi est une violence depuis mon adolescence. C’est quelque chose que je n’ai jamais recherché, que je n’ai pas demandé mais on me le fait comprendre quand même.» 

La question du consentement apparait dans le débat comme extrêmement complexe. Parce qu’il y aurait le « Non qui veut dire Oui » et la fameuse zone grise. Celle de l’hésitation, celle des signaux brouillés, voire contradictoires. Rapidement, des explications viennent éclairer la problématique pour montrer de manière assez efficace en quoi elle est, en réalité, très simple. Déjà, Non veut dire Non. Ensuite, il suffit de poser des questions, d’écouter la personne et de la respecter dans ses choix, y compris si celle-ci change d’avis en cours de route. 

Dans sa vidéo Tea Consent, Blue Seat Studios utilise la métaphore de la tasse de thé pour démontrer la simplicité de la question : « Si vous êtes capable de comprendre qu’il est totalement ridicule d’obliger quelqu’un à boire du thé alors que cette personne n’en veut pas, et si vous êtes capable de comprendre quand les personnes ne veulent pas de thé, est-ce si difficile de comprendre ce raisonnement lorsqu’il s’agit de sexe ? Qu’il s’agisse de thé ou de sexe, le consentement, c’est primordial. » 

Pourtant, on cherche encore les preuves de consentement dans les tenues ou attitudes des femmes. Une jupe courte, un sourire, un silence sont encore, dans l’imaginaire collectif, des signaux d’encouragement, des marques de désir d’être convoitées et objetisées, jusqu’à l’agression sexuelle ou le viol.

Et quand certaines tentent d’expliquer les rouages et conséquences de la culture du viol, comme l’a fait la youtubeuse Marion Seclin à propos du harcèlement de rue, elles reçoivent insultes, menaces de viols et de mort. Plus les femmes témoignent, plus en face se multiplient les démonstrations de misogynie, de sexisme, de racisme et d’homophobie. 

NIER LA MOITIÉ DE L’HUMANITÉ

En élisant des Donald Trump, Jair Bolsonaro, en acquittant des Denis Baupin ou Georges Tron, en répudiant l’écriture inclusive, en demandant (en Andalousie, extrême droite, janvier 2019) de réduire les mesures contre la violence machiste, en considérant un string comme une preuve de consentement de la part d’une victime de viol, en proclamant – sans explication complète – qu’une femme peut jouir pendant un viol, en comparant en toute impunité les femmes à des juments et l’avortement à un homicide, en ne légalisant pas le droit à l’IVG partout et sans condition, en demandant à la première footballeuse détentrice du ballon d’or si elle sait twerker, en jugeant la tenue d’une des meilleures joueuses de tennis non correcte, en rétablissant dans les programmes scolaires les rôles genrés des femmes et des hommes, en pénalisant une joueuse de tennis sous prétexte qu’elle change son tee-shirt sur le cour... on envoie un message fort et violent : les femmes sont inférieures aux hommes. Pourquoi ? On ne sait pas mais c’est ainsi et pas autrement. 

« C’est notre quotidien à nous, les femmes, et nier ce qui préoccupe la moitié de la population est violent. Il est violent de nier le plaisir féminin, d’infantiliser les femmes enceintes ou de les réduire à des corps disponibles et utiles à l’humanité qu’on peut toucher, conseiller, ausculter. Il est violent de nier la surmédicalisation des grossesses et des accouchements qui dépossèdent les femmes de leurs corps, faire de leur utérus un bien commun. Il est brutal de faire de la fausse couche un tabou, réduisant la femme à la procréatrice, à celle qui doit forcément enfanter, devenir mère pour s’épanouir en tant que femme et qui là échoue et ne doit pas le dire ni le montrer. Ou bien considérer qu’il ne s’est rien passé, qu’il n’y a pas eu de grossesse, donc pas de souffrances. », dénonce à juste titre Morgane. 

PATRIARCAT CACA 

Le corps des femmes est en permanence jugé et fait l’objet de constantes injonctions paradoxales, réduisant sa propriétaire à un objet que l’on peut façonner à sa guise. Un objet fragile mais toujours responsable des malheurs qui lui arrivent. Les agressions sexistes et sexuelles ne sont que peu punies. Du dépôt de plainte à la condamnation, c’est le parcours de la combattante. Puissance plusieurs millions.

