Célian Ramis
Awa Gueye : « Je veux la Justice, je veux un procès, il faut continuer à se battre ! »


Ni oubli, ni pardon. Samedi 6 juin, des milliers de personnes ont répondu à l’appel du Collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye, à Rennes. Sur l’esplanade Charles de Gaulle, iels étaient environ 4 000 à se mobiliser contre les violences policières et à affirmer que « sans justice, pas de paix ».
La marche « Laissez-Nous Respirer », à l’appel de 38 familles de victimes de violences policières et de collectifs de blessés, aurait du avoir lieu le 13 mars dernier. Mais le Covid et la menace du confinement arrivant ont forcé les organisateur-rice-s à reporter l’événement.
Entre temps, en avril, Jimmy, Mohamed, Boris, Malik, Dine ou encore Romain, sont décédés à la suite d’un plaquage ventral, tués par balles ou morts en garde-à-vue, à Toulouse, Béziers, Angoulême, La Courneuve, Albi ou encore à Saint-Denis.
Le 23 mai, la chanteuse Camelia Jordana est invitée dans l’émission On n’est pas couché, sur France 2. Elle y déclare que face à un flic, quand elle a les cheveux frisés, elle ne se sent pas en sécurité, explique que c’est le cas pour milliers de personnes racisées en France et dénonce les violences policières à leur encontre, en raison de leur couleur de peau.
Son discours crée la polémique et chacun-e y va de son commentaire socio-philosophico-éthique. Et finalement, le fond du débat se décale et devient le sujet de conversation d’hommes blancs médiatiques et politiques se rejoignant sur la conclusion suivante : non, il n’existe pas de violences policières, comme continue de l’affirme Christian Jacob, non, les Français-es ne se sentent pas en insécurité face aux forces de l’ordre, oui, Camelia Jordana ferait mieux de se taire plutôt que d’inciter la population à la haine anti-flics.
Deux jours après la diffusion d’ONPC, aux Etats-Unis, George Floyd est interpellé par quatre policiers qui le menottent et le plaquent au sol sur le ventre. L’homme est immobilisé à terre, incapable de respirer puisque les policiers le maintiennent plaquer. L’un des agents exerce une pression avec son genou sur le cou de l’homme afro-américain.
Des témoins filment la scène, des passants réclament que les policiers arrêtent le plaquage et l’aident, George Floyd ne cesse de répéter qu’il ne peut plus respirer. Rien n’y fait, la pression à son cou est maintenue jusqu’à l’arrivée de l’ambulance. Il décède. Les autopsies concluent à un homicide.
Les quatre policiers sont licenciés et des enquêtes sont ouvertes. Mais surtout, les vidéos de l’interpellation et du meurtre de George Floyd sont diffusées sur les réseaux sociaux, secouant la population américaine puis mondiale. Des émeutes débutent à Minneapolis, ville dans laquelle le crime a été commis, puis se propagent dans le reste des Etats-Unis.
Quatre ans plus tôt en France, Adama Traoré est lui aussi mort asphyxié à la suite de son interpellation par les gendarmes. Depuis, sa sœur Assa Traoré mène le mouvement Vérité et Justice pour Adama. Ce 2 juin 2020, elle lance un appel à la mobilisation et rassemble plus de 20 000 personnes à Paris, malgré l’interdiction de la Préfecture.
Le samedi suivant, le 6 juin, le rassemblement qui doit se tenir sur l’esplanade Charles de Gaulles à Rennes est lui aussi interdit par arrêté préfectoral. Pourtant, plusieurs milliers de personnes se réunissent à cet endroit-même pour affirmer que « Les oppressions sont faciles à ignorer quand elles fonctionnent en notre faveur », « Black Lives Matter », « Black Trans Lives Matter », « La police est raciste », « Ne pas dénoncer, c’est encourager » ou encore que « Ce n’est pas un combat contre les blancs mais contre le racisme mondial ».
La foule, condensée de pancartes, resserre les rangs devant Awa Gueye, la sœur de Babacar Gueye, assassiné par la police à Rennes en 2015. Cinq balles dans le corps. Des versions qui diffèrent, des faits qui ne corroborent pas ensemble. Des flics qui viennent à la place des pompiers. L’arme qui a tué Babacar qui disparaît des scellés. Un non lieu. Et surtout des questions en suspens.
Awa Gueye se bat pour obtenir les réponses. Se bat pour « rendre hommage à mon petit frère, Babacar et à toutes les personnes assassinées par la police. » Quand elle déclara « Nous sommes George Floyd », la foule scande avec elle. Elle dénonce le racisme d’État, ce qui a causé la mort de son frère :
