La transmission d'un féminin libre

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On aime. C’est sensible, c’est tendu, c’est violent. C’est puissant. C’est lucide et intelligent parce que la pièce ne prétend pas avoir la vérité absolue, juste la spontanéité d’un discours qui n’a pas été réfléchi mais qui sent le vécu et les tripes.
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Pièce remarquée lors du off du festival d’Avignon, Les yeux de ta mèreétait présentée mercredi 13 mars à la Maison des Associations par la compagnie L’Insoumise. Lors d’une soirée organisée dans le cadre du 8 mars, par Déclic Femmes, avec la compagnie Ty Pestac et le Mouvement de la Paix.

On aime. C’est sensible, c’est tendu, c’est violent. C’est puissant. C’est lucide et intelligent parce que la pièce ne prétend pas avoir la vérité absolue, juste la spontanéité d’un discours qui n’a pas été réfléchi mais qui sent le vécu et les tripes.

Pour écrire, la comédienne Violeta Gal-Rodriguez s’est librement inspirée du texte de Pauline Sales, Le Groenland : « J’ai fait une formation théâtrale au Chili et là-bas, ils désacralisent les textes. Ce n’est pas du tout comme ici. Ça m’a permis de m’éloigner de l’original. Mais ce texte m’obsédait depuis 7 ans. Quand je suis devenue mère, j’ai ressenti l’urgence à le mettre en scène. »

Elle découvre Lula Heldt dans un cabaret, sur une musique d’Eric Satie et reste suspendue dans l’espace et le temps. Elle l’embarque avec elle dans l’aventure de l’Insoumise. « C’était évident qu’il fallait contraster la violence du texte avec quelque chose de très onirique. », souligne Violeta Gal-Rodriguez. 

Dans Les yeux de ta mère, on assiste à un dialogue entre une mère et sa fille, qui errent dans les rues de la ville en pleine nuit. Seulement, on n’entend pas les réponses de l’enfant, certainement adolescente ou jeune femme. On devine parfois des accusations, des jugements, des condamnations peut-être. Pour le comportement d’une mère « pas normale ». 

Pourtant cette mère, elle l’aime, sa fille. Elle la pousse, l’encourage à marcher droit devant, à s’éloigner des jupons de sa génitrice, à parcourir le monde, à suivre son propre chemin. Pourtant, on comprend qu’elle lui adresse le reproche de son absence. « Tu veux une mère normale et comme tout le monde ? Ne cherche pas, ça n’existe pas. », lui répond alors la protagoniste. 

Au bord de la scène, après la représentation, Violeta Gal-Rodriguez et Lula Heldt ne rentrent pas dans les détails du propos et du message. Simplement, elles indiquent que pour elles, il s’agit de l’histoire d’une femme qui se perd d’un point de vue géographique et d’un point de vue philosophique.

Toutefois, c’est avec une incroyable lucidité que la mère évoque son couple, son rapport à l’éducation, son ressenti par rapport à la féminité et aux injonctions. « Le quotidien nous rend robot. Pourquoi les autres envahissent les femmes à ce point-là ? Que veux-tu que je fasse dans ce siècle, ce pays, etc. si ce n’est me réaliser ? (…) Il faut savoir se battre dans un monde de brutes pour trouver sa place. Quand tu es née, j’avais besoin autour de moi de toutes les femmes. », clame-t-elle à la fin. 

Parce qu’elle est « toutes les femmes ici et maintenant, là. Les femmes en moi. Je suis la reine des neiges, la princesse Leïa, Frida Kahlo, Elisabeth Badinter, Simone Veil, Simone de Beauvoir, je suis Colette. Ah ouais là, putain, je suis une maman !!! »

Libération, émancipation, diktats et violences vont de pair dans ce spectacle qui pourrait être un drame mais qui n’est en réalité qu’un échantillon d’un quotidien de femme. La beauté, ici, réside dans la transmission mère-fille qui s’opère alors, provoquée par cet égarement.

Comme si elle brisait l’héritage des inconscients de cette inévitable condition de femme à laquelle les filles sont condamnées dès la naissance : « Entravée, vidée, absente, migraineuse… nerveuse, incapacité à garder son calme, aboyer, se répéter, pleurer en voiture, se rendre compte que tout part d’en bas. Qu’ils pensent tous à ça. À ce trou qui me rend comme ça. »

Le constat est âpre mais la fatalité n’est pas la conclusion du récit dont les mots résonnent au son du violoncelle et des chants de Lula Heldt, accentuant tantôt le côté dramatique, tantôt le côté sarcastique et humoristique. Le texte prend alors une dimension internationale et universelle, la musicienne jouant les musiques du monde avec sensibilité et poésie.

On s’égare, nous aussi, en réfléchissant aux normes, assignations et injonctions imposées aux femmes et aux filles. À ce travail d’équilibriste qu’elles entreprennent au fil de leurs vies pour répondre à ce que l’on attend d’elles tout en réussissant à progressivement briser leurs chaines. À une époque où féminin et masculin entrent en crise, la pièce distille espoir et bienveillance.

 

Célian Ramis

Femmes "chimiotées" : la force de vivre !

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Maison des associations, Rennes
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Entre la projection du film Les belles combattantes, l’exposition éponyme et les témoignages de trois femmes ayant été atteintes du cancer du sein, le sujet de la soirée était bel et bien celui de la résilience et du souffle de vie.
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C’est une soirée sur le fil de l’émotion que proposait l’association Yadlavie le jeudi 14 mars à la Maison des Associations de Rennes. Entre la projection du film Les belles combattantes, l’exposition éponyme et les témoignages de trois femmes ayant été atteintes du cancer du sein, le sujet était bel et bien celui de la résilience et du souffle de vie.

« C’est un film d’espoir », lance la photographe Karine Nicolleau, à qui l’on doit Les belles combattantes– à (re)découvrir sur TVR samedi 16 mars à 14h pour le documentaire et à voir à la Maison des Associations jusqu’au 12 avril pour l’exposition. 

Ainsi, durant une trentaine de minutes, l’association Yadlavie - créée en 2012 - nous permet de partager une petite partie du quotidien des Roz’Eskell (association CAP Ouest) lors de leur séjour en Chine, au pays du dragon boat, les répétitions de la comédienne Sonia Rostagni, co-auteure du spectacle 649 eurosautour du cancer du sein, et les entrainements des Riposteuses (association Solution Riposte) pratiquant l’escrime à visée rééducative. 

Dans le film, ce qui prime, ce sont les rires, les sourires, les paroles et réflexions autour des vécus des unes et des autres. Sans voyeurisme, elles livrent ici une intimité sensible de laquelle jaillit une énergie positive et une volonté inouïe de vie. Se déroule alors instantanément le fil puissant d’une oscillation entre force et fragilité qui suspend le temps pour ne laisser transparaitre que l’émotion brute et authentique.