Car il faudra se justifier, répondre à des accusations déguisées en procédure judiciaire, tomber sur la bonne personne au commissariat, qui accepte de faire son travail et de prendre la plainte. De là, de nombreuses épreuves attendent encore la victime qui tout au long du chemin sera, souvent, mise sur le banc des accusées tandis que son agresseur ne sera, généralement, pas inquiété. 

Heureusement, une lueur d’espoir transparait. Ce qui avant se murmurait uniquement entre les femmes, et restait entre les femmes, commence à s’ébruiter et les expériences concordent. Depuis des générations, des siècles, les femmes subissent la violence de leur condition imposée, la violence physique, la violence psychologique, la violence sexuelle, la violence sexiste, les violences gynécologiques, la violence du silence.

Aujourd’hui, à travers les réseaux sociaux, les #MeToo et #BalanceTonPorc, les tumblr Paye ta shnek, Paye ta blouse, Paye ta police, Paye ton journal, Paye ta robe, etc., les femmes crient au grand jour l’horreur de leurs vécus face à un système qui les ignore, que ce soit dans un cabinet médical, au poste de police, dans les entreprises, dans la rue ou à la maison. 

Et elles vont plus loin puisque le 24 novembre plusieurs milliers de femmes ont défilé dans les rues à l’occasion de la marche contre les violences sexistes et sexuelles.

À Rennes, c’est la première fois qu’une manifestation féministe dévoile cette ampleur-là. Malgré les dissensions entre les #NousToutes et #NousAussi, ce sont les associations, les militant-e-s, les élu-e-s, les citoyen-ne-s qui foulent le pavé ensemble, réuni-e-s autour de l’image qui fera le plus réagir dans le cortège. Celle d’un petit garçon, sur les épaules de son papa, portant fièrement la pancarte : « Patriarcat caca ». 

OSER, PARLER, SE LIBÉRER 

Ce jour-là, la revendication principale est celui du droit à l’égalité, évidemment, mais surtout du droit à la liberté. Les femmes exigent, à juste titre, le respect. Le respect de leur personne en tant qu’individu. En tant qu’humain. Il faut lever les tabous autour des conditions de vie des femmes. Sortir du silence pour pouvoir se réapproprier son corps, (re)devenir sujet et non objet.

« Le silence détruit des vies quand on n’arrive pas à comprendre, à analyser ce qui nous est arrivé, ce qui nous arrive et que l’on vit avec la culpabilité. Ça donne des adultes borderline sur le plan psychologique. Pour moi, parler est la seule clé pour sortir de cette impasse. Maintenant, j’ai décidé de toujours écrire et diffuser quand je subis des violences. Pour arrêter de culpabiliser et pour déculpabiliser les personnes qui vivent la même chose. Dire et communiquer, c’est pour moi la clé de la résilience. Et ça évite d’être en colère contre soi, envers soi-même. Ça permet d’arrêter de se faire du mal pour des choses dont on n’est pas responsables. », souligne Virginie qui avoue à quel point tout cela est usant. 

Et à quel point il n’est pas toujours évident ou possible de prendre du recul, de prendre sur soi pour expliquer aux autres en quoi ils sont blessants ou violents (parce que les femmes se doivent toujours de rester calmes pour évoquer ces sujets, sous peine d’être traitées d’hystériques et donc d’être décrédibilisées) :

« En fait, c’est hyper contextuel. On ne peut pas demander à tout le monde, tout le temps, d’avoir la patience de déconstruire, d’expliquer les choses de la même manière à ton cercle proche qu’à un mec qui insiste dans un bar. C’est difficile de déconstruire. On se prend de la violence et en plus c’est à nous d’expliquer, on a le droit d’être fatiguées, de ne pas avoir envie de le faire. Malheureusement, certains ne comprennent pas ça et ne comprennent pas les explications. Perso, ça m’est arrivé d’en venir aux mains, d’utiliser la violence physique pour sauver ma peau ou celle de mes potes. Et là encore on se prend le revers de la médaille parce que c’est un moment très violent et destructeur. » 

Son conseil : après une situation de violence, prendre le temps au calme d’analyser les événements et essayer de mettre des mots et des émotions dessus. Se remettre en question sans prendre la responsabilité de ce qu’il s’est passé. Ne plus avoir peur de parler.

