Célian Ramis
Réduire concrètement les inégalités femmes-hommes dans les sciences

Quand on pense au domaine des sciences, on a très souvent l’image d’un chimiste en blouse blanche dans son laboratoire, du mathématicien en train de noircir son tableau d’équations, de l’ingénieur qui conçoit les technologies de demain. On pense au masculin, à tort. Les filles et les femmes s’investissent dans les carrières scientifiques mais pâtissent d’un manque de visibilité et d’un manque d’encouragement, pouvant donner lieu à un sentiment d’illégitimité, sans oublier les violences sexistes et sexuelles qu’elles vont subir durant leurs études et l’exercice de leur fonction.
Les choses bougent. Lentement mais elles bougent. Ainsi, on constate ces dernières années qu’enfin des femmes obtiennent par exemple le Docteur Honoris Causa, un titre honorifique que l’université décerne à une personnalité éminente.
Entre 1987 et 2012, à l’université Rennes 1, 48 titres ont été remis. Uniquement à des hommes. Le 8 mars 2013, 3 femmes, dont la mathématicienne Hélène Esnault, ont accédé au DHC. Entre 2014 et 2019, le titre a été décerné à seulement 3 femmes contre 12 hommes. Ça progresse mais c’est largement insuffisant.
« Identifier et réduire les inégalités dans les sciences », c’est la thématique choisie par l’université Rennes 1 pour une conférence en ligne qui a eu lieu le 8 mars, journée internationale des droits des femmes.
Colette Guillopé et Marie-Françoise Roy sont toutes les deux professeures émérites, respectivement de l’université Paris-Est Créteil et de l’université Rennes 1, engagées pour l’égalité femmes-hommes dans les sciences, et ont participé au projet international « The gender gap in science – A global approach to the gender gap in mathematical, computing and natural sciences : how to measure it, how to reduce it ? » dont l’ouvrage réalisé – publié il y a un an - est actuellement traduit en français par les deux intervenantes.
Entre 2017 et 2019, à l’initiative de l’Union internationale de mathématiques (à travers son Committee for women in mathematics) et l’Union internationale de physique, 11 coordinatrices et 1 coordinateur, issu-e-s de toutes les disciplines scientifiques et de différents pays ont mené une enquête auprès de 32 000 scientifiques répondant-e-s depuis 130 pays, ont analysé des millions de publications et revues depuis les années 70, ont créé une base de données des bonnes pratiques, référençant 68 activités, et ont dressé une liste de recommandations à destination des parents, des organisations locales et des institutions scientifiques.
DES DIFFÉRENCES CONSTATÉES SIGNIFICATIVES
Pour cette enquête, hommes et femmes ont été interrogées sur l’ensemble de leur vie universitaire et professionnelle. Résultat :
« Les expériences des femmes sont moins positives que celles des hommes. »
commente Colette Guillopé.
Les femmes sont souvent moins encouragées dans leurs études et carrières par leurs proches et leurs familles. Elles disposent de moins de rôles modèles, perçoivent un salaire moindre et voient leurs carrières évoluaient plus lentement que celles des hommes.
Autre point non négligeable : un quart des femmes interrogées ont signalé avoir été victimes de harcèlement sexuel pendant leurs études ou au travail. Il est essentiel de travailler à la culture de l’égalité dans tous les secteurs de la société.
Dans l’analyse des publications de 1970 à 2018, Colette Guillopé constate une augmentation régulière de la proportion des femmes autrices d’articles scientifiques. Dans ce qui est considéré comme les meilleures revues, les plus renommées du moins, l’amélioration en astronomie et en chimie est nette (20% en 2020), tandis qu’il n’y a pas de progrès en mathématiques et en physique théorique où elles sont toujours moins de 10%.