UNE CONSCIENCE PLUS AIGUE DE LA VIE

Dans l’intitulé de la soirée, elles sont « Femmes « chimiotées » : femmes envers et contre tout ». Elles ont subi et affronté le(s) cancer(s) du sein, elles sont en rémission ou non. Les protocoles médicaux, la dépossession de leur corps, le regard des autres sur elles et leur propre regard…

Elles doivent désormais vivre avec. Elles se sont découvertes des forces insoupçonnées jusqu’ici et parlent « d’une conscience, aujourd’hui, plus aigue de la vie, du fait qu’il faut profiter davantage des choses. »

Pour Anne Patault, vice-présidente de la région Bretagne, chargée de l’égalité, de l’innovation sociale et de la vie associative, son « espèce de chance » a été de ne plus craindre la vieillesse :

« Pendant toute une époque, j’avais peur de vieillir. Maintenant, j’espère vieillir. Je me projette en vieille dame et ça me fait plaisir. »

Un point sur lequel la comédienne Sonia Rostagni la rejoint : « Chaque année supplémentaire, c’est toujours ça de pris ! »

Son spectacle, 649 euros, elle le définit comme une évidence : « Une manière de sublimer par l’art le cancer. De faire d’un truc très moche un truc esthétique. Avec une mise en scène pensée de manière à ce que je ne rejoue pas tous les soirs mon cancer à moi. Même si j’ai eu un cancer, je joue un personnage. Je suis une femme, n’importe quelle femme. Et puis la pièce permet aussi de sortir du pathos et de transmettre les choses avec humour. Ça a été un mécanisme de défense très puissant pour moi, l’humour. Je n’ai jamais autant ri que pendant la maladie. »

LES INJONCTIONS DANS LE CANCER

Si elles refusent de parler du cancer comme d’une chance, comme tel est ressenti d’une participante dans le film, elles s’accordent à aborder l’angle du changement post opération. En nuançant toutefois.

« Ça m’a donné des orientations de vie un peu différentes. J’étais un peu indolente avant, j’avais tendance à laisser filer le temps. La leçon que m’a donné la maladie c’est la notion du temps qui nous est compté. Aujourd’hui, j’ai une sorte d’impatience par rapport à des réalisations de projets par exemple. Je suis devenue plus fonceuse. Quand je suis convaincue de quelque chose, maintenant j’y vais. », souligne Anne Patault.

Même discours du côté de Sonia Rostagni :

« Des traits de caractère se sont affirmés. Je me suis découverte encore plus. »

Pour Maryse Théron, syndicaliste et membre des Roz’Eskell, pas question de se soumettre aux injonctions « de faire ça, de dire ça, de vivre le cancer de telle ou telle manière. » Elle le dit et l’affirme : 

« Je n’aime pas les injonctions ! Il n’y a pas plus de raisons de vivre ces injonctions attribuées aux femmes qui ont eu un cancer que d’autres ! On n’est pas obligées de changer parce qu’on a eu un cancer. Certaines étaient insupportables avant la maladie et le restent après. La maladie apprend l’humilité. On prend une conscience un peu plus aigue de notre mortalité. »

CHACUNE SON EXPÉRIENCE ET SON RESSENTI

Elles ne sont pas des expertes du cancer. Elles sont des femmes ayant vécu, chacune à sa manière, son ou ses cancers du sein. Ce soir-là, sans détour et sans langue de bois, les trois intervenantes témoignent de leurs expériences et ressentis individuels pouvant trouver des points de résonnance dans l’épreuve subie par le collectif.

« Ma mère commençait son Alzheimer. J’ai du lui réannoncer 100 fois que j’étais malade. J’ai fini par me dire que c’était pas plus mal qu’elle oublie. Mon entourage a été ni trop envahissant ni trop dans la compassion. C’est un équilibre difficile à trouver mais c’est important. Mais il faut savoir qu’on est toujours tout seul dans la maladie. C’est un parcours solitaire, même si j’ai toujours été accompagnée pendant les chimios ou qu’une amie venait me chercher… », précise Anne Patault qui soulève alors la question de ce que l’on peut attendre de son entourage pendant la maladie. 

Il y a ce que l’on dit aux autres, ce que l’on ressent et vit réellement. Il y a ce que l’on est capable d’endurer, ce qu’on dit aux enfants. Il y a celles et ceux qui supportent et prennent sur elles/eux, d’autres qui ne sont pas en mesure de soutenir et qui s’en vont. Il y a les médecins et les protocoles, ceux qui soignent un individu et ceux qui traitent un symptôme. Et puis la vie qui continue en parallèle. En dehors de la personne qui au même moment affronte la maladie.

Etre sujet, c’est le point sur lequel insiste Maryse Théron. Ne pas se laisser posséder par les autres, par leurs angoisses, leurs émotions, leurs conseils et savoirs.

« Être soi même son sujet. C’est moi, c’est mon cancer. C’est moi qui dit si je vais ou vais pas, qui dit ce que je fais, ce que je fais pas, etc. C’est important de se réapproprier soi-même. »
affirme-t-elle, précisant qu’il ne faut pas sous estimer le poids de la maladie. 

RETOUR À LA VIE PROFESSIONNELLE

Pas facile dans une société capitaliste avide de rentabilité et de productivité de se retirer pendant un temps de la vie professionnelle. La peur de se détacher, de se déconnecter, de ne pas retrouver sa place à son retour, la peur de ne pas être comprise en revenant par le biais d’un mi temps thérapeutique, la peur d’être jugée, la peur d’être larguée.

Si Maryse évoque le dispositif Cancer at work, prévu dans le plan Cancer pour faciliter le retour ou l’accompagnement à l’emploi, elle parle aussi d’une grande méconnaissance de la maladie.

« Les employeurs sont démunis. Il y a encore beaucoup de travail à réaliser pour informer et sensibiliser les équipes, les managers, etc. Le plan Cancer c’est bien mais il faut y mettre des moyens et pas que des discours politiques », précise-t-elle, indiquant également un manque cruel d’égalité dans l’information et l’accès à la prévention et au dépistage du cancer, notamment en direction des femmes précaires « qui n’ont pas le temps de s’occuper d’elles parce qu’elles doivent gérer les enfants, la maison, etc. »

LA HARGNE DES COMBATTANTES

Au fil de la discussion, on retrouve la même sensation que pendant le film ou l’exposition, face aux photographies de Karine Nicolleau dans la galerie de la Maison des Associations. Réunies par le cancer du sein, sur des clichés en couleur ou en noir et blanc, à bord d’un dragon boat, à croiser le sabre et l’épée, à une table ronde, elles délivrent un message fort qui encourage la force de vivre.

Elles ont le sourire des survivantes et la hargne des combattantes. Parce qu’elles ont puisé en elles des ressources auxquelles elles ne pensaient pas faire appel, elles ont découvert des forces en elles insoupçonnées.

« Il faut beaucoup d’amour de soi même pour continuer de se regarder avec douceur. »
conclut Anne Patault.

Une belle leçon de vie qu’elles partagent avec générosité lors des échanges à l’occasion de la soirée.

Célian Ramis

Mythos 2019 : Gagnez des places pour le concert d’Aloïse Sauvage (mais pas que !)

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Du 29 mars au 7 avril, le festival Mythos revient à Rennes et aux alentours. Chaque année, lectrices et lecteurs peuvent remporter des places pour des spectacles et des concerts. Tentez-votre chance !
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Du 29 mars au 7 avril, le festival Mythos revient à Rennes et aux alentours. Chaque année, lectrices et lecteurs peuvent remporter des places pour des spectacles et des concerts. Tentez-votre chance en nous envoyant un mail à redaction@yeggmag.fr en précisant votre nom, votre prénom et l’événement pour lequel vous jouez (les personnes gagnantes remportent une place et non les deux).