« Et si on n’y arrive pas seule, je conseille vraiment d’aller en thérapie. C’est extrêmement libérateur et ça permet d’avoir moins peur des autres et moins peur d’oser faire des choses. On peut aussi suivre des comptes Instagram sur le féminisme ou lire des bouquins, y en a des milliards là-dessus ! Moi, c’est vraiment Annie Ernaux qui m’a aidé à mettre des mots, à déconstruire, tellement elle est dans une description et une déconstruction totale de plein d’événements de sa vie. », conclut-elle. 

Y A DU BOULOT... POUR TOUT LE MONDE ! 

Chacun-e peut à son échelle bousculer l’ordre établi. Faire évoluer les mentalités. Comme Manon qui essaye d’aborder ce type de sujets avec sa cousine de 13 ans, pour la sensibiliser dès le plus jeune âge à l’importance de l’égalité entre les sexes. Ou Anne qui dans ses cours, majoritairement remplis de garçons, cherche à leur inculquer les valeurs de respect et de communication bienveillante.

Lutter contre les discriminations est un exercice difficile, qui demande du temps et de l’investissement : « C’est très difficile car ça appartient à l’humain et tout ce qui appartient à l’humain est lié à un individu et toute sa complexité. Ce n’est pas une machine qu’on répare ou un programme. Mais déjà la communication de base, la communication non violente, la gestion des émotions... C’est important parce que je me dis que tout ceci vient d’une colère enfouie, d’une frustration, d’un égo bien trop présent. Il faut apprendre à donner de la valeur et à se donner de la valeur. Je pense que ça passe par donner la place à chacun-e avec ce qu’il/elle est, à autoriser et s’autoriser de dire les choses et tout ça dès le plus âge. » 

Un point sur lequel Morgane la rejoint entièrement puisqu’elle milite pour une éducation non genrée, déjà auprès de ses enfants. Mais elle milite aussi de multiples façons : « En m’insurgeant contre toutes les violences quotidiennes que je vois, j’entends, je vis. En gueulant, au risque de passer pour une hystérique, une féminazie. Avec Les Héroïnes (émission diffusée un vendredi par mois sur la radio Canal b que l’on recommande vivement d’écouter – les podcasts sont sur le site, ndlr) chaque mois. En écoutant mes amies, mes relations féminines, les victimes, quel que soit ce qu’elles ont vécu (un « salope » dans la rue ou pire), en leur faisant comprendre que je suis avec elles, que je compatis. Je n’ai jamais eu à m’interposer ou à prendre la défense d’une fille, d’une femme, dans la rue, dans un espace public, ou aider, mais je sais que je le ferais. » 

Elle défend l’idée que ce ne sont pas uniquement aux petites filles d’être éduquées aux risques qu’elles
encourent en grandissant.Mais aux petits garçons également d’apprendre le consentement, le respect, l’égalité. Pour avancer, la liste est longue :

« Ouhlala, faut tout changer ! Mettre des modules spéciaux dans les études de gynécologie et les formations de flics et gendarmes, légiférer sur le congé paternité, partager la charge mentale (si les petites filles ne sont pas éduquées comme leur mère, la charge mentale n’existera plus), former correctement flics, gendarmes, gynécos, accompagner les victimes, condamner lourdement les violeurs, les agresseurs, les maris violents, virer Marlène Schiappa (secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, ndlr), mettre de vrais moyens sur la table, arrêter de nous traiter d’hystériques, etc. Mais aussi transparence des salaires et condamnation des entreprises qui payent moins leurs salariées que leurs salariés à diplôme et compétences égaux, application des lois déjà existantes, etc. » 

Sans oublier comme le signale Manon de s’arrêter et s’interroger sur le langage employé : « Putain, PD, etc. Cela vient d’expressions sexistes et homophobes. Reprendre les personnes quand elles emploient des termes dégradants envers les minorités. Ne pas désigner quelqu’un que par son physique. » 

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, SORORITÉ

On peut donc chacun-e agir contre le sexisme systémique. Par le biais d’une association, d’abonnements à des newsletters féministes, les réseaux sociaux (avec bienveillance), en étant attentives/tifs aux divers comportements autour de nous, en écoutant les récits et témoignages des femmes sans systématiquement les remettre en question, en osant parler, en utilisant l’écriture inclusive, en diffusant l’idée que « Non » c’est « Non », en ne parlant pas à la place des autres, en s’indignant contre les inégalités, en ouvrant l’œil face aux publicités, en interrogeant les rôles des personnages féminins dans les séries, films, livres, etc. Il n’y a que l’embarras du choix. Encore faut-il en avoir la volonté. Mais l’espoir y est. 