« On doit nous donner le respect. Personne ne mérite cette mort ! Les policiers qui ont tué Babacar, ils ont porté plainte contre Babacar. La honte ! Quelle honte ! Ils sont venus chez moi pour me faire peur. Moi, je me suis dit Awa, bats-toi ! Aujourd’hui, je suis fière de moi, je suis capable et j’ai réussi à faire ouvrir le dossier à nouveau. »
Elle ne lâchera pas, elle ne cédera pas à leur tentative d’intimidation. « Les policiers, ils salissent toujours les personnes (qu’ils assassinent). Pour faire taire les familles. Les familles, on est là, on est forts et on continue de se battre. Je demande la reconstitution des faits. Et toutes les personnes qui étaient là à ce moment-là doivent être là. Pompiers, policiers, tout le monde. Je veux la Justice, je veux un procès, je vous informerais et tout le monde doit être là ! On veut la Justice, on veut un procès, il faut continuer à se battre ! », lance Awa Gueye.
Poing en l’air, le regard déterminé, elle est une figure importante de la lutte contre les violences policières et racistes. Parce qu’elle, comme Assa Traoré et de nombreuses familles de victimes, elle se bat pour faire éclater la vérité et contre l’impunité qui protège les assassins de leurs frères, maris, pères, sœurs, ami-e-s, etc.
Pour faire reconnaître que toutes ces victimes ne sont pas des cas isolés. Allan, Angelo, Lamine, Adama, Babacar, Zyed, Bouna, Breonna, George, Abou, Ricardo et d’autres ont été, sont et seront tué-e-s en raison de leur couleur de peau. Aux Etats-Unis, en France, et ailleurs.
Leur visage et leur nom sont présents au sein du rassemblement. Sur des pancartes, dans les slogans, sur les pulls. Les poings sont en l’air, les mains claquent, les voix s’énervent et le rythme s’accélère. La foule demande la justice pour Adama, pour Babacar, pour Angelo, pour Allan.
Ce dernier est décédé le 9 février 2019, « victime de la police de Saint-Malo », déclare une proche de la famille. Elle poursuit : « Il était avec son papa quand ils ont été arrêtés, ils l’ont laissé mourir en cellule tout seul. Son papa l’a appris le lendemain. Ils ont détruit une famille ce jour-là. Ils ont détruit un papa. Une famille entière qui ne se remettra jamais de cette injustice. »
Elle précise que l’affaire n’avance pas. Qu’elle traine même. Alors la famille a choisi de délocaliser le procès à Rennes. A quelques mètres des prises de paroles, une pancarte flotte dans les airs : « Qui appelle-t-on quand la police tue ? » Une minute de silence suit les discours. « Laissez-Nous Respirer !», enchainent en chœur les manifestant-e-s, gravant cette lutte, ignorée jusqu’ici de la majorité des personnes blanches et du gouvernement.
Car si le pouvoir en place, comme ceux qui l’ont précédé, tente de canaliser la gronde, prétextant que les violences policières n’existent pas et profitant de la politique de l’autruche en matière de privilège blanc, la gênante réalité ne peut plus être contenue. Et en France, on peut pas se cacher derrière une comparaison avec les Etats-Unis, laissant penser que dans l’hexagone, les choses ne sont pas si pires…
Il y a ce groupe Facebook, TN Rabiot Police Officiel, qui réunit 8000 policiers s’échangeant des messages racistes, sexistes, homophobes et qui parfois appellent au meurtre. Il y a le Defenseur des droits Jacques Toubon qui plaide pour une analyse systémique des discriminations subies par 18 personnes noires, arabes, ou perçues comme telles, dans le 12earrondissement de Paris entre l’été 2013 er 2015.
Dans son rapport, il écrit : « Les discriminations liées à l’origine à l’encontre des groupes de personnes s’inscrivent dans un ensemble de représentations et de préjugés qui traversent la société. » Il parle alors de discrimination systémique. Une grande première pour une instance étatique.
Interrogée sur le racisme au sein de la police, Christiane Taubira peine à généraliser, soulignant que « chaque dérapage individuel tâche l’institution entière. » Un discours en demi teinte qui n’occulte cependant pas la responsabilité collective du racisme.
Du côté des manifestant-e-s, on continue de l’affirmer : « Ni oubli, ni pardon. Sans justice, pas de paix. » Justice pour Adama, Babacar, Angelo, Allan, George et tous les autres. Awa Gueye insiste : personne ne la fera taire, elle poursuit le combat et espère retrouver les 4000 personnes présentes et plus à ses côtés pour continuer.