 

• THÉÂTRE : PIÈCE D’ACTUALITÉ N°9 – DÉSOBÉIR / JULIE BERÈS / THÉÂTRE DE L’AIRE LIBRE : 2 PLACES

Un spectacle à ne pas manquer. Parce qu’il dresse le portrait croisé de quatre jeunes femmes et se fait le récit d’une émancipation chargée qui en devient politique. Sur scène, leurs témoignages, chargés des révoltes et des rêves les plus inattendus, brisent un à un les stéréotypes qui épinglent le visage féminin de la banlieue. Des tentatives de réconciliation aux luttes les plus radicales, elles affirment un désir d’égalité valable pour chacun(e). Entre fidélité et refus du poids de l’héritage, entre désirs immenses et sentiments d’impasse de l’époque, Julie Berès et son équipe entreprennent de sonder les rêves et les révoltes des jeunes femmes d’aujourd’hui.

Vendredi 29 mars, 21h.

 

• CONCERTS : ALOÏSE SAUVAGE - CANINE - FAKEAR - SARA ZINGER / CABARET BOTANIQUE : 2 PLACES

Aloïse Sauvage : Elle a marqué la création des TransMusicales en décembre 2018 au théâtre de l’Aire Libre et nous a mis une sacrée baffe. De par sa présence, sa prestance, sa musique brute et son écriture réalistico-poétique. Elle s’affiche, telle une Jeanne Added ayant foulé la même scène quelques années avant elle (dont le concert est complet lors du festival), en artiste très prometteuse qui ose prendre des risques et assumer ses ambitions. 

Canine : Son chant intrigue. Sa musique fait danser, penser, songer. Le travail des voix s’avère impressionnant : elles mêlent la chaleur du gospel et la profondeur du chant tribal à des sonorités très modernes, entre soul futuriste et pop cosmique. Elle nous entraine aisément avec elle et nous fait plonger dans un univers hors du réel. 

Fakear : Rapidement, il est devenu l’un des leaders de la scène électronique actuelle, couronné d’un disque d’or. L’énergie communicative qu’il déploie en live conquit facilement son public. Cette année, l’artiste présente All Glows, son nouvel album empreint d’une jungle de sonorités végétales. Une invitation à la contemplation, un appel à l’oubli de soi. 

Sara Zinger : Elle est DJ et productrice et sans aucun doute l’une des révélations de la musique électronique de l’an dernier. Ancrée dans la scène musicale underground, elle s’affiche comme une authentique icône contemporaine. 

Samedi 30 mars, 21h. 

 

• CONCERT : ANNE PACEO / CABARET BOTANIQUE : 2 PLACES 

Elle n’aime pas définir sa musique. Elle n’aime pas les cases. Ça tombe bien, nous non plus. Sur scène, elle nous fait voyager, frissonner, nous émouvoir, sourire. C’est ce qui compte pour elle à travers son travail. L’artiste présente son nouvel album, Bright Shadows, et convoque les énergies du jazz et de la world music pour nous faire tourner la tête. 

Vendredi 5 avril, 18h. 

 

Note pour les personnes gagnantes : Les billets seront à récupérer à la billetterie de chaque représentation 30 minutes avant le début du spectacle. Pour les concerts se déroulant au Cabaret botanique, les billets seront à récupérer à l’accueil presse du festival.

Célian Ramis

Mad'âmes : les artistes indisciplinées du street art

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Pas de doute, ces indisciplinées aux pinceaux bien pendus n’ont pas fini de transformer autant l’urbanisme que les mentalités. « On n’a pas fini de nous voir sur les murs de la ville », conclut Maya Wnu, l’œil frétillant.
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Les femmes ne sont pas artistes. Les femmes ne font pas du street art. Le street art ne peut se définir que si l’on utilise uniquement de la peinture en bombe… Formulé ainsi, ce discours n’a pas de sens. Ni formulé autrement d’ailleurs. Une preuve supplémentaire en acte avec l’exposition collective MAD’ÂMES à découvrir jusqu’au 16 février à l’Impermanence galerie, à Rennes. Les huit artistes réunies mêlent leurs univers divers dans une fresque murale devant laquelle il est conseillé de prendre le temps de s’arrêter. Pour observer, se perdre dans les détails, voyager, rêver, s’émerveiller… Pour respirer, tout simplement. 

Dos à l’entrée de Beaulieu, le restaurant Le Tournebride. Et en contrebas, un parking et un accès à l’Impermanence galerie. Par les escaliers, nous accédons à cet espace dans lequel s’attèlent les artistes de l’exposition collective à venir. Le lendemain, le 18 janvier, aura lieu le vernissage de MAD’ÂMES.

Bibiche Zède, Christine (2 x) Ammour, Maïté Rouault, Valérie Martin, Maya Wnu, Helena Gath, Eve le Trévedic et Anne-Laure Chevallier œuvrent ensemble à la transformation du mur - mis à disposition par le restaurant - en une grande fresque onirique, contrastée et poétique.

On joue à s’éloigner pour profiter de la vue d’ensemble et à se rapprocher pour observer chaque détail, ce qui relève de la mission impossible. De l’origine du monde à la végétation, en passant par les éléments célestes et la faune, l’œuvre, ornée par ci par là d’or et de cuivre, est envoutante.

Les couleurs fluos du paysage se marient au noir et blanc des personnages et les différents univers propres à chaque artiste viennent créer une sorte de symbiose harmonieuse agrémentée par les nombreux rires du collectif qui, malgré le froid et la grisaille, s’applique joyeusement à la métamorphose de la façade.

SANS REVENDICATION ?

À l’invitation de Maya Wnu et Thiago Ritual, gérant-e-s de l’Impermanence galerie, elles ont toutes répondu positivement, sans se connaitre. Pour « la notion de plaisir, de désir. On nous invite à dessiner sur les murs, on dit oui ! Pour le faire, pour être ensemble, pour avoir du plaisir ! », souligne Eve le Trévedic.

L’idée initiale : réunir des univers artistiques que le duo apprécie - dans une exposition à découvrir à l’intérieur de la galerie - et les mélanger dans une fresque murale. « C’est une exposition collective féminine mais pas féministe. Même si certaines sont féministes, il n’y a pas forcément ici de revendication. C’est surtout le mot « artiste » qui intéresse. », explique Maya.

Sa description nous intrigue. On cherche alors à décortiquer le propos : « On veut arrêter d’être cataloguées comme des artistes femmes. C’est une expo normale d’artistes et on ne devrait pas avoir besoin de revendiquer qu’on est des artistes. On est des artistes, point barre. »

Malheureusement, comme le souligne Thiago Ritual, dans le milieu artistique – comme dans le reste de la société – les femmes disposent de moins d’espace de diffusion que les hommes qui eux sont plus souvent programmés et programmateurs.

Pour Bibiche Zède, « on est obligé-e-s de passer par le sexe des gens avant de se faire reconnaître comme artistes à part entière. » Ce qu’elle critique fermement :

« Artiste femme. On n’est pas obligé-e-s de savoir que j’ai des ovaires !!! » 

Ce n’est pas nouveau, partout où elles sont et vont, les femmes doivent redoubler d’effort pour prouver leurs valeurs et leurs talents. Surtout quand elles investissent un domaine pensé comme essentiellement masculin. « Les femmes ont du talent et ça peut déranger les hommes dans une société patriarcale. », insiste Valérie Martin, rejointe par Christine (2 x) Ammour :

« C’est notre image artistique qui nous relie, qu’on soit homme ou femme. » Finalement, la revendication est évidente : être considérée pour son talent et non pas pour son sexe. Une demande pleine de sens pourtant toujours pas « naturelle » puisqu’il faut encore en passer par des démonstrations des inégalités bien vivaces. 