Car malgré la fatigue et l’épuisement dus à la lutte, les femmes ne lâchent pas prise. Que ce soit dans la newsletter des Glorieuses ou dans le post de Paye ta shnek rédigé le 4 janvier sur Facebook, le message est clair : les retours de bâton ne nous feront pas reculer, nous aurons toujours la force et le courage d’aller de l’avant.

« Si vous avez l’impression de ne rien pouvoir faire pour changer les choses, sachez qu’être solidaire de toutes les femmes, même très différentes de vous, c’est déjà un acte de résistance immense. Soyons plus que jamais solidaires. Je ne sais plus qui disait qu’on ne peut pas gagner un match sans la moitié de l’équipe. Et bien la moitié manquante, en 2019, j’en suis sûre et certaine : elle va secouer le monde entier. », écrit PTS. Pour nos combattantes aux mille visages, une devise : Liberté, égalité, sororité.

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Violences sexistes : lutter contre le fléau au quotidien
Combattantes aux mille visages
Non à l'excision

Célian Ramis

Pour se réapproprier son corps : "Appelons une vulve une vulve"

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CRIJ, Rennes
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« La médecine moderne s’est construite sur les cendres de la chasse aux sorcières », nous informe Nina Faure, réalisatrice militante du documentaire Paye (pas) ton gynéco, diffusé au CRIJ de Rennes.
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« La médecine moderne s’est construite sur les cendres de la chasse aux sorcières »,nous informe Nina Faure, réalisatrice militante du documentaire Paye (pas) ton gynéco, diffusé au CRIJ de Rennes le 27 novembre dernier lors d’une soirée organisée par le Planning Familial 35. Une explication qui permet de comprendre – sans excuser – le caractère patriarcal et sexiste de ce secteur et d’envisager, ensemble, des solutions pour lutter individuellement et collectivement contre les violences gynécologiques et obstétricales. 

« Un acte médical n’a pas à être douloureux ou humiliant. », signale en guise d’introduction Aurore, militante au PF 35 et animatrice de la soirée consacrée aux violences gynécologiques. Ce soir-là, la salle du 4 Bis est pleine à craquer, plusieurs personnes assistant à la conférence assises sur le sol ou debout au fond de la salle. 

« Ce n’est pas un hasard que nous soyons aussi nombreuses. Je me souviens quand le #Payetonutérus a été lancé, très vite, il y a eu 7000 témoignages sur Twitter. C’est ce qui m’a fait me questionner car je pensais que je n’étais pas victime. Il a fallu lire les témoignages des autres pour réaliser que j’avais été exposée à ça, aux remarques sexistes. », souligne ensuite Nina Faure. 

Avant la projection de son documentaire, mis en ligne sur YouTube le 27 juin 2018, elle en précise la genèse : « J’avais un projet de film sur le désir féminin. J’ai fait pas mal d’entretiens avec des femmes et j’ai constaté qu’elles parlaient beaucoup des violences gynécologiques. Le film ne montre pas l’entièreté du sujet mais sert à ouvrir le débat ». 

Elle milite pour une redéfinition des pratiques ainsi qu’une redéfinition de ce qu’est le corps dans l’espace social en tant que personne ayant un vagin. Et donc pour la déconstruction des idées patriarcales, très répandues encore dans la médecine moderne. Ce que confirme Elinore, médecin généraliste en exercice depuis 3 ans au Planning Familial de Rennes :

« Déconstruire plein de trucs a été un apport énorme dans ma pratique ! »

OUTILS DE PRISE (ET DE RÉVEIL) DE CONSCIENCE

« Et bah je ne vous excite pas des masses quand même ! ». Ce sont les propos d’un gynécologue face à Nina Faure, en caméra cachée lors d’une consultation, en mesurant sa tension. En réaction, elle écrit au site Gyn&co sur lequel elle a trouvé le contact du praticien afin que ce dernier soit retiré de la liste. 