Nous disposons de 15 minutes pour résoudre 6 énigmes qui nous mèneront aux reliques. Deux par deux, on se précipite sur les différents ilots pour s’atteler à notre mission. Face à nous, des cubes comportant des QR code, on les scanne et on accède à une vidéo de la chaine Youtube de Game of Hearth expliquant le courant queer féminisme, valorisant la pluralité des identités sexuelles et de genre, comme l’explique l’étiquette devant laquelle il faut disposer le cube.
Frustrant certes mais stimulant et enthousiasmant également. Les énigmes sont inventives et créatives et on kiffe le décor. Partout où se pose notre regard, on prend notre pied. Il y a des clitoris suspendus au plafond, une bibliothèque féministe devant laquelle on s’attarde à lire les tranches des bouquins (et on note les titres, évidemment, pour compléter la notre), un puzzle égalité, des infos sur Lizzo, Odile Fillod ou encore Bell Hooks, un extrait de King Kong Théorie de Virginie Despentes et aussi des slogans de manif’ : « Polanski violeur, cinémas coupables, public complice ». 




Pour cette nouvelle édition, ce sera « Une génération », un thème qui lui plait et qu’iel partage avec une amie, Gabrielle Pichon comédienne et autrice pour l’écriture, qui s’effectue en deux jours, fin août. En septembre, le gouvernement lance son grenelle contre les violences conjugales et à cette occasion, ressort un micro-trottoir de 1979, qu’iel va donc reproduire dans son court-métrage. Iel lance un appel sur les réseaux sociaux et découvre avec joie que les réponses sont nombreuses :




Elle le dit, ce n’est pas un « sujet glamour » et il est hors de question d’enjoliver la sombre réalité et de produire du sensationnalisme. « Les médias s’en chargent déjà », glisse-t-elle. 

En Matriarcate, on sait soigner l’endométriose, les femmes ne souffrent plus de douleurs menstruelles, les hommes développent des tas de complexes et un des plus gros tabous est l’érection hors mariage. « Mais vous avez quand même des privilèges les copains, on vous ouvre la porte quand vous passez ! », scande Typhaine D. cynique à souhait.
Tout ce qu’elle relate est affreux, dans les faits. Mais qu’est-ce qu’elle les met bien en perspective ! On est ébahi-e-s par sa prestation et par l’énergie que ça dégage et procure dans la salle. Elle contrecarre les discours haineux visant à réduire les féministes à des hystériques rabat-joie et pointent toutes les dissonances de nos sociétés actuelles en matière d’égalité femmes-hommes.