« ON FAIT CE QU’ON VEUT ! »

Au fil de la discussion, les arguments et anecdotes autour de la place des femmes dans le street art se multiplient. « Il y a une représentation masculine du street art. On imagine des hommes avec des bombes. Alors voir une femme peindre un mur au pinceau, c’est trop ! Au Brésil, il y a plein de nanas dans ce milieu, elles sont intégrées à la scène artistique, c’est normal là-bas. », commente Thiago.

Helena Gath confirme : « En Amérique latine, en Italie, en Espagne, c’est beaucoup plus ouvert à tous les genres, styles, sexes qu’ici. Au Pérou par exemple, on voit beaucoup de femmes – principalement parce que ce sont les maitresses - peindre les murs extérieurs des écoles maternelles et primaires avec des pinceaux. »

Durant les deux journées de réalisation de la fresque, elles ont constaté le passage de plusieurs artistes reconnus dans la discipline et se sont senties observées, jugées, « comme attendues au tournant », précise Eve. Maya, qui a arrêté de peindre dans la rue parce qu’elle était la seule femme, rigole :

« Y en un qui est venu me voir pendant que je dessinais l’oiseau et qui m’a demandé ‘Mais c’est quoi le message ? Pourquoi un oiseau ?’. Je lui ai répondu que c’était parce que j’avais pas la place de faire un poney ! Et il a continué : ‘Mais pourquoi au pinceau ?’ Pour d’autres, on avait du mal à savoir ce qu’ils pensaient. Enfin, y en a 1 ou 2 qui ont dit quand même que ça leur plaisait pas. On ne dirait pas ça aux graffeurs. »

Derrière les rires, elles dénoncent le paternalisme condescendant et méprisant visant à faire sentir aux femmes qu’elles ne sont que des femmes et ainsi les amener à renoncer. Mais c’est mal connaître les MAD’ÂMES qui avec cette exposition et cette fresque murale – qui visiblement casse doublement les codes en raison des outils utilisés et du sexe des artistes – lancent « un crew » de street art du même nom.

« On fait ce qu’on veut ! On montre qu’on est là, qu’on existe, qu’on fait des trucs, rétorque Bibiche Zède. Toute peinture murale n’a pas besoin d’être validée par les graffeurs. » 

CE N’EST QUE LE DÉBUT ! 

Le collectif permet donc d’accentuer la visibilité de chacune, de développer des réseaux et de faire infuser dans les esprits que le talent n’est pas défini par le sexe de l’artiste. Après tout, que sait-on de Banksy ou de War ? Sans connaître leurs identités, on les imagine au masculin. Ici, les MAD’ÂMES s’affranchissent des codes et des normes.

En liant leurs arts, elles prennent leur pied et livrent au grand public une fresque murale onirique et poétique. L’étincelle est créée par l’assemblage des techniques (collage, pochoir, peinture, etc.) et de leurs savoir-faire et le croisement de leurs univers alors mis en dialogue. « Ce sont des univers qui créent un univers. Quand on regarde les étoiles, on en regarde plein et c’est ce qui fait l’univers. », s’amusent à déclarer Bibiche Zède et Eve le Trévedic.

Pas de doute, ces indisciplinées aux pinceaux bien pendus n’ont pas fini de transformer autant l’urbanisme que les mentalités. « On n’a pas fini de nous voir sur les murs de la ville », conclut Maya Wnu, l’œil frétillant. 

 

 

Célian Ramis

Heureux comme Lazzaro : À couper le souffle

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Cinéville Colombier, Rennes
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Alice Rohrwacher offre au 7e art un troisième film subtil, intelligent, juste et puissant. Sur l’innocence, les migrations, l’exploitation, le bonheur, la lutte des classes, l’écologie, le ridicule et la persistance. Sublime et profond.
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C’est une ingénieuse merveille qu’a réalisé la cinéaste Alice Rohrwacher avec son film Lazzaro Felice, projeté le 18 janvier dernier lors de l’inauguration du festival du film italien Filmissimo, au cinéville Colombier de Rennes. 

Le film met une première claque. La réalisatrice une seconde. De celles qui font du bien parce qu’elles permettent de regarder le monde avec simplicité mais sans naïveté. De s’émerveiller devant la bonté pure d’un être humain, malgré la brutalité de l’exploitation avilissante d’abord de toute une communauté pour en arriver ensuite à l’effet grossissant de toute une société.

« En italien, ‘lazzaro’ désigne un homme qui vit dans la rue. ‘Lazzaro felice’ est une expression locale, difficile à traduire en français, mais ça désigne un homme qui n’a rien et qui est heureux. », précise Alice Rohrwacher, présente ce soir-là à Rennes.

Lazzaro, c’est un simple d’esprit qu’elle refuse de juger. C’est un saint de la religion du « nous », les humains. Si son film est plein de grâce, emprunt de références bibliques et de spiritualité, il n’en est pas moins très cartésien et réaliste. Hors du temps et de la civilisation, les paysan-ne-s de l’Inviolata, hameau rural du centre de l’Italie, travaillent à la solde de la marquise, réduit-e-s en esclavage, sans en avoir conscience.

La révélation de la grande escroquerie les propulse directement dans le monde moderne où là encore, ils/elles sont à la marge. « Ce sont des gens qui restent toujours dehors. En dehors des luttes. », souligne la réalisatrice qui a, plus jeune, vécu dans une zone proche de l’Inviolata :

« Quand on est arrivé-e-s en Ombrie avec mes parents, nous avons habité une maison qui venait d’être laissée par ces gens-là. J’ai grandi dans le vide qu’ils avaient laissé. » Marquée par ses souvenirs personnels,Lazzaro Felice (en français, Heureux comme Lazzaro) ne peut être détaché de son vécu et ressenti :

« J’ai fait des études classiques, pas de cinéma. Mais j’aimais le cinéma. Le documentaire. C’est le hasard de la rencontre avec mon producteur qui m’a fait venir au cinéma. Je crois qu’on fait des films parce qu’il y a des choses qu’on n’arrive pas à dire. C’est plus simple avec les images qu’avec les paroles. Ce n’est pas un film autobiographique mais moi aussi j’ai quitté la campagne pour aller à la ville. Même si je ne suis pas Lazzaro, j’ai partagé son regard pendant un moment. J’imaginais toujours avoir Lazzaro à côté de moi. »

Alice Rohrwacher offre au 7eart un troisième film subtil, intelligent, juste et puissant. Sur l’innocence, les migrations, l’exploitation, le bonheur, la lutte des classes, l’écologie, le ridicule et la persistance. Sublime et profond. 

Célian Ramis

Ode à nos corps libres !

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MJC Le Grand Cordel, Rennes
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Présumés atypiques, bien moulés dans la norme, complexés, sacralisés, dépossédés, hypersexualisés… certains corps sont exposés, d’autres dissimulés. Tous sont politiques.
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Présumés atypiques, bien moulés dans la norme, complexés, sacralisés, dépossédés, hypersexualisés… certains corps sont exposés, d’autres dissimulés. Tous sont politiques. C’est ce qu’a affirmé le collectif Les Femmes Libres dans l’exposition présentée du 10 au 21 décembre 2018 à la MJC du Grand Cordel à Rennes.