La suite de son documentaire est tout aussi choquante. Au niveau du langage employé – on n’utilise pas le terme pénétration en médecine mais invasif et ce terme ne s’applique pas aux examens gynécologiques – tout comme au niveau des témoignages d’étudiant-e-s en médecine et des arguments affligeants des représentants du secteur.

D’une vingtaine de minutes environ, Paye (pas) ton gynéco sert d’outils, non seulement en terme de prise de conscience mais également comme moyen d’ouvrir le débat et de réfléchir ensemble à l’objectif commun, selon la formule du médecin et écrivain, Baptiste Beaulieu, « Soignants, soignés, réconciliés ». 

« Je suis allée voir les représentants pour essayer de comprendre pourquoi ils réagissent dans le déni, dans la négation du problème. Il y a une volonté de ne pas remettre en question l’autorité de la blouse blanche. La profession est marquée par cette volonté de protection corporatiste, c’est très patriarcal. »
explique la réalisatrice. 

L’autorité de la blouse blanche. Une des bases du problème. Parce que le médecin « est dans la position du sachant, et donc dans une position de domination. », souligne Elinore. Ce qui explique qu’il soit difficile pour les femmes de réagir ou de contester lorsqu’elles font face, jambes écartées, pieds dans l’étrier et tête du praticien au niveau de leur vulve, à des remarques ou actes sexistes et sexuel-le-s. 

Il s’agit, comme le signale Aurore - en réagissant au conseil de Martin Winckler, recommandant aux patientes de quitter le cabinet sur le champ, sans payer -  d’« une barrière symbolique ».

Et le symbole est très prégnant dans l’histoire de la gynécologie moderne : « Le speculum a été inventé par un tortionnaire qui le testait sur des esclaves ! Il y a là un rapport de domination de genre et de race. La médecine moderne s’est construite sur les cendres de la chasse aux sorcières. Les femmes ont été brûlées parce qu’elles étaient autonomes, émancipées, détenaient un savoir populaire sur le corps des femmes, concernant notamment l’avortement, la contraception et la grossesse… » 

Et ça, ça dérange. Et parce que ça dérange, le pouvoir ecclésiastique le détruit pour construire une médecine non mixte. « C’est en 1871 que les femmes sont réintroduites. Il s’agit d’une infirmière, envoyée sur le front de guerre et qui opère avec des outils conçus par des hommes. Le speculum, les forceps,… Il y a dans ces termes une puissance symbolique ! », ajoute Nina Faure. 

DÉPOSSÉDÉES DE NOS CORPS

Le Syndicat National des Gynécologues et Obstétriciens a toujours été présidé par des hommes (Bernard de Rochambeau, qui considère qu’un avortement est synonyme d’un homicide, occupe actuellement le poste). La représentation sociale du médecin est donc ainsi : homme, blanc, hétéro, cis, bourgeois.

« Je suis étonnée de l’incapacité de certains médecins à expliquer les choses aux patientes. Expliquer le corps et son fonctionnement, c’est là le devoir du médecin. Sans ça, il ne peut pas y avoir de réappropriation du corps. Parfois, en consultation, pas toujours mais j’essaye de le faire, je propose à la patiente de mettre elle-même le speculum, je demande si elle veut voir le col de l’utérus, etc. »
énonce Elinore, dans une démarche bienveillante et militante. 

Aux méthodes patriarcales s’ajoutent le manque d’écoute, d’empathie et l’application rigoureuse de certaines idées qui ont la vie dure. Comme le frottis par exemple utilisé dans le cadre du dépistage du cancer du col. Pour Elinore, « il est conseillé mais pas obligatoire. Certains médecins se disent qu’il faut le faire tous les ans, c’est comme ça, pas autrement. Mais non… »

Aujourd’hui, il est préconisé dès l’âge de 25 ans. Pas avant. Comme de nombreuses femmes, Nina Faure l’a pourtant vécu bien avant cela : « J’ai eu le menu complet dès le début ! Je trouve que c’est une conception qui nous amène à penser que notre corps est tout le temps malade et que l’on ne peut pas détecter quand il y a quelque chose. C’est la base de la dépossession : nous donner peur de notre corps en pensant qu’il peut nous trahir en permanence. 