En ce qui concerne la base de données des bonnes pratiques, Colette Guillopé établit qu’il est difficile de savoir ce qui relève de la « bonne » pratique et ce qui n’entre pas dans la catégorie : « Surtout qu’il y en a certainement plein mais qu’on ne les connaît pas forcément. »
L’intérêt n’est pas nécessairement de constituer une liste exhaustive mais surtout de sensibiliser les familles et les communautés pour promouvoir les carrières en science auprès des filles, surtout quand celles-ci vont à l’encontre des normes et des préjugés. Pour encourager les femmes à s’intéresser aux questions scientifiques. Pour promouvoir un soutien pour les femmes, via des systèmes de marrainage et de réseaux par les chercheuses et professionnelles confirmées dans les STIM.
LES AXES DE RECOMMANDATIONS
« Nous avons listé une trentaine de recommandations qui sont des choses plus ou moins déjà faites maintenant que, depuis 2013, les chargé-e-s de mission Égalité sont obligatoires dans les établissements d’enseignement supérieur. », explique la professeure de Paris-Est.
À destination des parents et des professeur-e-s, les préconisations concerneront le fait d’éviter les préjugés relatifs aux femmes et aux hommes et de plutôt promouvoir l’égalité des sexes et sensibiliser aux questions de genre.
Il y a également de nombreuses actions à entreprendre au niveau des organismes scientifiques et des établissements d’enseignement sur l’axe par exemple du harcèlement sexuel et de la discrimination afin de les empêcher, signaler et les condamner, mais aussi l’axe de la promotion de l’égalité des sexes dans les politiques de l’établissement ou encore l’axe de la parentalité, de son impact sur les carrières mais aussi de sa gestion avec l’environnement professionnel.
Concernant les recommandations formulées pour les unions scientifiques et autres organismes internationaux, Colette Guillopé et Marie-Françoise Roy conseillent de travailler sur le changement des normes, d’encourager les bonnes pratiques, d’augmenter la visibilité des femmes scientifiques et de créer des comités pour les femmes en science.
« ÉGALITÉ EN SCIENCE ! »
Afin de pouvoir accès aux mesures concrètes proposées et aux résultats de l’enquête, il faudra attendre encore quelques temps. La traduction est en cours, assurent les deux expertes. Et elle sera partielle avec cependant l’ajout de deux chapitres, un sur les mathématiciennes africaines – grâce à l’African women in mathematics association – et un sur les mathématiciennes françaises – grâce à l’association Femmes et mathématiques.
Le livre en français s’appelle : Égalité en science ! Une approche globale des inégalités femmes-hommes en mathématiques, informatique et sciences : comment les mesurer ? comment les réduire ?
Concernant les mathématiciennes françaises, elles en ont sélectionnées 5 et les ont interrogées sur leur parcours, leurs résultats scientifiques et leur action phare pour l’égalité femmes-hommes en mathématiques. Figurent ainsi Anne Boyé, Clotilde Fermanian, Geneviève Robin, Olga Romaskevich, Anne Siegel.
On y trouve aussi des statistiques plutôt accablantes sur la proportion de femmes et d’hommes professeur-e-s de maths depuis 1996. Les femmes représentent moins de 10% et leur nombre diminue progressivement avec le temps.
« En 2075, il n’y aura plus une seule profe de maths à l’université en France si ça continue. »
déplore Marie-Françoise Roy.
FAIRE PROGRESSER L’ÉGALITÉ CONCRÈTEMENT
À l’occasion de la conférence, Marie-Françoise Roy s’appuie sur différentes situations et actions que l’on peut mettre en lumière dans le cadre des avancées dues à des mouvements en faveur de l’égalité femmes – hommes.
Elle prend l’exemple du CIRM – Centre international de recherches mathématiques – un centre de rencontres organisées sur une semaine, dans le sud de la France. Créé en 1981, « il était interdit depuis le début d’y amener des bébés. Si une mère voulait allaiter, elle devait sortir de l’enceinte de la structure. » Et quand elles venaient en famille avec des enfants même plus âgés que les nourrissons, elles devaient louer un hébergement en dehors du CIRM au lieu de loger avec les autres.