« Pourquoi cette thématique ? Parce qu’on parle tout le temps du corps. Il est politique parce qu’il faut se battre sans arrêt pour l’acceptation du corps, de soi-même… Et c’est pas gagné ! » Entre consternation et espoir, Petite Poupée 7, fondatrice du collectif d’artistes féministes et queer Les Femmes Libres, milite par les arts pour une plus juste représentation des corps. Parce qu’ils sont multiples, au-delà de la perception patriarcale largement médiatisée et diffusée dans les pubs, les jeux vidéos, les films, etc.

« On se questionne beaucoup sur notre corps. Est-ce que je suis grosse ? Est-ce que je suis belle quand même ? On se compare aux autres, on a peur des vêtements que l’on porte et de ce qu’ils renvoient… C’est politique d’arriver à se dire que l’on s’accepte comme on est ! Le corps est libre ! », s’enthousiasme-t-elle.

L’expo vient casser les clichés d’un corps féminin idéalisé et fantasmé pour proclamer la diversité des genres et des corps. Dans « Mon corps est politique », la question n’est plus de savoir si sur la photo ou la peinture se tient un homme ou une femme mais plutôt comment chacun-e incarne son enveloppe charnelle et se perçoit. Et ce à quoi ça nous renvoie.

Les œuvres sont véritablement fascinantes, impactantes. Tant dans la réflexion artistique que politique. Les esthétiques se mélangent et dans la simplicité du propos nait la force du message qui tend à rendre beaux tous les corps ainsi qu’à les désacraliser afin de se distancer de la morale et des normes infligées par une société imprégnée de conventions conservatrices qui ne font que renier la multiplicité des possibilités.

« Modifier son corps dans son sexe et son genre, perdre du poids, muscler son corps en faisant du sport, c’est pareil. Si on ne voit pas ça au même niveau, c’est à cause de notre échelle de valeurs. Ma transition vers le féminin, niveau corporel, n’a pas été contraignante ou violente dans ma chair. Pourtant, c’est une violence inouïe pour la société. », explique Selene Tonon, alors présidente d’Iskis, centre LGBT+ de Rennes, invitée à animer une causerie au sein même de l’exposition, le 13 décembre dernier.

Elle dénonce le conditionnement des femmes, cis et trans, au dégoût de soi, à la comparaison permanente et aux jugements néfastes et revendique l’émancipation pour tou-te-s. 

 

Artistes exposé-e-s : Douxerose, Jorgasme, Céline Bernier, Briel Hughes Pécourt, Hugo Le Fevre Dolci, PP7 et Sofia Tabouche.

Célian Ramis

Les suppliantes : l'appel à l'humanité

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ADEC, Rennes
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Le Théâtre du Tiroir fait du texte d'Eschyle, Les Suppliantes, un chantier citoyen, invitant sur les planches, des comédien-ne-s amateur-e-s français-es et étranger-es-s, demandeur-se-s d’asile, à prendre la parole. Celle, souvent, de leur propre histoire.
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Près de 2500 ans après son écriture, le texte d’Eschyle, poète de la Grèce antique, reste terriblement d’actualité. Mêlant menaces de mort, droit d’asile et liberté des femmes, la pièce Les Suppliantes est adaptée par le metteur en scène lavallois Jean-Luc Bansard, du Théâtre du Tiroir. Celui-ci en fait un chantier citoyen, invitant sur les planches, des comédien-ne-s amateur-e-s français-es et étranger-es-s, demandeur-se-s d’asile, à prendre la parole. Celle, souvent, de leur propre histoire. Le 23 novembre dernier, une quarantaine de personnes et une quinzaine de nationalités et de langues s’entremêlaient sur les planches de l’ADEC, à Rennes. 

« La mort plutôt que le viol ! » C’est le cri des Danaïdes. Cinquante femmes libyennes réfugiées dans le temple de Zeus, dans la cité d’Argos en Grèce, après avoir traversé la Méditerranée pour fuir leurs cousins les Egyptiades qui les pourchassent pour les épouser de force. Face au Prince, elles demandent asile tandis que leur père Danaos, part chercher de l’aide auprès du peuple.

« J’ai peur de l’ombre. Que la question des étrangers n’apporte pas le trouble ! », déclame le souverain, craignant une guerre causée par l’accueil de ces femmes. Elles qui tiennent le signe des suppliantes, dans ce lieu célébrant le dieu des demandeurs d’asile. Elles qui prouvent, par le récit du mythe d’Io, descendre des mêmes ancêtres. Elles qui devant les hommes s’affichent en guerrières, refusant la fatalité supposée de leur condition :

« Jamais nous n’accepterons de leur être soumises. Sois du côté de la Justice et décide ! »

Devant la détermination, le courage et l’appel à l’aide des Danaïdes, le Prince s’en remet à la démocratie : « Si la cité est en danger, c’est à la cité de trancher ! » À l’unanimité, les grecs se proclament en faveur de leur protection, décision qui déclenche la colère des Egyptiens, qui décident alors de rentrer en guerre. 

LA CRÉATION D’UN CHANTIER CITOYEN

« La fiction de Eschyle rejoint la réalité d’aujourd’hui », explique Jean-Luc Bansard, metteur en scène et créateur du Théâtre du Tiroir, à Laval, dans le documentaire Hospitalières et Suppliantes, diffusé sur France 3 Pays-de-la-Loire, le 12 novembre dernier (à revoir sur le site de la chaine).

C’est un passionné et un humaniste. Depuis 30 ans, il anime le Théâtre du Tiroir de sa curiosité pour les cultures du monde qu’il découvre au fil de ses nombreux voyages. Amoureux des littératures et des langues, le déclic opère lorsqu’il entend parler du texte d’Eschyle. Il l’intègre dans ses chantiers citoyens, conçus pour faire se rencontrer sur les plateaux de théâtre et dans les salles, le maximum de personnes d’origines et de cultures différentes.

« J’ai lancé un appel à toutes les femmes qui voulaient parler du sujet des mariages forcés. J’ai eu une douzaine de femmes. Ensuite, j’ai cherché des femmes réfugiées dans les centres d’alphabétisation, au 115, etc. Il y avait pas mal de difficultés car elles ne connaissaient pas toutes la culture et la langue française et le théâtre. Sont venues des femmes algériennes, albanaises, guinéennes… On a fait des duos : une femme française / une femme étrangère. Et à chaque fois, les françaises ont du apprendre au moins une phrase dans la langue de sa binôme. », s’enthousiasme-t-il.

Il peut parler des heures durant de ses rencontres et de ce qui l’anime dans le théâtre : « Le théâtre, c’est se tenir debout et dire quelque chose au monde. Et là, c’est formidable, un cordonnier d’Erythrée porte la parole d’Eschyle. Pour moi, c’est le meilleur résultat de ce spectacle. Un paysan de Guinée parle au monde entier à travers Eschyle. Une femme de ménage française qui travaille dans les écoles de Laval, elle dit une parole qui a 2500 ans. Que demande-t-on au théâtre, si ce n’est qu’il porte la parole des plus humbles d’entre nous ? » (extrait du documentaire de Pierre Guicheney). 