Alors tous les ans, on nous fait venir pour le check up. C’est pas un contrôle technique ! C’est impossible de s’éloigner de cette conception alors qu’on peut très bien sentir quand on ressent une gêne, on peut observer nos pertes, etc. Avec un speculum, j’ai pu observer mon col, constater mon cycle, découvrir une partie de moi, le visualiser dans l’espace. Avant, l’intérieur de mon vagin était totalement abstrait pour moi. Mais ça a vraiment du sens dans la réappropriation du corps. »

SE RÉAPPROPRIER NOS CORPS, NOS VULVES, NOS VAGINS

Il faut attendre septembre 2017 pour qu’un manuel de SVT publie enfin un schéma du clitoris. Dans tous les autres livres scolaires, il est le grand absent. Comme dans le livre du médecin et animateur TV, Michel Cymes, Quand ça va, quand ça va pas : le corps expliqué aux enfants (et aux parents) 

« Il a totalement oublié le clitoris parce que soi-disant on ne parle pas de ça aux enfants. La page suivante, il parle érection… Et puis de manière générale, on parle du pénis pour les garçons et du vagin pour les filles, alors que chez les filles, il y a le clitoris, la vulve, le vagin… ça change l’histoire ! »

Pour elle, l’éducation à la sexualité (non sexiste) doit être intégrée dans les programmes de SVT dont les ouvrages doivent proposer des schémas anatomiques exacts. Pour ne pas laisser penser que le sexe féminin est un point. Un trou. Un rien.

« Le langage est un moyen puissant de représentation. On dit que chez les garçons, le sexe est dehors et chez les filles, le sexe est dedans. Mais NON ! La vulve est dehors. Une partie du clitoris aussi. Souvent, on dit vagin à la place de vulve. Il faut appeler une vulve une vulve ! C’est une vraie libération d’utiliser les bons mots et en plus ça fait du bien à tout le monde ! », scande la réalisatrice.

Parce que l’histoire n’est pas écrite « par les personnes qui ont un vagin », il est nécessaire aujourd’hui de redéfinir les termes du débat. D’un autre point de vue. Celui des femmes. Pour des représentations plus justes. Mais aussi pour accéder à une relation plus égale entre les médecins et les patient-e-s. 

Par sa posture de sachant-e, le/la professionnel-le de la santé domine la personne qui s’en remet à lui/elle. Quand s’ajoute des critères de sexe, la parole des femmes est minimisée et celles-ci, dès le plus jeune âge, intègrent cela comme étant la norme. Douleurs et gênes dans le bas ventre, inconfort lors de l’examen, cycle menstruel invivable et handicapant au quotidien… ce seraient elles qui exagèrent, car « ce n’est rien ». Le même rien que le sexe féminin. 

« On n’arrête pas de se dire ‘je ne suis pas victime, je vais m’en remettre’, mais non ! Même principe qu’avec les blagues, les remarques sexistes, etc. L’enchainement des petites blagues fait que notre existence est affaiblie et on n’a même plus les moyens de répondre. C’est un continuum de violences. Jusqu’à la domination. »
souligne Nina Faure. 

Les solutions sont multiples. Il y en a « toute une palette ». Au niveau individuel, elle conseille « ce qui fait du bien, ce qui fait se sentir bien avec soi. » Partir du cabinet d’un-e médecin sexiste et malveillant-e, écrire à l’établissement de santé dans lequel la personne a été violentée, maltraitée, aller (essayer de) porter plainte au commissariat…

Elle croit particulièrement au collectif pour échanger d’abord des témoignages puis réfléchir ensemble à des ressources pour amener la société à évoluer vers un traitement digne et bienveillant des personnes dans le suivi médical.

« Il faut redéfinir ce qui se passe socialement et cela se fait grâce à toutes les actions militantes. La société sexiste est partout. Quand on veut s’en défendre, on s’y re-confronte tout de suite après. Se regrouper entre femmes est un puissant outil politique. Car ça permet de prendre conscience de notre condition, ça nous arme. Être entourée de femmes, pour moi, a été une étape nécessaire pour me former et me défendre intellectuellement. »

Difficile de légitimer sa parole quand on se sent seule, anormale. On craint les « tu exagères », les « mais non, ce n’est rien », les « ça va, y a plus grave, arrête un peu ». Les femmes prennent l’habitude de voir leurs paroles minimisées. Avec le temps, elles apprennent à vivre leurs souffrances et leurs difficultés en silence. 