A coups de protestations et de pétitions, « l’impossible est devenu possible ». Depuis 2016, soit 35 ans après son ouverture et à la suite d’une rénovation des locaux, le CIRM autorise les bébés et les enfants, installés avec leurs parents dans des studios familiaux. Les familles peuvent donc depuis 5 ans manger et loger avec le reste des personnes présentes. « Quand ils ont changé le règlement, ils n’ont pas fait beaucoup de pub à ce sujet… », conclut la professeure qui embraye rapidement sur les initiatives positives mises en place sur le campus de Beaulieu.
L’université Rennes 1, en collaboration avec l’université Rennes 2, l’EHESP, l’INSA, l’ENSAB et l’ENSCR, ont mis en place un dispositif de prévention et de lutte contre le harcèlement sexuel. Sur le site de Rennes 1, un espace est dédié par exemple pour alerter une ou des situations de harcèlement sexuel, que l’on en soit victime ou témoin.
Une fois l’alerte effectuée, la présumée victime peut avoir accès à une cellule de soutien, composée de médecins, d’une assistance sociale, d’une psychologue et d’un soutien juridique. Elle pourra éventuellement être orientée vers l’association SOS Victimes. Si elle le souhaite, elle pourra suivre les mesures conservatoires et/ou disciplinaires avec l’établissement.
Autre initiative en faveur de l’égalité femmes-hommes : l’inauguration en octobre 2019 de l’amphithéâtre Maryam Mirzakhani, pemière et seule mathématicienne à avoir obtenu la médaille Fields en 2014. Une exposition sur la vie et le travail de Maryam Mirzakhani a eu lieu au Diapason, à la Bibliothèque universitaire ainsi qu’à la MIR et deux tables rondes ont été organisées en 2019 et en 2020, dans le cadre du 8 mars à Rennes, sur la place des femmes dans les sciences, et notamment en mathématiques.
L’université Rennes 1 engage une politique de lutte contre les violences sexuelles, pour la visibilité des femmes scientifiques et œuvre plus largement contre toutes les formes de violences sexistes, dont celles qui concernent la grossesse des post-doctorantes, en soutenant financièrement les pertes éventuelles de rémunération (du contrat de recherche) pendant leur congé maternité.
Un projet est à l’étude en ce moment concernant le congé pour recherche ou conversions thématique (CRCT) – qui permet une période de recherche à plein temps et dispense de l’enseignement et des activités administratives pendant six mois à un an – afin que celui-ci soit accordé de droit aux enseignantes-chercheuses de l’université Rennes 1 qui en font la demande au retour de leur congé maternité.
En 2021, ce sont des actions innovantes. Les mentalités évoluent. Lentement. Trop lentement. Mais les politiques en faveur de l’égalité femmes-hommes, à l’instar de toutes les politiques en faveur de la lutte contre les discriminations, doit être encouragée. Afin que ce soit les filles et les femmes qui en bénéficient. Dans leurs orientations scolaires, choix de métier, évolutions de carrières, possibilité d’articuler vie professionnelle et vie personnelle sans sacrifices visant toujours les mêmes individus.


À la tribune, les prises de parole, traduites également en langue des signes françaises, se succèdent et elles font du bien. Elles boostent nos motivations, complètent nos réflexions, alimentent nos imaginaires en terme de stratégies à mettre en place et de chemins encore à parcourir.
Son discours est puissant. Elle démontre l’importance de l’inclusion de tou-te-s dans les luttes féministes. Parce que nombreuses sont celles qui ont été oubliées, négligées, méprisées. Rachida demande aux militantes de les soutenir et d’être à leurs côtés dans leurs combats :
La parentalité est également abordée à l’occasion de ce 8 mars à Rennes. Parce que l’extension de la PMA à tou-te-s n’est toujours pas obtenue de manière satisfaisante. Ce combat de longue date et de longue haleine trouve évidemment sa place dans les revendications féministes. Dans la question du choix. Dans la question des libertés individuelles.