DES FEMMES LIBRES ET PUISSANTES

Sur scène, le chœur des femmes est beau et puissant. Combattives, elles implorent l’aide et le soutien d’une peuple frère et ami « contre le viol et l’esclavage ». Elles chantent, elles dansent, elles s’expriment. Dans une dizaine de langues différentes (auxquelles s’ajoutent également les langues des hommes, jouant les soldats). Et également dans une langue imaginaire, inventée par Olivier Messager, réunissant les sonorités du monde entier.

« Pour moi nous sommes combattives et guerrières. Et nous ne sommes pas des victimes. », souligne Florence, dans le documentaire, précisant : « Je me sens utile. Je n’ai jamais su comment militer réellement. Et là, c’est une forme de militantisme mais au travers de la culture. »

Pour Hélène, aussi comédienne dans la pièce : « Dès la première scène, j’ai vraiment l’impression qu’on est embarquées avec eux sur le bateau. Alors tous ne sont pas arrivés par la mer bien sûr. Et ça y est, l’aventure est là, on est ensemble. On va se battre pour ce droit d’asile, et en tant que femmes pour résister à la loi des hommes et ça devient presque vrai. » 

AU-DELÀ DU RÉCIT

Presque vrai. Voire vrai tout court. Walid a fui la Syrie avec Sana, sa femme, et leur fille. Parce qu’ils étaient menacés de mort « par les groupes terroristes, qui kidnappent et violent les femmes. » Mauri a « fui la mort » qui l’attendait en Côte d’Ivoire où il a été battu et torturé et a risqué sa vie en traversant la mer dans un bateau, entassé avec d’autres :

« Mon soucis, c’est d’obtenir des papiers français, sinon je ne peux rien faire. Et c’est très dur de ne rien faire de ta vie, tu tournes en rond alors que tu es dans un pays où tu te sens à l’aise. Je me bats pour le futur, pour mes enfants, pour ne pas qu’ils subissent les souffrances que j’ai connu. »

Jeannette s’est enfuie avant d’être excisée, quittant le Kenya la veille de son mariage forcé. Arrivée en Europe, on lui propose un mariage blanc en Belgique afin d’obtenir des papiers. Elle s’y oppose. Aujourd’hui, elle crie sa liberté sur les planches du théâtre :

« Ici, on s’entend comme si on était du même père. On ne calcule même pas la couleur de peau ici. Comme si c’était une seule personne qui nous a mis au monde. Parce que même si quelqu’un se met à déconner, on arrive à lui faire comprendre ‘ça c’est pas bien, c’est mieux comme ça’ et on accepte tout de suite, on comprend tout de suite. »

L’adaptation de cette pièce multilingue est une ode à l’humanisme et un rappel à tou-te-s que le droit à la dignité nous incombe à tou-te-s. Après la représentation, pas de débat mais une invitation en musique et en danse à venir se joindre à la joyeuse troupe à l’énergie débordante, insufflée par un metteur en scène engagé et amplifiée par les sourires de la quarantaine de comédien-ne-s qui font instantanément tomber les barrières et secouent les mentalités. Bouleversant.

Célian Ramis

Anna Uru et ses joyeuses turlutaines

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Université Rennes 2
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Venue exposée "Les Turlutaine" du 22 novembre 2018 au 22 janvier 2019 à la galerie de la Chambre Claire, située sur le campus de Rennes 2, l'illustratrice Anne Uru a démontré que frivolité rime avec réflexion et qualité.
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À travers l’affiche de Week-end à Rennes (8 – 11 novembre), réalisée pour l’Antipode MJC, ou à travers les 23 dessins regroupés dans l’exposition « Les Turlutaines », qui étaient à découvrir jusqu’au 22 janvier 2019 à la galerie de la Chambre Claire située à Rennes 2, l’illustratrice Anna Uru démontre que frivolité rime avec réflexion et qualité. 

C’était la fête du slip dans le bâtiment de la Présidence de l’université Rennes 2 entre le 22 novembre et le 22 janvier, du nom d’un tableau d’Anna Uru en hommage (dé)culotté à la marque Le Slip Français, signale la légende. Son univers fantaisiste aux grivoiseries couleurs pastel illumine et anime la galerie de la Chambre Claire, venant s’acoquiner avec le sérieux supposé du lieu.

L’exposition « Les Turlutaines » est réjouissante, les situations cocasses. Qu’il s’agisse des Tartineurs artistiques en train de se beurrer la biscotte, du Twist and shout dans lequel un homme et une femme créent un méli-mélo de corps nus en jouant au Twister ou de La Bonne Prise d’escalade en forme de verge, les dessins comportent, sous traits d’humour, une légèreté originale pour aborder des réflexions autour de l’amour, du couple et du cul. 

« Ce sont les trucs qui m’inspirent le plus donc j’ai vogué là-dessus. J’aime les trucs drôles et j’essaye là-dedans de diluer le côté cul. Ce que je représente, ce sont des extrapolations de moments intimes que j’ai pu vivre. Très extrapolés ! Je mets plein de choses qui font sens chez moi. J’ai du mal à expliquer mais je véhicule des symboles, j’inclus des messages dans des compositions qui touchent à un sujet avec un élément, un truc, frappant, impactant. », souligne l’illustratrice parisienne, de passage à Rennes pour l’inauguration de son exposition. 

LIBRE INTERPRÉTATION

Elle dessine ce qui lui passe par la tête. En rapport avec l’actualité, son vécu et celui de son entourage. Et cela prend toujours la forme de personnages solides et souples, libres, aux corps, à la sensualité et la sexualité assumés :

« Le point de vue au départ, c’était un message sur les relations hommes-femmes, sur les idées de comportement qu’on a dessus. Et de détourner les codes de représentation de ces relations intimes, plus sous la forme du jeu. Qu’elles soient joyeuses et rigolotes. Simples et drôles. Parce que c’est comme ça que je vois les choses. Et ça passe par des expériences personnelles parce que ça m’est arrivé d’être mal à l’aise, déstabilisée, dans certaines situations, alors qu’il n’y a pas à l’être. Pourquoi ça ne serait pas drôle ? Pourquoi en tant que femme on doit toujours subir, en quelque sorte, ou se cantonner à certaines choses ? » 

On aime prendre le temps d’observer de loin les tableaux, réalisés essentiellement sur Photoshop et Illustrator, puis se rapprocher pour apprécier la qualité de chaque détails et la beauté d’une esthétique un peu kitsch affinée au grain. Sans yeux, nez et bouche, les personnages et les situations sont pourtant particulièrement vivant-e-s et animé-e-s.

« Je trouve que c’est plus fort visuellement. Il y a déjà beaucoup de choses dans mes dessins. Et puis ça permet aux gens de se projeter, de s’identifier ou de mettre le visage de qui l’on veut à la place. »
souligne Anna Uru. 

Et ça fonctionne puisqu’à partir de ces mises en scène potaches et rigolotes, on se prend à réfléchir à leur interprétation, que l’on associe généralement à des situations qui résonnent avec nos propres vécus :

« Il y a un dessin où j’ai fait 3 œufs au plat sur les seins d’une femme. C’est parti d’une blague de merde parce que j’ai trois tétons. Certains y ont vu un manifeste pour la reconstruction mammaire. Je trouve ça trop bien ! L’aspect féministe n’est pas frontal mais y est, et est dans l’invitation à réfléchir davantage que juste ce que je dessine. Les gens foutent leur interprétation et c’est vraiment bien ! » On est d’accord, c’est vraiment bien.