Heureusement, grâce aux féminismes et aux nombreuses luttes des militantes (qui n’ont pas attendu le mouvement #MeToo et #BalanceTonPorc), les témoignages se multiplient pour ne plus subir de violences dont font grandement partie les violences gynécologiques et obstétricales.

Cependant, les résistances sont malheureusement très coriaces et la déconstruction a du mal à s’opérer. Si les militantes des années 70 revendiquaient déjà le droit à disposer de leurs corps, en prônant le recours à l’auto-examen comme moyen de se les réapproprier (documentaire Clito va biendu groupe Femmes de Quimper en 1979 – Lire notre article « Sortir de l’ombre le tabou du corps et de la sexualité », 12 octobre 2018, yeggmag.fr), elles sont encore minoritaires celles qui le pratiquent.

Ce soir-là, Nina Faure est venue avec son kit, montrant différents speculums et expliquant qu’avec quelques outils et accessoires, il est possible d’observer sa vulve, son vagin, son col de l’utérus. Apprendre à distinguer comment notre sexe est bâti. Apprendre à repérer les changements lors du cycle. Apprendre à concevoir son sexe, y compris la partie interne qu’on ne voit pas et dont on ne nous parle pas mais qui existe bel et bien.

ÉDUCATION ET FORMATION, DES ENJEUX MAJEURS

L’éducation a un rôle fondamental à jouer et pourtant, la loi de 2001 n’est toujours pas appliquée dans tous les établissements, censés dispenser des séances d’éducation aux sexualités et à la vie affective à plusieurs reprises dans l’année, que ce soit en élémentaire, au collège ou au lycée.

Pareil dans la formation des étudiant-e-s en médecine. Elinore le confirme :

« Pendant nos études de médecine, on n’est pas formé-e-s à la sexualité, aux particularités féminines. Seulement à l’angle reproductif en gynéco… »

Pourtant, la formation est indispensable pour combattre les normes sexistes qui régissent nos sociétés, tout comme les médecins devraient être formé-e-s à la transmission de l’information. On le voit avec « la norme de la contraception » définie « en fonction de l’âge », souligne la médecin du PF35 : 

« Quand une femme est jeune, on va forcément lui donner la pilule, sauf si elle demande autre chose. C’est au médecin de lui donner toutes les informations sur les différentes contraceptions mais aussi sur les effets indésirables de la pilule, que ce soit sur l’humeur, la libido, etc. 

À 30 ans, beaucoup de femmes ne veulent plus la pilule. Peut-être que le médecin qui lui a donné la pilule au départ n’a pas abordé la question du désir, etc. Ce n’est pas normal. Tout comme ça ne devrait pas être un problème d’obtenir un stérilet quand on est jeune… »

Elle regrette également que la question du consentement ne soit pas automatique. Au Planning Familial, « une affiche dans la salle d’attente dit qu’ici il n’y a pas d’examen non consenti et surtout, qu’il n’y a pas toujours d’examen. Ce n’est pas obligatoire. »

Les examens intrusifs, les positions pour les pratiquer, l’écoute lors de la consultation, l’information complète (afin d’être personnalisée), l’empathie… Il est maintenant essentiel que toutes ces thématiques soient posées sur la table et discutées.

La médecine moderne ne doit pas continuer de se développer au détriment des femmes comparées à des juments lors du 42econgrès national des gynécologues et obstétriciens, qui a eu lieu les 6 et 7 décembre 2018 et qui a alors diffusé une diapo contenant les propos suivants : 

« Les femmes c’est comme les juments, celles qui ont de grosses hanches ne sont pas les plus agréables à monter, mais c’est celles qui mettent bas le plus facilement. »

Heureusement, le président du syndicat, Israel Nisand a expliqué, en s’excusant, qu’il s’agissait d’une maladresse. On aurait peut-être pu y croire (en fait non) si les intitulés des master-class au programme n’étaient pas « Ces prétendues violences obstétricales : les enjeux juridiques » et « Comment se prémunir des plaintes pour attouchements sexuels ».

On se réjouit alors de la diffusion du documentaire de Nina Faure, Paye (pas) ton gynéco, de soirées comme celle organisée par le Planning Familial le 27 novembre affichant complet et d’actions militantes libérant la parole et permettant de petit à petit se construire, dans l’individuel comme dans le collectif. 

Pour que chacun-e se réapproprie son corps, sa vulve, son vagin, son clitoris, ses fesses, ses seins, ses hanches, etc.

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