« Le Service d’Autoprotection Pailletté – le SAP – et l’ensemble de son équipage repérable par des pancartes violettes portées en sandwich sont heureux de vous accueillir pour cette manifestation « En route vers la fin du patriarcat » Nous sommes le 8 mars, à Rennes, à République et la température actuelle est… chaud bouillante nan ?
Elle décide alors de faire des recherches, d’enquêter, de lire sur le sujet. En tirant le fil, comme elle dit, elle réalise et constate la vision occidentale du corps noir, les violences quotidiennes que subissent les personnes noires, femmes, gays… « Pourquoi la différence pose problème alors que pour moi c’est une richesse ? », s’interroge-t-elle alors. 

La commission Femmes de Solidaires 35 axe son discours sur « les premières de corvée ». Celles qui occupent des postes dévalorisés et pourtant essentiels, comme le prouvent les périodes de confinement : « La crise a eu un mérite, celui de révéler des métiers qui la plupart du temps sont invisibilisés parce qu’ils sont exercés par des femmes. Ces métiers ce sont ceux qu’on appelle les métiers du soin et des services à la personne. 

La soirée organisée au cinéma L’Arvor, en partenariat avec le Planning Familial 35 et Amnesty International, à l’occasion de la Journée internationale pour le droit à l’avortement, agit non seulement comme une piqure de rappel mais également comme une sonnette d’alarme.
Sans oublier le traitement médiatique réservé à ces thématiques qui véhicule bien souvent des clichés. Depuis quelques jours en France, la presse s’affole avec des titres chocs concernant le taux de recours à l’IVG qui en 2019 a atteint son chiffre le plus élevé. Depuis 2001, entre 215 000 et 230 000 avortements étaient pratiqués. L’an dernier, le chiffre était de 232 000.
Cécile Cayrel signe son premier roman avec La couleur de l’air a changé. Avec celui-ci, elle avait profondément envie d’offrir un récit positif. Certes, la situation initiale ne l’est pas. Un couple malheureux, enfermé dans une routine pointant un déséquilibre entre les deux individus, mais Camille accepte.
« J’étais au musée de Grenade et il y avait des vidéos d’hommes et de femmes nu-e-s. La femme était intégralement épilée. J’étais choquée. Je suis donc rentrée avec mon énervement. Parce que c’est acquis la manière dont on représente les sexes féminins. C’est une lutte de visibilité. Ça peut faire du bien de se redécouvrir et j’ai mis ça en parallèle avec Camille qui est au départ une femme timide et qui prend sa source de pouvoir dans l’énergie que lui donnent ses deux compagnons. Je cherchais un moyen de rendre palpable et visible la transformation de Camille qui, elle-même, ne sait pas où elle va. J’avais besoin de montrer l’évolution qui se passait en elle, et ça, c’était très visuel. J’aimais bien. »




Ras-le-bol de faire semblant de s’intéresser à ce qui fondent les inégalités. Ras-le-bol des conneries des militantes féministes qui n’ont rien d’autre à foutre que de s’attaquer à la langue de Molière, à l’éducation de Jules Ferry, aux ambitions sportives de Pierre de Coubertin, au cinéma de Polanski et de Besson…
Écouter et entendre. Sans renvoyer à l’autre l’état d’un jugement hâtif et basé sur des stéréotypes, sur de l’inconscient patriarcal et raciste (ne mentons pas, qui ne l’a pas intégré en vivant dans une société comme celle de la France ?). Voilà ce dont le gouvernement va à l’encontre.
Nous non plus, on ne dit pas ça. Mais on dit que dans un système qui perpétue les inégalités et répand dans toutes les sphères de la société des stéréotypes genrés, tout le monde intègre cette construction sociale qui divise les individus et les hiérarchise en fonction de leur sexe, de leur genre, de leur identité de genre, de leur orientation sexuelle, de leur couleur de peau, de leur santé mentale et/ou physique, etc.