Célian Ramis

#Trans2018 : Aloïse Sauvage ou l'art du verbe (et du corps) uppercutant

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Samedi 8 décembre. Direction le théâtre de l’Aire Libre, à Saint-Jacques-de-la-Lande pour assister à l’incroyable performance d’Aloïse Sauvage, à qui les Transmusicales ont confié la création 2018 du 5 au 9 décembre.
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Samedi 8 décembre. Direction le théâtre de l’Aire Libre, à Saint-Jacques-de-la-Lande pour assister à l’incroyable performance d’Aloïse Sauvage, à qui les Transmusicales ont confié la création 2018 du 5 au 9 décembre. 

C’est une bombe que vient de lâcher Aloïse Sauvage en prenant les rênes de la création des Transmusicales. Pourtant, à quelques semaines près, sans musiciens et sans le spectacle dans son entièreté, elle aurait pu baisser les bras et rendre les armes. Mais ce serait mal la connaître. L’artiste est une battante et elle est bien décidée à l’affirmer sur scène.

Cinq soirs durant, celle que l’on a pu apercevoir dans 120 battements par minutemonte sur scène pour présenter un « état des lieux » de ce qu’elle est « émotionnellement et artistiquement ».Et c’est un joyau brut et éclatant qui se façonne au fil de ses questionnements et de ses textes à l’écriture soignée et percutante.

Sa musique est un savant mélange de pop, de hip hop et d’électro. Son message est un appel à la vie. Sa manière de le restituer, une fusion de rap chanté, de danse, d’acrobaties circassiennes et de théâtre.

Aloïse Sauvage est pluri-disciplinaire et marque sa création de sa palette transversale qui transcende avec agilité le public pendu à tout son être, particulièrement quand celle ci se suspend dans les airs.

Ses musiciens, sur le fond de la scène, sont en hauteur, laissant ainsi tout le plateau en une sorte de terrain de jeu délimité par un grand tapis. C’est le ring d’une boxeuse, guerrière et combattive, au corps en flux tendu. Quasiment constamment sur le qui vive.

Son corps, sa danse et sa musique sont son langage, son moyen d’expression. Son moyen de cracher ses interrogations, ses difficultés, ses fragilités, ses envies ou encore ses joies. Ses mouvements interagissent avec ses propos, au-delà d’une ponctuation, ils semblent survenir comme une extension de ses mots.

Des mots qui sont forts, très prononcés, très appuyés. Pour la libérer de leur poids et nous assommer du sens qu’elle leur donne en les agitant pour les sortir de leur dimension première et en multiplier les capacités. Chaque phrase éveille nos sens et agite nos neurones, et met en perspective la complexité de la vie et le paradoxe des injonctions.

Cette friction fonctionne à merveille puisqu’elle prend soin, en s’emparant des sujets qui la touchent personnellement, de les rendre universels et de mixer, tel un Stromae, la forme poétique et le fond de la brutalité. Et n’en oublie pas de s’accompagner de chorégraphies efficaces et travaillées et de prouesses techniques.

Avec son micro filaire qui vient du plafond, elle joue avec l’équilibre et se laisse flotter, pointes des pieds tendues sur le tapis. On ne sait plus par moment si c’est le micro qui la guide ou si c’est elle qui possède le micro qu’elle finit par envoyer valser, libérant son âme et son corps de tout attachement avilissant ou contraignant.

Ce soir-là, Aloïse Sauvage réalise une démonstration de force et de souplesse, de rage et de détermination, de génie créatif et d’urgence vitale à se construire pour suivre son chemin et affronter les épreuves. Thématique récurrente, elle parsème également ses textes de confidences, d’amour lesbien, de désirs, de confrontation et de négociation avec soi-même et de vertiges.

L’ensemble est impeccable. Complètement bluffant de par le mélange de disciplines qui pourtant ne font qu’un, les parties seulement dansées étant en elles-mêmes des paroles silencieuses. Se joue ici un spectacle à plusieurs niveaux, auquel il faudrait assister de représentation en représentation afin d’en saisir toutes les subtilités et nuances.

Parce que derrière son côté direct et franche du collier, l’artiste multi-casquettes aux blanches baskets et chaussettes s’amuse de tout ce qu’elle ne dit pas explicitement. Dans ses sous-entendus, dans ses non-dits, dans ses silences, elle se débrouille pour que son langage non verbal soit clair et limpide.

C’est bouleversant, incisif et impactant. Elle balance les coups, on est frappé-e-s en pleine gueule mais aussi en plein bide. Ça bouillonne, tout comme ses idées. Et ses envies, qu’elle livre dans « Dévorantes » : « Des envies, j’en ai beaucoup moi, elles me dévorent toute entière, j’espère que vous aussi. Parce qu’elles sont dévorantes mais elles nous rendent vivants. »

Et sa première envie n’est pas surprenante : être engagée dans ce qu’elle fait. Sa liste est longue et exaltante, elle place le coup final qui nous éclate la mâchoire, crispée d’émotions viscérales que nos tripes vomissent dans un élan totalement libérateur, ne gardant que le souvenir de cette puissance, vitale, brute et bienfaitrice, ressentie tout au long de la performance.

Avec sa chanson « Aphone », elle use de l’analogie de l’extinction de voie à force d’être à fond et de s’exprimer en envoyant malgré tout l’énergie de la folie des grandeurs qui la fait voler et virevolter au dessus de la scène et des premiers rangs du public qui offre un standing ovation prolongé tout au long de cette dernière danse.

L’uppercutante Aloïse Sauvage, c’est l’ébullition de la jeunesse créatrice qui manifeste son envie de se frotter pleinement à la vie, malgré les déboires et les complexités, et la maturité d’une passionnée et investie qui place la barre à hauteur de ses ambitions. Et très clairement, elle en déborde. On attend avec impatience la sortie de son EP, au printemps prochain.

 

Célian Ramis

#Trans2018 : Explosion des codes et des genres

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Vendredi 7 décembre. Deuxième soir des Transmusicales au Parc expo de Rennes durant lequel les chanteuses, musiciennes et danseuses ont insufflé une bonne grosse dose d’empowerment et de liberté.
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Vendredi 7 décembre. Deuxième soir des Transmusicales au Parc expo de Rennes durant lequel les chanteuses, musiciennes et danseuses ont insufflé une bonne grosse dose d’empowerment et de liberté.

THE NAGHASH ENSEMBLE – HALL 8 – 23H30

L’instant est suspendu dans le hall 8. Parce que The Naghash Ensemble, c’est l’union de 3 chanteuses lyriques et de musiciens jouant du dhôl, du oud, du duduk ou encore du piano. L’esprit de cette formation : créer une fusion entre le folk arménien et le post-minimalisme contemporain, en basant leurs chansons sur les poèmes de l’écrivain et prêtre Mkrtich Naghash, datant du XVe siècle.

Sur le papier, c’est intriguant. En live, on apprécie la singularité de la proposition et le travail de variation des intensités de voix – deux sopranos et une alto – et des instruments, ainsi que des rythmiques.

La charge dramatique oscille durant le concert, selon les sujets et contextes de ces méditations, impossibles à comprendre pour nous mais dont on sait qu’elles s’orientent en direction du sort des étrangers et de la relation de l’homme à Dieu.

Pourtant, on ne peut s’empêcher de ressentir une sorte de déception. Peut-être parce qu’on en attendait beaucoup, notamment en terme d’atmosphère et d’opportunité à nous faire voyager en terre arménienne et nous emmener à la découverte de son ancien folklore, mêlé à la modernité des musiques actuelles. Et finalement, on ne décolle pas du hangar du Parc expo.

De là, nait une frustration sans que l’on arrive à mettre le doigt sur ce qui la cause réellement. Car The Naghash Ensemble est un projet inattendu, finement travaillé et décalé face au reste de la programmation.

Seuls quelques courts instants tendent à nous donner l’espoir d’un décollage imminent. Particulièrement lorsqu’au piano et aux voix s’ajoutent les instruments arméniens, incitant à l’accélération des rythmiques. Malheureusement, ça ne dure pas.

 

MUTHONI DRUMMER QUEEN – HALL 9 – 0H25

On délaisse alors les chants lyriques arméniens pour assister à l’ascension de la reine, dans le hall 9. Parce que son temps est venu, dit-elle. Le sien ainsi que celui de toutes les femmes. « For action. For liberation. We are the power. Infinite. », souligne la voix qui envahit l’immense hall 9. 

Elle marque 1 point, Muthoni Drummer Queen. À chaque instant de son concert. Parce que pendant une heure, elle va royalement nous scier sur place en balançant un show époustouflant, aux genres mêlés et variés, à la technique irréprochable et à la puissance inouïe de sa voix, de son discours et de sa présence scénique.

Elle est chanteuse et rappeuse. Elle vient de Nairobi, au Kenya. Elle chante en anglais et en swahili et s’accompagne sur scène de ses deux producteurs suisses GR ! et Hook, de choristes, de danseuses et de musiciens. Et ça envoie entre hip hop, afrobass, électro et r’n’b.

Son flow est rapide et efficace. Elle passe sans difficulté et sans concession d’un rap à du ragga tune, avec l’aisance des grandes musiciennes déjà bien installées. Son projet est terriblement prometteur et Muthoni Drummer Queen a toutes les capacités et l’intelligence de son ambition.

C’est percutant, dynamisant, puissant et effervescent, autant dans le vocal que dans les messages, la générosité, le partage et l’esthétique. Elle ne laisse rien au hasard, rien de côté. Elle est partout, tout en laissant la place à ses collaboratrices et collaborateurs. De là, se dégage une énergie explosive qui embarque tout le hall 9 qui semble pour la plupart déjà bien la connaître.

« Qui a vu Rafiki ? Ok, c’est cool, c’est un film sur une relation d’amitié entre deux femmes. Parce que je suis persuadée que le futur, c’est les femmes ! », scande-t-elle fièrement.

Ce film, Rafiki, c’est le premier film kenyan sélectionné au festival de Cannes, sorti sur els écrans fin septembre, dont elle signe la bande originale et nous régale ici de sa fameuse chanson Suzie Noma et de sa chorégraphie. Dans sa robe style Lady Gaga, elle n’a rien à envier à Beyonce et mérite largement le même succès.

Son discours est féministe et humaniste. Sur scène et dans ses textes, elle affirme son girl power et son engagement pour « toutes les personnes qui n’ont pas les mêmes privilèges que nous tous qui sommes là ce soir : il faut penser aux migrant-e-s et aux réfugié-e-s du monde entier ! »

Muthoni Drummer Queen fait bouger les corps et les consciences et fait lever une armée de poings en l’air et un chœur de festivalier-e-s qui chantent avec elle « Millions voices », que l’on retrouve sur son dernier album, sorti en mars dernier, intitulé She

La puissance qu’elle démontre, avec force et sourire, est viscérale. Elle prend aux tripes et balance une dose immense d’empowerment dans un show structuré en deux parties, entrecoupé d’une battle de breakdance entre deux danseuses professionnelles qui viennent souligner le virage que prend le concert.

Dans ce chapitre « Church », la chanteuse-rappeuse veut parler d’amour et de responsabilités. Du fait « d’accepter la part de responsabilité que l’on a tou-te-s dans chaque situation et partir de là pour résoudre le problème. » Du fait « qu’il y a des temps pour trouver des solutions afin de résoudre les problèmes et des temps pour dire aux gens qui vous considèrent comme acquis-es et ne vous donnent qu’une toute petite petite version d’amour de dégager de vos vies. »

Elle s’oriente alors vers une dimension plus gospel et soul, sans jamais oublier son goût pour le rap. Avec ses paroles et ses propositions musicales variées, elle fédère la foule qui accueille et partage les émotions dans une bonne humeur qui se répand et s’incarne dans l’envie de profiter de l’instant et du bonheur présent.

La showgirl réalise une performance qui marquera les Transmusicales, c’est certain. Parce qu’elle possède la créativité d’une artiste entière, complète et engagée. Parce qu’elle possède une aisance époustouflante sur scène et une générosité rare et précieuse.

Immense coup de cœur pour cette magnifique artiste qu’on aimait déjà écouter en boucle et qui place la barre bien en hauteur, promettant une suite qui pourrait secouer la planète dans les années à venir.

 

UNDERGROUND SYSTEM – HALL 8 – 1H30

Autre hall, autre ambiance. Mais toujours la patate niveau énergie avec Underground System, une formation détonnante composée de guitares, de cuivres, de percussions et d’un instrument à vent. Une sorte de fanfare afrobeat psychédélique à la vivacité communicative et à la cadence bien rythmée.

Les New Yorkais qui s’illustrent sur la scène du hall 8 entrainent la foule et surtout marquent bien qu’avec les genres musicaux, ils font ce qu’ils veulent, bien décidés à ne pas se laisser coller une étiquette sur le dos. Ils invoquent et convoquent des sonorités diverses et atypiques, notamment au niveau de la voix de la chanteuse-flutiste.

On y perçoit un florilège de variations ethniques qui rendent la proposition séduisante et originale. D’autant que la formation renvoie véritablement un côté collectif important et impactant, même si la chanteuse, accompagnée d’une choriste-percussionniste, prend le lead au niveau vocal.

Toutefois, il est un peu difficile de revenir du concert de Muthoni Drummer Queen, même si aucune comparaison ne peut s’opérer entre les deux groupes et propositions.

On peine à s’enlever de la tête et des tripes le show puissant que nous a offert la chanteuse-rappeuse kenyane.

Ainsi, il n’est pas facile de se laisser emporter pleinement par ce qu’il se passe sur la scène du hall 8 qui pourtant démontre une créativité qui nous donne envie de rester et de poursuivre l’expérience Underground System.

Et petit à petit, on se fait entrainer par les rythmes virevoltants du groupe, sublimés par les passages à la flûte.

La foule afflue désormais dans le hangar qui s’électrise rapidement aux sons plus rock et underground qui viennent titiller les viscères.

La voix est peu perceptible dans cet ensemble musical qui n’a pas vocation à être dans la démonstration vocale, même si on entend par moment que la chanteuse pourrait pousser en volume et en intensité.

Sa voix devient alors un instrument intégré au même titre que les autres, les plaçant tous au centre de leur art.

Cet afrobeat expérimental qui mêle disco et new wave dans une dimension minimaliste bien léchée prend son envol sur la reprise du chant partisan « Bella ciao » qui devient alors une véritable création originale. Cette réappropriation signe la liberté dont Underground System se nourrit pour l’insuffler ensuite dans des lives endiablés. Et ça fait du bien.

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